Ce que la Grèce ne peut faire, la France le pourra !

mercredi 5 mai 2021.
 

Rien ne serait plus terrible pour le peuple français que de se résigner à l’existant, après la folle séquence que nous avons vécue du 25 janvier au 13 juillet 2015 en Grèce. Pourtant, la manière extrêmement brutale avec laquelle la Troïka a extorqué la signature de Tsipras, pour lui faire avaliser le diktat Merkel/Schäuble, a de quoi faire peur effectivement. Tout cela au mépris de l’article 51 –Contrainte exercée sur le représentant d’un Etat, de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, disposant que : « L’expression du consentement d’un Etat à être lié par un traité qui a été obtenue par la contrainte exercée sur son représentant au moyen d’actes ou de menaces dirigés contre lui est dépourvue de tout effet juridique. »

Article original : http://robertmascarell.overblog.com...

Il va de soi que, d’ores et déjà, cette séquence est minutieusement analysée par toutes les personnes engagées dans la vie politique, qu’elles soient de droite ou de gauche. Pour celles engagées à gauche, il s’agit de comprendre si le dénouement provisoire, intervenu le 13 juillet, aurait pu être évité, et si oui, à quel moment ou pour quelle(s) décision(s) nos camarades de Syriza ont failli, au point d’être contraints de signer ce diktat de la honte.

Dans de précédentes contributions, publiées sur mon blog : http://robertmascarell.overblog.com... et http://robertmascarell.overblog.com..., j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce point. Je ne vais donc pas y revenir.

LES ATOUTS INTRINSEQUES DE LA FRANCE

Reste à savoir si, ce qui a été infligé à la Grèce pourrait l’être à la France, alors que le peuple aurait choisi de voter majoritairement pour le Front de gauche. J’affirme que ce ne serait pas possible. Je vais m’efforcer de démontrer pourquoi.

En premier lieu, avant même de parler du dispositif politique à mettre en place pour annihiler les inévitables attaques de la Troïka contre notre pays, il faut comparer le poids intrinsèque de la France par rapport à celui de la Grèce.

Politiquement, la France est le 1er pays de la zone euro et même de l’Union européenne (dans ce cas, à égalité avec la Grande Bretagne). Pourquoi ?

France et Grande Bretagne sont les seuls pays à disposer d’un droit de véto à l’ONU, d’une armée dotée de l’arme nucléaire (qu’on soit pour ou qu’on soit contre), d’une zone d’influence outremer (là encore qu’on soit pour ou qu’on soit contre).

Géographiquement, un simple regard sur la carte de l’Europe permet de constater que la France est une voie de passage obligée pour que l’Espagne et le Portugal soient reliés par la terre au reste de l’Europe. De plus, située au bout occidental de l’Europe, la France possède trois façades maritimes, vers le nord, l’ouest et le sud. La France est la deuxième puissance mondiale en étendue marine. La France est enfin le plus grand pays de l’Union européenne en surface.

Economiquement, la France est la 2ème puissance économique de l’eurozone. Elle pèse 19,7 % du PIB de l’Europe, alors que la Grèce ne pèse que 2,3 % (source : http://www.insee.fr/fr/themes/table...), soit près de neuf fois plus. Ce poids donne même à la France un droit de véto pour le vote de certaines dispositions que voudrait prendre l’eurozone. Seuls deux autres pays de l’eurozone, l’Allemagne et l’Italie disposent de ce droit de véto (il faut peser plus de 15 % du PIB européen).

Ses façades maritimes et son étendue marine, déjà évoquées, sont également un atout économique considérable.

Démographiquement, la France est le 2ème en importance de population. Elle est même en voie de devenir le premier pays.

Voilà pour les données qui n’ont rien à voir avec la couleur politique du gouvernement de la France, mais qui constituent de sacrés atouts pour notre pays comparativement à ceux que possède la Grèce.

Evidemment, ces atouts ne le sont que si un gouvernement résolu, soucieux de la défense de nos intérêts, a la volonté de les faire valoir dans les négociations intraeuropéennes. C’est ce qui nous manque aujourd’hui. Donc, avant même d’entrer dans le vif du sujet, celui tenant à ce que fera un vrai gouvernement de gauche, tous les gouvernements français dignes de ce nom ont des atouts considérables pour ne pas jouer les porte-bidons d’Angéla Merkel.

