Grève des postiers ce jeudi 15 décembre Entretien de Clémentine Autain avec Olivier Besancenot

jeudi 15 décembre 2016.
 

Jeudi 15 décembre 2016, c’est la grève à La Poste : une intersyndicale avec Sud et la CGT appelle à une journée nationale de mobilisation pour l’emploi et contre les réorganisations. Le postier le plus connu de France, Olivier Besancenot, fait le point sur l’état alarmant de La Poste.

« Les postiers sont entrés dans la phase que France Telecom a connue en 2008-2010 »

Clémentine Autain – De très nombreux bureaux de poste ferment leur porte un peu partout en France. 250 fermetures semblent prévues pour 2017. Comment en est-on arrivé là ?

Olivier Besancenot – C’est l’aboutissement du démantèlement du service public, des restructurations et réorganisations à La Poste depuis dix ans. Depuis 2004, 100.000 emplois ont été supprimés. L’objectif de la direction, c’est d’en supprimer encore 80.000 d’ici 2020. Leur augmentation repose notamment sur la mise en concurrence des différents opérateurs postaux. En réalité, La Poste organise sa propre concurrence. À l’échelle de l’Europe, les différents opérateurs publics nationaux, notamment allemands et néerlandais, se déguisent en opérateurs privés pour mener la concurrence dans d’autres pays. La Poste fait pareil : elle achète des filiales dans d’autres pays européens pour mener la guerre aux opérateurs locaux. Par cette méthode, il s’agit de réduire la masse salariale et de diminuer les infrastructures dans la sphère publique pour ouvrir toujours plus à la concurrence privée.

Comment s’opère cette transformation de La Poste ?

Dans deux tiers des zones rurales, les vrais bureaux de poste ont été transformés en « points poste ». Maintenant, ce sont même les grandes villes qui sont touchées. À Paris, le bureau de poste de Gare du Nord vient de fermer. Or, l’activité ne baisse pas, comme le prétend la direction. Le flux de courriers est impacté par la crise économique mais il est compensé par toute une gamme de courriers – « suivi », « express », « accéléré », etc. – qui exigent du facteur d’aller à domicile, et pas simplement dans la boite aux lettres. Concrètement, vous pouvez avoir moins de courriers à distribuer, mais un temps de travail allongé parce que la prestation n’est plus la même. La conséquence de la baisse drastique de personnel, c’est que la charge de travail augmente pour ceux qui restent. Les postiers sont entrés dans la phase que France Telecom a connue en 2008-2010.

« Aujourd’hui à La Poste, ce sont des drames à répétition qui se produisent, des arrêts maladies et des suicides. »

Quel est le climat social au sein du service public postal ?

Aujourd’hui à La Poste, ce sont des drames à répétition qui se produisent, des arrêts maladies et des suicides, comme dans le Finistère ou le Doubs. Ces suicides, accompagnés de courriers qui incriminent les choix de l’entreprise, concernent des facteurs comme des cadres de l’entreprise. Souvenez-vous de la factrice à Villeneuve-d’Ascq qui a fait un AVC, après sept ans de cumul de CDD à La Poste : son encadrement lui a dit de n’appeler les secours qu’à l’issue de sa tournée ! La nouvelle, c’est que cet été, la justice a reconnu le lien entre le suicide et le travail.

Des entreprises comme Carrefour ou Franprix accueillent maintenant des « relais poste ». Quel est l’impact concret de cette privatisation du service ?

La Poste est une entreprise à 100% de capitaux publics, mais qui est une SA. Il faut savoir qu’elle est aujourd’hui ultra-bénéficiaire et qu’elle touche le CICE, à hauteur d’un milliard sur trois ans. Pour autant, dans les zones rurales et les quartiers populaires, La Poste veut fermer ses bureaux. L’activité qui est dégagée, sous forme de courrier ou d’épargne, n’est pas assez rentable. Quand le service est assuré dans une antenne de Carrefour ou Franprix, se posent des problèmes de formation des personnels et de prestations qui sont réduites ou supprimées. Se pose également le problème de la confidentialité que doit assurer un service public. Aujourd’hui, nous sommes à un point de bascule dans la privatisation de La Poste.

« L’argument d’une communication moderne par SMS et mails est de pure façade. Il masque le choix politique d’une privatisation qui va à l’encontre d’un service égalitaire ».

Avec l’essor d’Internet, du numérique, le service postal doit évoluer. Comment ?

La Poste, comme dans d’autres domaines, doit utiliser ces révolutions technologiques pour augmenter les services à la population. Or La Poste veut les utiliser non pas comme des moyens pour améliorer le service, mais comme un écran de fumée pour justifier ses suppressions d’emplois et de bureaux. Toutes les heures, quatre emplois disparaissent à La Poste ! La révolution numérique ne justifie aucunement cette saignée. Les études d’impact réclamées par les organisations syndicales, à l’échelle nationale comme européenne, n’ont jamais abouti. Or toute une série de prestations qui sont assurées par Internet vont amener à développer le service postal. Les achats par Internet, qui explosent, amènent à de nouveaux flux postaux. Il y a bien longtemps que les gens n’envoient plus de cartes postales. Cet argument d’une communication moderne par SMS et mails, utilisé par la direction, est de pure façade. Il masque le choix politique d’une privatisation qui va à l’encontre d’un service égalitaire, accessible à tous sur tout le territoire.

Alors, en grève jeudi ?

Oui ! Cette journée nationale fait suite à une flopée de mobilisations locales qui associent des usagers et des élus de petites communes. La question se pose de faire de La Poste un réel service public, et donc de modifier son statut.


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