État d’urgence : une prolongation inefficace

samedi 17 juin 2017.
 

Entretien de Boris Bilia avec François Pirenne, conseiller terrorisme/renseignement de la France Insoumise

Depuis l’attentat de Manchester, doit-on envisager une menace sur le territoire français plus importante ?

Dans un tel cas, la menace augmente légèrement dans les jours qui suivent car certains peuvent anticiper leur action pour donner l’impression d’une série coordonnée. Mais il s’agit avant tout de frappes d’opportunité. Les attentats surviennent quand les auteurs sont opérationnellement prêts, qu’ils ont éventuellement transmis un serment d’allégeance ou alors qu’ils se sentent subitement découverts.

Le président Macron souhaite prolonger à nouveau l’état d’urgence. Pourquoi est-ce inefficace ?

L’état d’urgence sera sans doute prolongé jusqu’au 1er novembre en effet. C’est inefficace car la plupart des mesures qui y figurent sont progressivement passées dans la loi ordinaire. Ou vont l’être. D’autre part, cela participe de la sur-réaction de l’Etat face à un type de crime qui demeure gérable au quotidien sans recourir à des mesures restrictives des libertés individuelles, voire contre-productives (cf. la punition collective que représente la fermeture administrative d’un lieu de culte musulman).

Le risque zéro n’existe pas mais un enjeu tout aussi important est de ne pas rentrer dans la même logique guerrière qui aide notamment la communication de Daesh. Comment faire ?

Dans cette guerre des mots et des symboles que constitue la lutte antiterroriste, adopter le vocabulaire de l’ennemi représente déjà une première défaite. Nous devrions cesser de parler de djihadisme, d’islamisme, de guerre sainte, de déradicalisation, etc. qui sont autant de termes qui valorisent les actions de Daesh. De plus, le recours à la recherche universitaire pour identifier les déterminants du passage à l’acte, tel que nous le préconisons, nous prouverait rapidement que la place prise par la foi est plus que ténue. Comment le président Macron s’apprête-t-il à aborder ces questions ?

Ses premiers pas prolongent malheureusement l’impression d’amateurisme, de conformisme et de présomption de ses deux prédécesseurs : le voyage au Mali comme volonté d’habiller notre présence coloniale des atours du contre-terrorisme et la création d’une structure de coordination antiterroriste « présidentielle » comme gage d’autorité et d’alignement sur le modèle anglo-saxon, au risque de fragiliser notre édifice institutionnel. On assiste en outre au retour de vieux réseaux pourtant largement discrédités.

Propos recueillis par Boris Bilia


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