Standing ovation et Jean-Luc Mélenchon pour « Merci patron ! »... Une nuit à l’autre festival de Cannes

lundi 17 octobre 2016.
 

Le film de François Ruffin, « Merci patron ! » était projeté dans le cadre de Visions Sociales dans les hauteurs de Cannes, sous l’œil attentif de Tony Gatlif et la visite surprise de Jean-Luc Mélenchon…

A la bonne franquette, loin des paillettes. A quelques encablures de la Croisette. Le festival Visions Sociales, organisé par les Activités Sociales de l’énergie, présente jusqu’au 20 mai au Château des mineurs à Mandelieu La Napoule « un cinéma d’auteur, engagé », comme résume Tony Gatlif, le parrain de la 14e édition. Une programmation qui réunit des films qui agitent notre société, des films d’auteurs découverts dans des festivals soutenus par la CCAS et quatre films sélectionnés par les partenaires de l’événement, l’Acid, la Quinzaine des Réalisateurs, le Festival de Cannes Cinéfondation-Un Certain Regard. Ce lundi, Merci patron !, le documentaire de François Ruffin, y a fait un carton. 20 Minutes y était.

Le fondateur du journal satirique Fakir, « journal fâché avec tout le monde ou presque », a fait salle comble, obligeant les organisateurs à refuser du monde. A la fin de la projection, standing ovation pour celui qui se qualifie de « cinéaste par inadvertance ». Le film était suivi d’un débat sur un thème ambitieux : « Le cinéma peut-il contribuer à réveiller la société et le débat politique ? ».

Assis sur scène, François Ruffin, Estelle Robin You, productrice du film Comme des lions, le documentariste Gilles Perret, Tony Gatlif et une participante à Nuit debout. François Ruffin prend le premier la parole et explique qu’avec Merci patron !, il s’est demandé « Comment faire un film militant sans être chiant ? ».

Sa solution ? « Utiliser les codes du cinéma populaire comme le maroille de Bienvenue chez les Ch’tis ou encore La petite maison dans la prairie » dont il ignorait avant le tournage « le substrat marxiste ». La question politique au cinéma doit passer par « les émotions. Voir le visage de Serge Klur est plus mobilisateur que d’aligner des statistiques », estime le fondateur de Fakir. Enfin, « il faut donner un visage à l’adversaire », incarné dans son film par Bernard Arnault.

Même avis pour Gilles Verret venu présenter le film La Sociale qui estime qu’il « faut trouver des formes plus attractives pour le cinéma militant ». La productrice confirme : « C’est dur d’attirer le public en salles avec un film sur la fermeture d’une usine ». La participante à Nuit debout explique qu’elle est présente à Visions Sociales « pour la convergence des luttes ». Jean-Luc Mélenchon discute « convergence des luttes » avec Nuit Debout

Finalement, le débat se conclut non pas sur le cinéma mais sur la question : « Comment se fédérer ? » François Ruffin appelle à la naissance d’un « mouvement populiste de gauche ». Tony Gatlif rappelle un slogan qu’avait imaginé Guy Debord au moment de la sortie de son long-métrage Les Princes : « Les Princes ne votent pas PS ».

Entre deux projections, on boit un verre. On refait le monde. On regarde les photos de l’exposition « Travailler à Fessenheim ». On achète, voire on s’abonne à Fakir et à L’Huma. Jean-Luc Mélanchon improvise un minidébat avec la jeune femme de Nuit debout venue pour « la convergence des luttes ».

Il est environ 20h30, nous rejoignons le catering avec les équipes des films et les organisateurs du festival. « Elle est bonne votre paëlla ? », interroge Tony Gatlif. 20 Minutes se joint au parrain de la manifestation pour dîner. Le réalisateur se réjouit du succès du film de Françoise Ruffin qu’il qualifie de « ciné journal ». « Quand on sort de la séance, on a compris quelque chose », estime le cinéaste. Merci patron ! a été vu par 400.000 spectateurs « réveillés », selon Tony Gatlif, et a été produit avec une centaine de milliers d’euros seulement. « A la différence d’un film qui coûte plusieurs millions d’euros et qui fait seulement 100.000 entrées, une faillite économique ! », maugrée Tony Gatlif, déplorant que « l’argent pourrit le monde ». Le cinéaste ne tarie pas également d’éloges sur la « construction narrative » du documentaire.

« Nuit debout en voyage, comme dans Vengo et Gadjo Dilo »

Nuit Debout lui rappelle-t-il les situationnistes ? « L’énergie est la même ! Et Nuit Debout a des choses à prendre d’eux, Guy Debord a beaucoup réfléchi. Mais Nuit Debout doit aller de l’avant, les choses ont changé », estime le réalisateur de Vengo. Suit un long débat sur La Loi du marché de Stéphane Brizé, film « trop fabriqué » pour Tony Gatlif, même si « Vincent Lindon est un copain ».

Les films présentés à Visions Sociales seraient-ils à l’opposé du Festival de Cannes ? « Pas à l’opposé, complémentaires », lance un organisateur. « Cannes, ce n’est pas que des paillettes », estime Tony Gatlif. « La publicité à Cannes paye le Festival. Cela permet de présenter des cinéastes roumains, des auteurs comme les frères Dardenne », soutient encore Tony Gatlif.

On évoque le prix Women in Motion remis à Susan Sarandon et Geena Davis. « Mon prochain film racontera deux jeunes femmes, possédées par un désir de vivre inouï », confie le cinéaste. Il raconte qu’une des deux jeunes actrices choisies a fait un long voyage à la rencontre des autres jeunes européens. « C’est Nuit debout en voyage, comme dans Vengo et Gadjo Dilo », commente-t-il. Suit ensuite un échange sur son inquiétude face à la crise des réfugiés, « Un péplum ! ».

Nous rejoignons la salle à côté où François Ruffin déguste son dessert et regrette de ne pas avoir pris son maillot de bain. (Le site dispose d’une grande piscine). Nous discutons de son film : « Sans Roger et moi de Michael Moore, il n’y aurait pas eu Merci Patron ! », confie-t-il. Son documentaire ? « Un carnaval d’1h27 où je mets le monde à l’envers. Une revanche, symbolique, bonne à prendre. » Le journaliste ne sent-il pas piégé par son propre succès ? « Moi, si on me propose de prendre la rédaction en chef de TF1, je la prends. Je pense que je serai ensuite viré assez rapidement ! Je suis OK pour prendre la tête du système. » Un succès qu’il doit à la chance : « d’avoir croisé les Klur et que le commissaire soit venu ». Et de se féliciter de l’accueil reçu à Visions sociales : « Un catalyseur de rencontres », résume-t-il. Dehors, s’organise le covoiturage pour ceux qui doivent rentrer sur la Croisette. 20 Minutes rentre avec des intermittents du spectacle. La convergence des luttes, qu’on vous dit !

Anne Demoulin


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