Ken Loach palme d’or pour Moi, Daniel Blake "Un autre monde est possible et nécessaire"

mardi 31 mai 2016.
 

- A) Discours de Ken Loach pour la Palme d’Or à Cannes 2016

- B) Moi, Daniel Blake : l’Angleterre néo-victorienne selon Ken Loach

- C) Le cinéma engagé de Ken Loach n’a pas baissé les armes

- D) Ken Loach, cinéaste humaniste révolutionnaire

A) Discours de Ken Loach pour la Palme d’Or à Cannes 2016

« Recevoir la Palme, c’est quelque chose d’un peu curieux car il faut se rappeler que les personnages qui ont inspiré ce film sont les pauvres de la cinquième puissance mondiale qu’est l’Angleterre.

C’est formidable de faire du cinéma, et comme on le voit ce soir c’est très important. Le cinéma fait vivre notre imagination, apporte au monde le rêve mais nous présente le vrai monde dans lequel nous vivons. Mais ce monde se trouve dans une situation dangereuse. Nous sommes au bord d’un projet d’austérité, qui est conduit par des idées que nous appelons néo-libérales qui risquent de nous mener à la catastrophe. Ces pratiques ont entraîné dans la misère des millions de personnes, de la Grèce au Portugal, avec une petite minorité qui s’enrichit de manière honteuse. Le cinéma est porteur de nombreuses traditions, l’une d’entre elles est de présenter un cinéma de protestation, un cinéma qui met en avant le peuple contre les puissants, j’espère que cette tradition se maintiendra.

Nous approchons de périodes de désespoir, dont l’extrême-droite peut profiter. Certains d’entre nous sont assez âgés pour se rappeler de ce que ça a pu donner. Donc nous devons dire qu’autre chose est possible. Un autre monde est possible et nécessaire. »

B) « Moi, Daniel Blake » : l’Angleterre néo-victorienne selon Ken Loach

Après Jimmy’s Hall, évocation de l’impossible repos du combattant révolutionnaire présentée à Cannes en 2014, Ken Loach avait annoncé sa retraite. C’était compter sans David Cameron, George Osborne (chancelier de l’Echiquier) et Iain Duncan Smith (secrétaire d’Etat au travail et aux retraites). La politique des Tories au pouvoir depuis 2010 est incompatible avec l’inactivité du vieux cinéaste socialiste (et il préciserait lui-même que son socialisme à lui n’a rien à voir avec celui des partis socialistes européens actuels).

Ken Loach n’est pas un humoriste, c’est un homme en colère

Ken Loach, 80 ans en juin, a repris sa caméra pour raconter l’histoire de Daniel Blake. Ecrite par son scénariste habituel, Paul Laverty, elle cueille le héros (ordinaire et magnifique) au moment où il passe un entretien d’aptitude au travail. A Cannes, les questions absurdes de l’employée qui veut savoir si ce sexagénaire, victime d’un accident cardiaque sur un chantier, a des troubles du transit intestinal ou de la motricité fine, ont déclenché l’hilarité. La lecture de la presse britannique garantit la nature tragique de cet échange : la chasse aux tire-au-flanc a pris les allures d’une croisade, et sa fureur s’abat régulièrement sur des innocents.

Moi, Daniel Blake n’est pas une satire d’un système absurde. Ken Loach n’est pas un humoriste, c’est un homme en colère, et le parcours de l’ouvrier privé de travail et de ressources est filmé avec une rage d’autant plus impatiente qu’elle est impuissante.

Labyrinthe mortel

Minutieusement, le cinéaste trimballe son personnage dans un labyrinthe qui n’a pas besoin de minotaure pour être mortel. Les médecins de Daniel Blake lui ont interdit de reprendre le travail, l’employée de la société à laquelle le ministère du travail a sous-traité les entretiens de santé juge que Daniel est apte, et donc non éligible à une pension d’invalidité. Il lui faut donc s’inscrire au chômage, et consacrer trente-cinq heures de sa semaine à la recherche d’un emploi, pour toucher une allocation. Bien sûr, s’il accepte un travail, il met sa vie en péril.

