Visibilité médiatique : le Front de Gauche largement distancé par le FN (juin 2015)

vendredi 12 juillet 2019.
 

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Cet article fait suite à notre article précédent : L’éclipse médiatique du Front de Gauche par le Front National : Fusion et confusion (0)

La chaîne de télévision France 2, dans son émission Envoyé spécial du 11 juin 2015, a diffusé un documentaire d’environ 30 minutes intitulé : "La fracture du Front National". Ce documentaire peut être visionné en cliquant ici (1)

Il a réalisé une bonne audience : 11, 7% de l’audience avec 2, 7 millions de téléspectateurs au second rang après TF1(1’)

La rupture politique de Marine Le Pen avec son père est présentée théâtralement comme une Tragédie en cinq actes.(En arrière-plan, on peut effectivement se demander si ce "parricide politique" n’est pas un coup théâtralement monté de toute pièce).

Ce documentaire techniquement bien construit apporte des informations intéressantes sur la fracture mais donne une grande visibilité au Front National sur la scène politique. Il ne s’agit même plus de "dédiabolisation" mais , mieux encore, de mutation du FN par rapport à sa ligne politique passée. Le FN ainsi présenté a l’éclat du neuf, la virginité de la renaissance.

La ligne politique du père était devenue un obstacle à la progression électorale du FN. Différents sondages montraient que l’image diabolique du FN raciste, antisémite, xénophobe, catholique intégriste et anti laïque, ultra traditionnaliste, pétainiste voire pro nazi, antisociale, incompétente économiquement constituait un frein considérable pour prétendre devenir un parti de gouvernement.

Depuis 2011, Le Pen fille met tout en œuvre pour rendre caduque cette image–repoussoir. Le "virage social" ne date pas autant d’hier mais des années 1990 où le FN cesse d’afficher des sympathies pour le libéralisme particulièrement dévastateur sur le plan social.

Néanmoins, depuis 2011, le FN entreprend une véritable politique de "cannibalisation" des positions du Front de gauche jusqu’à même défendre la retraite à 60 ans, la nationalisation de secteurs-clés de l’économie, etc.. Les médias finissent alors par présenter le FN non pas comme un parti d’extrême droite mais de gauche voire même d’extrême gauche comme nous l’avons montré dans un article précédent. C’est en ce sens que j’ai parlé de fusion dissolution médiatique du FDG dans le FN éclipsant ainsi son existence.

Le documentaire d’Envoyé spécial conforte cette thèse du fait, par exemple, des exclusions mentionnées d’un certain nombre de cadres dirigeants attachés à l’ancienne ligne.

Quasiment au même moment de la diffusion de ce documentaire, on apprenait par les médias que :"…Marine Le Pen a tranché. Sur recommandation de la Commission de discipline du Front national, elle a décidé d’exclure définitivement 16 candidats de son parti aux dernières élections départementales, pour avoir tenu des propos injurieux ou racistes pendant la campagne, et notamment sur les réseaux sociaux. 15 autres candidats font l’objet d’une exclusion temporaire. "

Pour plus d’informations cliquer ici (2)

On peut évidemment douter de la sincérité du groupe dirigeant du FN concernant le contenu de son programme, comme le mentionne d’ailleurs le document de la Ligue des droits de l’Homme "FN : l’imposture sociale". Mais il n’en reste pas moins vrai que ce changement de ligne politique depuis les années 2010 a provoqué de nombreux remous au sein de la constellation d’extrême droite en France. (3)

Il est bon de savoir que l’extrême droite française compte pas moins de 96 partis et mouvements depuis 1945 selon l’annuaire du site France politique (3). Il dénombre environ 14 tendances différentes.(3’)

L’article de Wikipédia sur l’extrême droite en compte environ 45 : en voici quelques-uns extraits de cette liste consultable en entier ici.(4)

Bloc identitaire (2003) et sa branche « jeunesse » : Génération identitaire[9] (blog ouvert en 2012 Nouvelle droite populaire (NDP) (2008), Mouvement national républicain (MNR) (1999),Parti populiste (2005), Égalité et Réconciliation (2007) ,Parti de la France (PdF) (2009) dirigé par Carl Lang, Ligue du Sud (2010), Parti Français Chrétiens (1984), Renouveau français (RF) (2005)

Voici un extrait intéressant tiré de l’article de Wikipédia sur le parti de la France.(PDF) qui éclaire bien la situation de l’extrême droite en France, Texte complet ici (4’) "…Dans le cadre de sa stratégie de rassemblement des nationaux, le PDF participe directement à la création et à l’animation d’un Comité de liaison de la résistance nationale, structure qui a pour objectif, selon l’annonce faite par Robert Spieler (NDP), de coordonner les différents mouvements de la droite nationale. Dans cet esprit, le Parti de la France entend se présenter aux élections législatives de 2012 en collaboration étroite avec ses partenaires. Sur la question de l’élection présidentielle, Carl Lang n’exclut pas l’idée d’une candidature unique du camp national.

