L’économiste Rémi Herrera a publié en 2015 aux éditions Delga « La maladie dégénérative de l’économie : le “néoclassicisme ». On fait référence à la conférence qu’il a tenue à cette occasion et qui reste évidemment très actuelle.
HERRERA (chercheur au CNRS) démonte dans une vidéo conférence la vaste escroquerie intellectuelle que constitue l’économie dite néoclassique.
La maladie dégénérative de l’économie : le “néoclassicisme”, par Rémi Herrera https://vimeo.com/119639904
Source : Rémy HERRERA Économiste
Chercheur au CNRS, Centre d’Économie de la Sorbonne
Séminaire "Marx au 21ème siècle", Paris, Sorbonne, 07 février 2015
Un passage particulièrement intéressant de la conférence est l’analyse des points de rupture entre l’économie néolibérale mise en œuvre depuis le début des années 1970 et l’économie libérale classique du XIXe siècle, rupture permettant d’avoir une assise pseudo théorique des politiques antisociales contemporaines
Autre point intéressant : Un déficit structurel de la « théorie » néoclassique est notamment de ne pouvoir articuler rationnellement : micro économie et macro-économie ; économie et politique ; économie et philosophie morale (éthique).
Rappelons pour mémoire que le livre de référence mondiale pour la puissance de sa critique de l’économie néoclassique est l’ouvrage de l’économiste australien Steve Keen : « L’imposture économique ».
Sur le même sujet, l’économiste Jacques Généreux a publié plus récemment « La déconnomie » aux éditions du Seuil.
Évidemment, ces trois ouvrages déconstruisant l’absurdité du système économique qui nous gouverne ont eu très peu d’écho dans les grands médias dont l’une des fonctions idéologiques essentielles est de diffuser l’escroquerie intellectuelle du néolibéralisme en la travestissant de l’habit de la raison.
Hervé Debonrivage
Depuis plus de trente ans, un courant de pensée domine en économie : c’est l’idéologie scientifique « néoclassique », qui croit à un « équilibre général des marchés » et entretient des liaisons très étroites avec le néolibéralisme. Pourtant, le fait est – incroyable, mais vrai ! – qu’il n’existe pas, à l’intérieur du courant dominant, de théorie de la crise. En clair, l’idéologie du capitalisme non seulement ne prend pas la crise pour objet d’étude, mais encore n’est pas en mesure d’expliquer la crise du capitalisme réellement existant. Les rares économistes orthodoxes qui s’y intéressent l’analysent d’ailleurs à partir de facteurs toujours extérieurs aux marchés, venant perturber les mécanismes de correction automatique par les prix : syndicats « archaïques », interventions de l’État, « bugs » informatiques, fraudes de traders isolés… Mais pour eux, la concentration de la propriété privée et la logique de maximisation du profit individuel ne sont pas des problèmes.
La réalité de la crise actuelle et sa gravité sont propices au retour des thèses de Keynes. Certains, comme Stiglitz ou Krugman, ont pris leurs distances avec le néolibéralisme. Mais les analyses de ces « keynésiens de l’air du temps » participent de la même matrice politico-idéologique que celle des orthodoxes. Pour les plus avancés, ils ne formulent que des visions à peine réformistes introduisant de minimes modifications dans le fonctionnement du capitalisme pour qu’il survive encore quelque temps – quitte à accepter une poussée étatique.
Des outils « keynésiens » stimulant la consommation se rencontrent dans les politiques de rigueur adoptées, mais la prédominance va encore nettement aux thèses néolibérales. La conversion des plans de sauvetage du capitalisme (car il a failli s’effondrer, fin 2008, on ne l’a pas assez dit) à l’interventionnisme d’États et de banques centrales actionnés anti-démocratiquement ne peut faire illusion. Le néolibéralisme est discrédité, mais pas abandonné : le pacte de responsabilité est là pour nous le rappeler.
Contrairement à ce qu’imaginait Keynes, pour lequel on pourrait faire disparaître les « aspects choquants » du capitalisme (chômage de masse, inégalités…) grâce à son État, nous sommes confrontés aujourd’hui à une crise de suraccumulation du capital qui pousse les contradictions du système à un degré de complexité encore plus élevé qu’au siècle précédent. Ces « aspects choquants » dont parlait Keynes n’ont disparu nulle part, et les recettes qu’il énonça ne sont plus capables de résoudre les problèmes gravissimes que pose cette suraccumulation de capital (notamment de formes abstraites de capital-argent), dont il va vite falloir reconnaître qu’elle approche de l’irrationalité, pour ne pas dire de la folie.
À l’heure présente, la finance, qui a repris le pouvoir, n’est disposée à aucune concession. Face à la dictature des propriétaires des oligopoles financiers qui contrôlent le capital mondialement dominant, le keynésianisme n’a ni réalité ni futur. Car ce sont ces oligopoles qui dictent leur loi aux États, fixent les taux d’intérêt, créent de la monnaie ou, si besoin est, nationalisent – en plus de détruire les services publics, délocaliser et licencier à tour de bras.
Aucun des courants de pensée allant des néoclassiques aux keynésiens ne suggère de réfléchir aux conditions d’un dépassement du capital en tant que rapport social d’exploitation. C’est donc la ligne destructrice du néolibéralisme qui continue d’être suivie, et imposée aux travailleurs du Nord comme aux peuples du Sud – en les montant les uns contre les autres, et donc en faisant le jeu du FN !
Un autre capitalisme, « à visage humain », sans crise ni guerre impérialiste, n’est pas possible. Un retour à Marx (que Keynes détestait) est nécessaire, dans la théorie et dans la pratique. L’impératif n’est pas de proposer des solutions miracles ou clés en main, mais de rouvrir des espaces de débats, à gauche, pour repasser de la défensive à l’offensive et construire des alternatives postcapitalistes de progrès social. Faudra-t-il une nouvelle Révolution française pour soumettre ces oligopoles financiers à un contrôle démocratique et stopper leur marche à la guerre contre les travailleurs du Nord et les peuples du Sud ?
Rémy HERRERA
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