Assistants parlementaires MoDem : l’étrange coup de fil de Bayrou à Radio France

vendredi 16 juin 2017.
 

Selon les informations de Mediapart, le ministre de la Justice a contacté un journaliste d’investigation pour exiger que son équipe cesse de "harceler" les permanents du MoDem.

C’est un geste particulièrement inconséquent de la part d’un garde des Sceaux en poste. D’après une information de Mediapart, en grande partie confirmée par l’intéressé, François Bayrou a téléphoné directement, mercredi, au patron de la cellule investigation de Radio France. L’objet de l’appel ? Reprocher à sa rédaction de "harceler de manière inquisitrice" des permanents du MoDem, soupçonnés d’avoir bénéficié d’emplois fictifs rémunérés par le Parlement européen.

Interrogé par Mediapart, le journaliste en question, Jacques Monin, relate les termes utilisés, en substance, par le ministre de la Justice : "Des gens de chez vous sont en train de téléphoner à des salariés du MoDem, (...) de jeter le soupçon sur leur probité. C’est inacceptable. Avec mes avocats, nous sommes en train d’étudier d’éventuelles plaintes pour harcèlement." Selon le site d’investigation, le maire de Pau avait déjà téléphoné la veille à un journaliste du service politique de France Info, pour lui demander qui, à Radio France, chapeautait les enquêtes sur le parti centriste. "C’est le citoyen" qui appelle !

Le coup de fil de mercredi aurait duré une dizaine de minutes. Son contenu peut potentiellement être interprété comme une forme de pression. Il serait peut-être passé inaperçu si François Bayrou n’était pas un membre éminent du nouveau gouvernement, qui plus est en charge d’une grande loi sur la moralisation de la vie publique.

D’autant que le président du MoDem ne nie pas l’essence des faits, à savoir l’objet de l’appel. "C’est simple, j’ai appelé le responsable de la cellule investigation de Radio France parce que des journalistes appelaient sur leur téléphone personnel des salariés de notre mouvement qui n’avaient aucun lien avec nos députés européens", raconte François Bayrou à Mediapart, avant de déclarer qu’une "des salariées est venue dans [son] bureau en pleurant". Réitérant le fait que ces permanents vivaient cela comme du "harcèlement", le garde des Sceaux nie en revanche toute "menace" ou "intimidation".

Et le leader centriste d’ajouter ce curieux argument : "Ce n’est pas le ministre de la Justice ni le président du MoDem qui a appelé, c’est le citoyen, simplement pour protéger ces jeunes femmes." "I’m the boss"

Alors que la principale formation politique alliée à La République en marche fait désormais l’objet d’une enquête préliminaire, ouverte à la suite du signalement d’un ancien salarié du parti qui a été assistant parlementaire européen de Jean-Luc Bennahmias, cette initiative est pour le moins malvenue, voire saugrenue.

Contacté par L’Express, un ancien membre du MoDem, qui connaît bien François Bayrou, se dit "sidéré". "Quand on cherche à savoir pourquoi untel a écrit tel papier, on ne parle pas directement au chef d’une rédaction, c’est tout simplement ahurissant", déplore-t-il. D’après cet ex-élu centriste, le garde des Sceaux a un défaut, qui explique peut-être le coup de fil à Radio France : "Il se sent surpuissant. Surtout après un coup politique comme celui qu’il a réussi en s’alliant à Emmanuel Macron. Donc maintenant c’est un peu ’I’m the boss’, et le boss, il fait un peu ce qu’il veut."

Quoi qu’il en soit, après Richard Ferrand, également visé par une enquête préliminaire lié à un montage immobilier en Bretagne, c’est au tour des ministres MoDem du gouvernement -François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard- de lester un peu plus l’image de probité voulue par Emmanuel Macron pour démarrer son mandat. À en croire les sondages, l’essentiel est sauf, LREM étant promis à une majorité écrasante à l’Assemblée nationale. Et ce à 48 heures du premier tour des élections législatives.


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