A1) De la préhistoire à l’Antiquité
Les grandes fêtes annuelles (Carnaval, Pâques, Saint Jean, Toussaint, Noël...) représentent un héritage de la lointaine préhistoire. La nature donne alors aux humains leur nourriture mais elle leur impose aussi un univers mental. Pour se concilier le ciel, le soleil, la terre, le cours d’eau, la lune, la foudre et le feu, les sources et la mer, les pierres et les sommets, des arbres et de grands animaux ... ils organisent des fêtes, occasion de présents à ces forces surnaturelles. Que leur demandent-ils ? une protection mais surtout la fécondité et la fertilité, qualités liées au sexe féminin d’où l’importance des déesses mères tout au long des âges farouches et jusqu’à une période récente.
Dieu le Père fut Déesse Mère durant des millénaires
Les premières divinités (des déesses-mères, déesses Terre, déesses de la fécondité) indépendantes d’une réalité physique apparaissent environ 12000 ans avant notre ère, particulièrement dans les civilisations crées au long de grands fleuves dont les alluvions permettaient le développement de l’agriculture, la sédentarisation, la formation de villages, de villes puis d’états (Euphrate, Tigre, Nil, Indus, Yang Tsé Kiang...). Ainsi, le jardinage, l’écriture, l’élevage, les mathématiques, le droit, l’éthique, la politique, l’astronomie, le calendrier... ont progressé ensemble, pour l’essentiel dans les mêmes zones.
A mesure que se développent le pouvoir politique et les différenciations sociales, des dieux mâles s’imposent au sommet de la hiérarchie divine. Cependant, la déesse mère n’a jamais disparu des croyances humaines, prenant de nouveaux noms (Notre Dame).
De même, la vénération du Soleil est passée d’une civilisation à l’autre sous des noms différents, de façon variable, en conservant généralement les mêmes dates pour le fêter.
A2) Les fêtes de la Rome antique
Elles restent marquées par le souci ancestral d’amadouer les forces de la nature :
19-21 juillet : Lucaria Fête des bois
23 juillet : Neptunalia Fête des eaux courantes
25 juillet : Furrinalia Fête des eaux souterraines (des puits)
23 août : Volcanalia Fête du feu
27 août : Volturnalia Fête du vent
13 octobre Fontinalia Fête des sources
11 décembre Agonalia Fête du soleil (plus tard le 25)
15 février Lupercalia Fête de la purification, de la fécondation
17 février Quirinalia ou Stultorum Feriae Fête des fous
9-11-13 mai Lemuria Expulsion des revenants
Depuis des millénaires, l’année des humains est rythmée par de grandes fêtes dont l’origine remonte à la préhistoire et qui ont été fixées à l’origine essentiellement selon un calendrier lunaire. Cette série de grandes fêtes intégrées par les religions, s’est maintenue jusqu’à nos jours.
Il s’agit de :
- Noël, Jour de l’An, Epiphanie
Noël : de la fête du Soleil renaissant à la naissance de Jésus
Le mythe du Père Noël sert à réconcilier les morts et les vivants (Claude Lévi-Strauss)
- Chandeleur (Carnaval) Le christianisme commémore eu 2 février la "présentation" de Jésus au temple. Cette date correspond à la tradition culturelle consistant à fêter la purification par de grands bûchers réalisés en particulier avec les déchets de plantes textiles (lin, chanvre). Les Romains célébraient alors le Lustrum (lustration, purification).
Dans les Pyrénées par exemple, cette date correspond à la fête de l’ours, à sa sortie d’hibernation, comme la nature.
- Pâques
- Fin avril début mai : Le thème de ce moment de fête a beaucoup varié. Pour les Celtes, Beltane (Walpurgis) représentait la journée (30 avril) des fées et esprits magiques, journée de l’Amour également. pour les Romains, le 1er mai marquait le début du mois de Maïa, déesse de la fécondité et donc l’épanouissement de la végétation. Dans le bassin méditerranéen, il s’agissait souvent de la journée des arbres dont nous conservons la tradition de l’arbre de mai planté devant le domicile des élus. Aujourd’hui, le mouvement ouvrier et socialiste fête le travail et les travailleurs au 1er mai.
- Solstice d’été (Saint Jean) Le christianisme fête en ce jour l’anniversaire de Jean, cousin du Christ, prolongeant la grande tradition des fêtes du solstice d’été, nuits magiques des pratiques divinatoires dans de nombreuses civilisations et objet, encore aujourd’hui de nombreuses traditions orales locales. . En ce jour le plus long de l’année, les feux sont censés conjurer l’inquiétude des humains face aux six mois suivants durant lesquels la Lumière du Soleil va s’amenuiser de jour en jour.