Concernant le Front national, le président du PDF reste sceptique quant aux chances de son ami Bruno Gollnisch de succéder à Jean-Marie Le Pen et réaffirme son opposition aux orientations de "droite nationale" prônées par Marine Le Pen.

Ce projet d’entente de l’ensemble de la droite nationale prend définitivement forme lors de la conférence de presse du lundi 5 juillet 2010 organisée conjointement par le PDF, le MNR et la NDP. Les responsables politiques de ces formations annoncent leur décision de poursuivre le rassemblement des forces nationales et identitaires et se posent en alternative face aux « dérives et aux compromissions d’un FN en mal de respectabilité ». Ils se félicitent par ailleurs de « l’élargissement amorcé avec la Ligue du Sud de Jacques Bompard » et se disent prêts à travailler avec Bruno Gollnisch et ses amis.

Carl Lang a confirmé, lors de cette réunion publique, le souhait collectif de participer à l’élection présidentielle de 2012 : « Nous présenterons ou soutiendrons un candidat à la présidentielle de 2012, nous le déciderons ensemble au printemps 2011 ».

Le 27 juin 2011 à Paris, lors d’une réunion publique organisée par la revue Synthèse nationale, l’Union de la droite nationale, regroupant, outre le Parti de la France, le Mouvement national républicain et la Nouvelle droite populaire, en présence des dirigeants de la presse nationaliste (notamment Jérôme Bourbon, directeur de l’hebdomadaire Rivarol) et de Thibaut de Chassey représentant le Renouveau français, est lancée : il s’agit d’une « confédération des forces nationalistes, nationales et identitaires » qui présentera un candidat unique aux élections présidentielles prochaines et des candidats aux élections législatives sous l’étiquette « Union de la droite nationale UDN ». Carl Lang a été désigné comme candidat de l’Union et prépare déjà sa campagne de récolte des parrainages nécessaires à la validation de sa candidature.

L’UDN réaffirme son opposition au FN et à tous les partis du « Système » : « Le constat, unanime, a été que le Front national, dirigé par Marine Le Pen, ne représentait plus la Résistance nationale et était passé aux côtés du Système que tous les présents entendent combattre. […] Le Front national n’est plus aux côtés de la France française et de l’Europe européenne, et doit être combattu, au même titre que l’UMP ou le PS. Marine Le Pen ne sera en aucun cas la candidate des nationalistes et des nationaux identitaires à l’élection présidentielle ».[…]

Carl Lang a par ailleurs pris la parole lors de la treizième université d’été du MNR le 28 août 2011. Il a expliqué qu’il faut maintenant « doter notre pays d’une véritable et d’une nouvelle droite nationale » contre le mondialisme et l’ultralibéralisme"

Rappelons que Carl Lang n’a obtenu que 447 parrainages et de ce fait sa candidature n’a pu être retenue aux présidentielles de 2012, le seuil des 500 signatures n’étant pas atteint. Source Wikipédia (5) Ces éléments d’information, qui n’apparaissent pas dans le documentaire, montrent que la fracture invoquée ne fait que clarifier une situation déjà existante au sein de l’extrême droite. La défiance affichée par ces différents mouvements à l’égard de la réorientation et notamment sociale du FN accrédite l’idée que cette réorientation est réelle, ce qui va dans le sens de l’image véhiculée par les médias concernant le nouveau … FN ?

On pourrait alors assister à la reconfiguration suivante à l’extrême droite : un parti ou une fédération de partis dans la ligne traditionnelle de l’extrême droite et le parti de Marine le Pen présenté par les médias comme "social nationaliste".

Cette possible reconfiguration se déroule dans un contexte sans précédent de brouillage des repères. La destruction même de la référence idéologique de gauche réalisée par François Hollande qui pratique une politique de droite, non seulement décrédibilise le PS pour l’électorat de gauche mais aussi les partis qui ont contribué à son élection. Cela conduit à un effacement généralisé de tout parti classé traditionnellement à gauche.Le FDG qui est déjà l’objet d’une stratégie d’effacement continu.de la scène politique par les médias se trouve alors complètement éclipsé par le FN. L’idée même alors de tripartisme renforce cet imaginaire politique médiatiquement relayé.

