«  Jure-moi que tu ne seras jamais un fasciste »

dimanche 14 mai 2017.
 

Vendredi, 5 Mai, 2017 L’Humanité

Du passé et des souvenirs d’enfance. Par Michel Etiévent, écrivain et historien. Lisez gratuitement en numérique l’Humanité et l’Humanité Dimanche pendant un mois. Email *

Mes chers amis, je sais ce qu’est le fascisme. Pour l’avoir côtoyé sans cesse depuis des décennies dans les larmes ou les couloirs de l’histoire. Je sais ses blessures, ses exclusions, ses terreurs, ses crimes à grande échelle. Je sais qui le fabrique, du grand patronat aux socialistes en passant par une gauche divisée, un mouvement ouvrier écrasé et fatigué, une «  boboterie » de révolutionnaires aux petits pieds qui jouent avec et qui, par inconscience ou « je-m’en-foutisme » du petit peuple qu’ils ne connaissent pas, font tout pour précipiter sa venue.

Je sais la terreur du fascisme pour l’avoir vécu dans la chair du peuple ouvrier du monde entier qui le fuyait et venait se réfugier dans mon quartier. Je sais leurs blessures, leurs cicatrices, leurs pleurs, leurs cris. J’ai vu à même leurs peaux mutilées ces vies foutues, ces vies brisées par la fuite obligée et l’errance en quête de racines de paix tranquille. Je les ai vus pleurer oui, le soir dans mon quartier quand, à bout de désespoir, ils me racontaient les fusillades du petit matin, les tortures infligées, les familles dispersées aux quatre coins du monde rêvant leurs vies entières à leurs terres souillées par cette immonde peste brune.

J’ai vu ces Espagnols qui tremblaient au seul nom de Franco, ces Italiens, ces Allemands qui tremblaient au seul nom d’Hitler ou de Mussolini, ces Grecs qui pleuraient leur pays livré aux colonels. Ce sont eux qui m’ont appris ce qu’était la bête immonde, comment elle s’installait, rampait, mordait, déchirait toute espérance.

Je me souviens de cette grand-mère italienne qui, un soir, me servant ces pâtes délicieusement faites sous sa main, me confiait : « Dio, Michelino, jure-moi que tu ne seras jamais un fasciste ! » La phrase est en moi, comme une alarme. Un serment. Elle me revient chaque fois que j’aperçois un Le Pen ou autre parader aux lucarnes. J’ai juré fidélité à cette mama qui m’a élevé dans la dignité comme toutes les autres mamas des peuples d’ailleurs. Et je vais vous dire franchement : je préfère avoir face à moi, dans une rue de la République, un flic macronien, que de voir le 7 mai à 20 heures une milice fasciste défoncer ma porte…

Michel Etiévent


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