- Début août (Transfiguration catholique, Tou Beav juif...). Au 1er août, l’épanouissement de tous les fruits donnait lieu à des réjouissances (Yvonne de Syke). Les Celtes fêtaient joyeusement Lugnasadh ( Lammas) au 1er août ; ils célébraient ainsi les premières récoltes, confectionnaient des pains de fantaisie, des poupées ou couronnes de paille conservées ensuite toute l’année comme symbole d’abondance et de partage.
- équinoxe d’automne A cette date du 21 septembre, les Celtes fêtaient une de leurs huit grandes célébrations annuelles, celle de Mabon, particulièrement consacrée aux récoltes et aux fruits.
- Toussaint
Toussaint comme fête des morts
Le délai entre chaque fête est d’environ 40 à 45 jours.
Ce nombre de huit grandes fêtes dans l’année se retrouve dans les civilisations celtiques avec un découpage en huit de l’année : le deux solstices d’hiver (Noël) et d’été, les deux équinoxes du printemps et de l’automne, les quatre dates intermédiaires.
Autres fêtes
Au 6 janvier, le christianisme célèbre la présence des Rois Mages auprès de Jésus, symbole de sa nature divine. Cette date correspond aussi à la fête du Nil des Anciens égyptiens ainsi qu’à l’épiphanie de Dyonisos fêtée dans le monde antique gréco-romain.
Au 25 novembre, la Sainte Catherine marque la fin de la fécondité des terres. De même, les femmes non mariées (catherinettes) doivent cesser toute quête d’époux comme Sainte Catherine qui resta fidèle au seul Christ jusqu’au martyre. Pour les gens de milieux ruraux, cette date débute la période propice à la plantation d’arbres à condition de ne pas "enterrer le gel".
Depuis l’Antiquité, les grandes fêtes sont un moment de liberté où la nourriture abondante, la boisson, la musique, l’ambiance... poussent à outrepasser les interdits habituels. Pour la Saint-Jean, dans tous les pays d’Europe, les jeunes hommes sont appelés à sauter par dessus le bûcher pour attiser leurs sentiments et leur appétit sexuel. Dans la tradition occitane, particulièrement en Provence, c’est le moment à choisir pour les "mariages d’un nuit".
Par-delà le rôle donné à chacune de ces dates annuelles mémorables par les religions qui les ont intégrées faute de pouvoir les faire oublier, il est important d’insister sur le fait qu’il s’agit de fêtes. Il est juste de caractériser critiquer Noël comme l’exemple caractéristique du consumérisme dans le mode de production capitaliste.
Noël ou le sacre du consumérisme
Notons seulement que la fonction symbolique de la fête comme moyen de porter l’espérance et la volonté de survie, particulièrement à Noël, remonte à de nombreux millénaires.
Yvonne de Syke, célèbre anthropologue du rite et de la fête donne la définition suivante de la fête dans l’histoire de l’humanité :
« La fête est l’expression d’une profonde joie. Il ne faut pas la prendre comme un simple amusement. Elle est liée à la survie depuis des millénaires et, autrefois, c’était un don que l’on faisait aux dieux. Quand les hommes revenaient de la chasse avec le gibier ..., lorsqu’un enfant atteignait l’âge d’un an... C’est un moment d’effervescence et de partage. Il faut toujours être au moins deux pour faire la fête ! Et elle se manifeste, évidemment, par la danse, la musique, le chant, sans oublier -élément essentiel- la nourriture. »
Laissons encore Yvonne de Syke, docteur en archéologie et en histoire de l’art, préciser ce point, lors d’un interview dans Science et Avenir Hors Série n°173 : « Les premiers Pères de l’Eglise étaient extrêmement intelligents. Ils se sont demandé comment combattre ce qu’ils appelaient le paganisme. Ils ont repéré les fêtes importantes et leur ont substitué des célébrations chrétiennes. »
Les premiers chrétiens ne connaissaient pas de date pour la naissance de Jésus-Christ. Celle-ci n’est d’ailleurs pas évoquée dans les textes sacrés (Ancien Testament, Evangiles). Les Pères de l’Eglise (4ème siècle) ont choisi le solstice d’hiver en raison de la popularité de la fête célébrée le 25 décembre pour la naissance de Mithra, dieu perse du soleil.
Les premiers chrétiens ne connaissaient pas de date pour commémorer les Morts. Les premiers Pères de l’Eglise ( Saint Ambroise, Saint Augustin, Saint Grégoire, Saint Jérôme) ont choisi la date du début novembre pour s’adapter aux fêtes des morts célébrées à cette date par les Celtes et les Latins en particulier.
La date de Pâques, elle-même, n’est pas connue des chrétiens durant plusieurs générations (en tout cas aucun texte effectivement d’époque ne la signale comme moment de la mort et résurrection du Christ). Les Pères de l’Eglise l’ont logiquement installée au moment où avaient lieu chaque année depuis le néolithique les rites de la régénération, c’est à dire au moment où la végétation reprend vie.
Bibliographie :
Science et Avenir n° 173 Hors série
Sitographie :
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