LES APPORTS D’UN VRAI GOUVERNEMENT DE GAUCHE

Qu’apporterait un gouvernement vraiment de gauche en plus de nos considérables atouts spécifiques ?

Il sera d’autant plus fort, que toute la gauche est maintenant instruite de la manière dont a procédé la Troïka pour écraser Syriza, et des erreurs que nos camarades grecs ont commises.

Il va de soi que le Parti de gauche (j’en suis membre), mais au-delà le Front de gauche, vont devoir repenser sensiblement leur logiciel d’accession au pouvoir et de son exercice. Nous ne pouvons plus nous contenter de proposer un seul programme, aussi beau soit-il. Celui intitulé « l’Humain d’abord » me convient tout à fait, mais il ne s’inscrit que dans une seule hypothèse : l’exercice du pouvoir dans le cadre de l’Union européenne et surtout de la zone euro.

A mon avis, il faut ajouter un chapitre relatif à la prise en compte des attaques malveillantes que la Troïka ne va pas manquer de mener contre le gouvernement de gauche fraîchement élu. Dès la première attaque, il s’agira de ne pas être attentiste et même d’être à l’initiative.

C’est-à-dire que là où, dans le cadre de notre programme « L’Humain d’abord », nous soumettons un certain nombre de nos propositions à la négociation avec nos partenaires européens, il s’agira d’en mettre un certain nombre en œuvre sans attendre. Je pense à notre refus d’appliquer la directive détachement. Je pense aussi, en particulier, au rôle de la BCE dont nous proposons, entre autres, qu’elle prête directement aux Etats.

Il faudra abroger immédiatement la loi de janvier 1973, pour redonner à la Banque de France le pouvoir de prêter directement à l’Etat, sans intérêts. Il faudra prendre aussi le contrôle immédiat de tout le système bancaire et des assurances français, y compris et surtout dans les paradis fiscaux, avec contrôle de la circulation des capitaux au-delà d’un seuil à fixer, de manière telle qu’il soit le moins pénalisant possible pour l’activité économique, si nécessaire. Etant bien entendu que la nécessité devra s’appliquer dès la première velléité d’attaque.

Si, en dépit de ces dispositions protectrices, la Troïka persiste dans sa malveillance, il faudra poser le principe de notre sortie de l’euro, non pas seulement comme une menace tactique, mais comme une orientation de fond irréversible. Il va de soi que dans ce cas, nous devrons faire défaut sur le paiement de notre dette, au moins pour la partie au-delà de 60 % de notre PIB. Notre sortie de l’euro devra être accompagnée d’un renversement d’alliance. Je pense là à notre rapprochement des BRICS et au développement considérable de nos échanges commerciaux avec les pays d’Amérique du sud, qui ont pris leurs distances avec le FMI. Acheter notre pétrole au Vénézuéla, par exemple, me paraît bien plus judicieux que de l’acheter à l’Arabie Saoudite ou aux Emirats arabes.

De cette manière, tous les eurobéats qui, quand ils entendent parler d’un possible retour au franc crient au repli sur soi, ne pourront pas nous en accuser.

Ah ! J’allais oublier, que la malveillance de la Troïka, à l’égard du gouvernement français de gauche, ne restera pas sans une autre conséquence. En aucun cas, il ne s’agira de fermer nos frontières, mais en revanche les échanges commerciaux, transitant à travers la France, entre l’Espagne, le Portugal et le reste de l’Europe se feront à prix forts. D’autant plus, si ces deux pays jouent le même sale rôle que celui qu’ils ont joué contre la Grèce.

Pour autant, en dépit de ces propositions, dont j’admets qu’elles rompent de fait avec l’eurozone, je ne préconise pas la sortie de l’Union européenne. Non que j’en sois un partisan inconditionnel, mais les traités qui la régissent (Maastricht, Lisbonne, TSCG) comportent tous un vide juridique. Rien ne prévoit les modalités d’exclusion d’un pays membre. En outre, toutes les décisions de l’Union européenne doivent être prises à l’unanimité. A défaut, aucune de ses décisions ne peut devenir opérationnelle. Ainsi, par exemple, si la Grèce, même affaiblie comme elle l’est depuis le diktat, vote contre l’adoption du TAFTA, l’Union européenne ne pourra l’adopter.

Robert Mascarell, PG 12


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