Suicides à La Poste : la direction regarde ailleurs

mercredi 9 juin 2010.
 

Á Aurillac (Cantal), un facteur de cinquante-quatre ans s’est donné la mort début mai, après avoir appris que sa tournée était supprimée. Pour ses collègues et sa famille, la cause de ce suicide est à chercher dans le démantèlement du service public.

Il avait plus de trente années de poste dans les pattes. Á cinquante-quatre ans, Jean-Pierre était facteur à Aurillac dans le Cantal. Tous ses collègues, ses amis, sa famille en témoignent : c’était un gars respecté, bien noté par sa hiérarchie, irréprochable dans le boulot. Un fonctionnaire qui, à l’époque, avait réussi les concours de l’administration des PTT, qui, de ce fait, comme tant d’autres postiers, avait dû quitter ses terres natales pour prendre ses quartiers un temps à la capitale, avant de revenir au pays. Un monsieur qui, il y a trente ans, avait fait le choix du service public, malgré des salaires largement inférieurs à ceux proposés dans le privé. Un discret, un taiseux, même pas syndiqué ni militant, prêt à aider les copains en cas de pépin, mais refusant qu’on lui rende la pareille. C’était un facteur engagé dans son travail, attaché à « sa » tournée. Il avait plus de trente ans de poste dans les pattes, il s’est pendu le 4 mai dernier pendant la pause déjeuner à son domicile.

Quand il a appris en octobre 2009 que, dans une énième restructuration de la distribution, c’était sa tournée qui était supprimée, Jean-Pierre a d’abord sombré dans la dépression. Il a été arrêté pendant huit mois. Mais, comme en témoigne son fils dans une lettre, digne et accablée, adressée aux collègues de travail de son père, il se sentait, début mai, capable de reprendre le boulot à temps plein, de « relever ce nouveau défi » (…)

Dans le Cantal comme dans toute la France, la direction de La Poste, transformée en société anonyme, paraît, à l’instar de celle de France Télécom pendant si longtemps, décidée à faire la sourde oreille face à la souffrance engendrée par les restructurations perpétuelles. Alors que, par la voix du fils de Jean-Pierre, la famille est extrêmement explicite sur le lien à établir entre la dégradation de ses conditions de travail et la disparition de leur proche (« Toute une famille paie les incompétences de gens qui ne respectent pas leurs salariés », écrit-il), les facteurs d’Aurillac refusent le chantage au silence et le déni de la direction de La Poste (…)

Thomas Lemahieu


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message