[La stratégie d’effacement du FDG par les médias va même se nicher en des endroits où on ne l’attend pas. Par exemple, récemment, la chronique L’œil 20 heures du JT de France 2 du 10/0 6/2015 intitulée : Les T-shirts made in Bangladesh des partis politiques français où l’on apprend notamment que le FN fait fabriquer ses T-shirts au Maroc, mentionne le PS, l’UMP, le FN mais ne mentionne pas le FDG. En cas de non fabrication de T-shirts à son enseigne, le journaliste aurait pu le signaler…Voir la vidéo ici Vive le tripartisme !]

Dans un tel contexte, il devient envisageable qu’une partie des classes populaires qui votait à gauche ou s’abstenait se reporte sur le FN. Rappelons que, jusqu’à présent, les ouvriers et employés qui votaient FN votaient auparavant pour des partis de droite, (excepté pour une petite minorité d’entre eux qui ont voté à gauche).

Le Front de Gauche a donc beaucoup de souci à se faire et l’heure n’est certainement pas à la division au sein de l’Autre gauche et plus largement au sein des forces politiques qui s’opposent à la politique économique du gouvernement Hollande.

Pour être plus attractif auprès des classes populaires, il leur faut se mettre d’accord sur un programme précis de gouvernement en cohérence avec un projet de société qui leur soit commun. L’enjeu principal est celui de l’audience, autrement dit de sa visibilité sur la scène politique.

Pour le FN, sa visibilité ne résulte pas d’une apologie de ses positions par les médias : c’est beaucoup plus subtil. Les journalistes commentent en continu, avec une certaine neutralité, les prises de position du FN, diffusent des reportages et des documentaires sur son activité, consacrent des séries d’articles à une analyse critique de son programme.

Prenons un exemple : le magazine économique et financier La tribune a consacré pas moins de six articles à l’analyse de son programme dans une série : Le programme du FN au crible. Cliquez sur les lettres pour accéder aux articles

1/5 paresseux sur (a)

2/5 Le rêve fou d’une sortie de l’euro (b)

3/5 rien d’original en faveur des PME (c)

4/5 Logement, l’obsession de la préférence nationale (d)

5/5 "La négation du génie français" (e)

Impôts, finances publiques : les choix du Front National (f)

En ce qui concerne le Front de gauche, le même magazine a consacré un article intitulé :"Impôts, finances publiques : ce que propose le front de gauche pour la France" (g)

Ainsi, en termes de visibilité, celle du FN est ici 6 fois plus grande que celle du FDG.

Remarquons que pour La tribune, comme en témoigne l’article "L’extrême gauche manifeste à Paris contre le gouvernement "(de 2011), le FDG est classé organisation d’extrême gauche, ce qui n’est évidemment pas très étonnant pour ce journal libéral et qui concourt encore à brouiller les cartes. (h)

Il ne suffit pas de" décrypter "comme nous l’avions déjà dit le programme économique du FN mais aussi d’analyser ses positions politiques. C’est le mérite de l’article de Marc Duval sur ce site intitulé : FN : chiens de garde la Ve République. (6)

Mais il faut aussi mentionner ce qui ne figure pas dans ce programme : par exemple rien sur le droit des travailleurs dans les entreprises privées et publiques

D’autre part, il est nécessaire de creuser plus profond comme nous l’indiquions dans notre précédent article, en mettant en évidence la philosophie politique sous-jacente qui explique fort bien pourquoi le FN reste attaché à la cinquième république monarchique actuelle.

Mais je suis assez pessimiste en la capacité ou la motivation des forces actuelles de l’Autre gauche pour faire ce genre d’analyse pourtant indispensable. Pourquoi ?

Jacques Généreux, dans deux de ses ouvrages : La disociété et l’Autre société a brillamment effectué ce genre d’analyse à la fois philosophique et anthropologique. Il montre, entre autres qu’une certaine conception de l’Homme a des conséquences sur la manière de concevoir un régime politique et un système économique. Or, les média dits de gauche : Media part, Politis, l’Humanité, Regards, la Revue du projet, Etc. ont totalement ignoré ce travail d’une importance considérable et centrale. Aucune interview de Jacques Généreux pour expliquer ces deux livres, Silence radio à France Culture.

On peut même se demander si les adhérents de du Parti de gauche ont eu connaissance de ces livres qui, selon moi hissent Jacques Généreux à la hauteur d’un Jaurès !

Hervé Debonrivage


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