Avec son génie du casting, Ken Loach a confié le rôle de Daniel Blake à un inconnu, Dave Jones, comique de scène, qui incarne ici avec une bonhomie inflexible, une espèce d’idéal prolétaire britannique : un homme droit et désintéressé, prêt à défendre ses droits pour mieux protéger ceux de ses camarades. Il se heurte à une succession d’individus qui en sont à peine, des êtres qui parlent comme des répondeurs téléphoniques à options multiples, et qui veulent le forcer à se plier à des règles qui n’ont pour lui aucun sens. Le personnage de Katie finit de donner au film une couleur dickensienne, inhabituelle chez Loach

A ses côtés, il trouve comme alliée Katie, une mère célibataire qui s’est vu infliger une sanction dès son premier rendez-vous au job center, pour être arrivée un peu en retard. Avec son air perdu et ses deux bambins qui trouvent en ­Daniel Blake un grand-père idéal, Katie finit de donner au film une couleur dickensienne, inhabituelle chez Loach. Comme dans les romans de révolte du réformateur du XIXe siècle, les tribulations de Daniel et de sa tribu d’adoption ­tirent des larmes. Mais il ne faut pas prendre ces paroxysmes sentimentaux pour un attendrissement de vieillard. Pas seulement. Ce que Ken Loach démontre avec rigueur et énergie, c’est que le retour aux idées victoriennes (la pauvreté est un péché, elle se corrige par la discipline, entre autres) amène le retour des drames du temps d’Oliver Twist.

Par Thomas Sotinel

Article original : http://www.lemonde.fr/festival-de-c...

C) Le cinéma engagé de Ken Loach n’a pas baissé les armes

Six fois primé au festival de Cannes, où il avait reçu la Palme d’or en 2006 pour Le Vent se lève, Ken Loach, 79 ans, se voit couronner pour la deuxième fois avec Moi, Daniel Blake, qui raconte les démarches d’un menuisier cardiaque pour récupérer sa pension d’invalidité.

Force est de constater que l’éminent représentant d’un cinéma engagé n’a pas baissé les armes, toujours prêt à battre le fer contre la dérégulation de l’économie et le démembrement du service public outre-Manche. La force évocatrice de ses films tient dans sa capacité à donner à ses constats, ses colères et ses révoltes un visage humain.

Dans ce vingtième long métrage, le douzième en compétition, il a les traits du menuisier Daniel Blake (Dave Johns). Ouvrier expérimenté et compétent, Daniel se remet à peine d’un problème cardiaque. D’un côté, son médecin lui interdit de travailler. De l’autre, sa pension d’invalidité lui a été supprimée après un entretien succinct avec une professionnelle de santé représentant une entreprise privée, mandatée par l’État pour évaluer la légitimité de ses allocations. Daniel n’est pas homme à se laisser traiter de la sorte. Il multiplie les appels et les déplacements pour faire valoir ses droits. Mais, même avec la meilleure volonté du monde, ce travailleur manuel peine à se faire entendre dans cet univers dématérialisé où tous les services ont été numérisés, rendant toute discussion et toute négociation quasi impossibles. Au cours de ses démarches, il rencontre Rachel (Hailey Square), une mère célibataire avec deux enfants. Elle aussi doit lutter afin de toucher intégralement ses indemnités. L’ouvrier proche de la soixantaine et la jeune mère de famille tentent de s’entraider pour conserver la tête hors de l’eau et trouver des alternatives.

À la lisière de Raining Stones, de My Name is Joe et d’It’s a Free World, Moi, Daniel Blake ne renouvelle pas le cinéma de Loach. Il n’empêche, ce film n’en demeure pas moins captivant, incarné et traversé par des fulgurances. En une séquence au Pôle emploi britannique, il rappelle à quoi mène l’assentiment aveugle. De simples employés deviennent les plus féroces serviteurs d’un système aliénant, culpabilisant et répressif. Les justes, ceux qui tentent de se révolter, sont menacés et mis sur la touche. En filigrane, le cinéaste interpelle la classe ouvrière, incite à ne pas renoncer à la bataille. Avec Loach, la lutte des classes n’a rien perdu de son acuité. L’oligarchie l’a compris et la mène sans retenue. Le cinéaste est paré au combat. Ken Loach reste rouge vif.

Michaël Melinard L’Humanité

D) Ken Loach, cinéaste humaniste révolutionnaire

"Le vent se lève" Un grand film de Ken Loach

"C’est un monde libre" Interview de Ken Loach. Dénonciation de l’esclavagisme moderne

Menace contre la démocratie en Amérique latine (appel collectif dont Ken Loach)

Ken Loach, Jane Fonda et des dizaines d’artistes dénoncent la collaboration avec Israël

Grande Bretagne (mai 2010) "Nous avons besoin depuis longtemps d’un parti à gauche du Labour" (Ken Loach)

Cannes : Le pamphlet de Ken Loach contre les atrocités de la guerre en Irak

Grande-Bretagne (mai 2013) : l’appel de Ken Loach pour un parti vraiment à gauche

Ken Loach et Owen Jones soutiennent Podemos à Londres

Jimmy’s Hall de Ken Loach – Et que vive le peuple !


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message