Lille, la métropole des inégalités

jeudi 1er février 2018.
 

« Parmi les agglomérations françaises de plus de 250 000 habitants, hors région parisienne, celle de Lille est aujourd’hui la plus ségréguée ». C’est le diagnostic sans concession dressé par un collectif de chercheurs en sciences sociales dans un ouvrage consacré à la sociologie de Lille, comprise au sens de la métropole (Sociologie de Lille, ouvrage du Collectif Degeyter, publié en juin 2017 aux Éditions La Découverte). Cet ouvrage contredit les récits enchanteurs produits par les pouvoirs pu-blics sur la « Renaissance » de la métropole Lilloise.

La « turbine tertiaire » a laissé de côté les classes populaires.

En effet, la métropole Lilloise a été marquée, à partir des années 60/70, par un double mouvement de désindustrialisation et de tertiarisation de son économie. Il en résulte une forte augmentation de la proportion d’emplois tertiaires : 52% en 1975, 87% en 2012.

Ce mouvement a été accompagné, voire suscité, par les acteurs économiques locaux et les pouvoirs publics, à grands coups de reconversions industrielles et d’infrastructures publiques (aménagement du centre d’affaires Euralille et de la gare TGV Lille Europe). Il s’est également appuyé sur la politique culturelle (par exemple avec l’organisation des événements de Lille 2004, capitale européenne de la culture), vue comme un moyen de transformer « l’image de la ville » et de renforcer son « attractivité ».

Cette reconversion tertiaire n’a toutefois pas permis de compenser la baisse des emplois industriels (-100 000 emplois). En outre, une large part des emplois tertiaires créés dans la métropole sont des emplois précaires et/ou peu qualifiés. La ville servicielle a créé des villes servantes !

Une aggravation des inégalités socio – spatiales

Ce développement socio – économique inégal s’est également décliné dans l’espace urbain. Les politiques de peuplement qui ont été menées (aménagement de « pôles d’excellence », politiques de « mixité sociale » ) ont contribué à amplifier les phénomènes de ségrégation urbaine préexistants.

La métropole lilloise présente la particularité, tout comme Marseille, d’accueillir les classes populaires dans ses quartiers centraux. Cette situation est en train d’évoluer ; si les communes péri-urbaines (on pense par exemple à Bondues, Mouvaux ou Wasquehal) ont d’abord été le « refuge » des cadres, professions libérales et intellectuelles, les quartiers centraux de Lille voire de Roubaix sont aujourd’hui en proie à la gentrification.

Au sein de la métropole Lilloise, c’est dans la commune de Lille que les déséquilibres socio-spatiaux sont le plus criants : la ville a gagné plus de 30 000 habitants en 15 ans, le prix des loyers a explosé durant la période (Lille est la deuxième ville de province la plus chère de France) et le nombre de demandes de logements sociaux en attente a également explosé, passant de 20 000 en 1999 à plus de 50 000 en 2013 (chiffres à l’échelle de la métropole). La ville a certes construit beaucoup de logements (+ 12 000 logements entre 2008 et 2014 dont 30% de logements sociaux) mais l’essentiel de ces logements se sont révélés inaccessibles pour les habitants des quartiers populaires.

Au final, cet ouvrage collectif fournit un matériau précieux pour comprendre les dynamiques urbaines qui ont marquées la métropole Lilloise depuis les années 60. L’enjeu consiste à présent, fort de ce constat, à construire l’alternative à ce modèle inégalitaire.

Signature : SP

Sociologie de Lille, ouvrage du Collectif Degeyter, publié en juin 2017 aux Éditions La Découverte.

Pour en savoir plus :

http://www.revue-urbanites.fr/lu-li...


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