La droite, Manuel Valls, la plupart des médias le répètent à l’envi : les Français refusent les réformes et se mobilisent pour les empêcher. Une telle affirmation ne résiste pas à l’examen.
Non seulement les Français n’ont pas manifesté contre les réformes sociales de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, mais des millions de salariés ont mené des luttes très dures pour imposer les réformes qui interdisaient le travail des enfants, celles qui limitaient la journée de travail à dix heures puis à huit heures, les réformes qui instauraient le droit de grève, l’organisation des salariés en syndicats, le Code du travail, l’instruction publique obligatoire, la séparation des Églises et de l’État, aussi bien que le suffrage universel (d’abord limité aux hommes, puis étendu, beaucoup plus tardivement, aux femmes) .
La grande majorité des salariés s’est mise en grève en 1936 pour amener le gouvernement du Front populaire à imposer au patronat toute une série de réformes : les 40 h par semaine, les congés payés, les délégués du personnel et les conventions collectives.
À la Libération, aucune mobilisation n’a eu lieu contre le flot de réformes qui instaurait la Sécurité sociale (la retraite par répartition, l’assurance-maladie, l’assurance accidents du travail, les allocations familiales…) , les comités d’entreprise, ou qui étendaient, en même temps que les services publics et l’instauration du statut de la Fonction publique, l’égalité des droits pour les habitants de notre pays. Non, c’est en 1967, lorsque les ordonnances gaullistes ont commencé à remettre en question la Sécurité sociale de 1946 que les Français sont descendus massivement dans la rue pour la défendre.
En 1968, 8 millions de salariés en grève ne se sont pas mobilisés contre l’augmentation des salaires (35 % pour le salaire minimum !) , la diminution du temps de travail ou la reconnaissance de la section syndicale d’entreprise mais, au contraire, pour les imposer.
Aucune mobilisation de masse, aucune crispation corporatiste (si ce n’est celle de l’ancêtre du Medef, le CNPF) n’ont eu lieu lorsque des réformes ont mis en place le SMIG, puis le SMIC.
Aucune mobilisation (si ce n’est celle du CNPF sur le perron de Matignon en 1997) n’a protesté contre la réforme qui instaurait les 35 heures.
Aucune manifestation n’est venue s’opposer aux deux autres réformes du gouvernement de Lionel Jospin : l’Allocation personnalisée d’autonomie et la CMU.
À chaque fois que des réformes allaient dans le sens de l’égalité des droits, les habitants de notre pays (93 % de la population active est salariée) ont non seulement crié « Vive les réformes ! » , mais participé aux luttes sociales qui ont permis de les faire aboutir.
Les Français ne sont pas contre les « réformes » en général. Ils sont contre les réformes libérales qui, derrière la ruse sémantique de leur appellation, sont en réalité des contre-réformes dont le but est, précisément, de revenir sur tous les acquis sociaux des véritables réformes qui les ont précédés.
Et là, le plus souvent, ils se mobilisent massivement pour empêcher ces contre-réformes : les contre-réformes des retraites (2003, 2010) , les contre-réformes de la Sécurité sociale (Plan Barre en 1976, Plan Juppé en 1995) , la contre-réforme du Smic-jeune en 1994, la contre-réforme du contrat premier embauche (CPE) en 2006, la contre-réforme du Code du travail en 2016.
Les habitants de notre pays, dans leur très grande majorité sont pour les réformes, les vraies, celles qui méritent ce nom, celles qui font avancer les acquis sociaux, l’égalité des droits, et permettent à la gauche de s’unir dans la perspective de les imposer à la droite et au Medef.
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