Equipes jeunes issues des indignados, pas de langue de bois, revendications fermes : Podemos est devenu la quatrième force politique espagnole, remportant cinq sièges aux élections européennes.
“Depuis quand n’avez-vous pas voté avec enthousiasme ?” La com’ de campagne de Podemos (“Nous pouvons”) semble avoir fait mouche. Créé il y a environ trois mois, le tout nouveau parti gauche de la gauche espagnol a remporté cinq sièges au Parlement européen.
Des intellos dans l’arène
Une ascension fulgurante portée par l’énergie inépuisable d’une équipe de campagne dont la moyenne d’âge est inférieure à 30 ans. Parmi les fondateurs, on recense surtout des professeurs et des cadres issus de la faculté de sciences politiques de l’université Complutense de Madrid, dont émergent certaines figures charismatiques comme Pablo Iglesias ou Juan Carlos Monedero.
Ces intellos “indignados”, anciens du mouvement du 15M, ont su retrousser leurs manches et abattre un travail de terrain intense, systématiquement relayé dans les réseaux sociaux. Le tout accompagné d’un discours politique extrêmement bien dosé, mêlant revendications fermes (audit de la dette publique, arrêt des coupes budgétaires, nouvelle loi hypothécaire pour le logement) et références aux luttes du peuple en Amérique latine, à la République espagnole, aux petites victoires de la gauche en Espagne et à ses grandes défaites…
Accéder au pouvoir
Véritable machine électorale, Podemos a su profiter de l’espace politique laissé en jachère par un PSOE (Parti socialiste) qui n’a pas joué son rôle d’opposition au gouvernement de Rajoy mais aussi, et, bien qu’ils ne le disent pas ouvertement, par Izquierda Unida (“Gauche unie”) qui peine à rallier le vote des jeunes, en raison de son idéologie à la fois dogmatique et ancrée dans le passé et de son fonctionnement hyper hiérarchisé, qui éloigne les élus de la base militante et électorale.
Résultat, quatre mois après sa constitution en parti politique, Podemos est devenu hier la quatrième force politique espagnole, troisième dans de nombreuses régions dont notamment la communauté de Madrid, remportant presque 8 % des suffrages exprimés, soit environ un million de votes, et cinq sièges au Parlement européen (sur 54 au total pour l’Espagne).
Porté par le dynamisme des mouvements issus du 15 M, Podemos, à la différence de nombre d’entre eux qui ne désirent pas avoir de “traduction politique” ni de “tête” visible, affiche clairement son ambition d’accéder au pouvoir. Le parti a très bien compris que l’Espagne, en crise, est désormais de gauche.
Un rapprochement avec le Grec Alexis Tsipras
Organisé en “cercles” locaux ou thématiques (400 cercles à ce jour en Espagne), le jeune parti a néanmoins fonctionné de manière très pyramidale durant la campagne des européennes, les décisions ayant été prises quasi exclusivement par le cercle des dirigeants, élu au cours de primaires organisées sur Internet début avril dernier.
Une solution d’urgence qui n’a pas vocation à être pérenne. Car le défi commence aujourd’hui pour cette formation politique qui doit désormais se tourner vers sa base et trouver un mode organisationnel démocratique et fonctionnel à la fois.
D’autant que des échéances de grande importance sont à venir : élections régionales et municipales au printemps 2015, législatives en novembre 2015. Acclamé hier devant le musée d’art contemporain Reina Sofía par une foule très jeune et très enthousiaste, Pablo Iglesias a affirmé avoir la main tendue vers d’autres formations et vouloir se rapprocher d’ores et déjà d’Alexis Tsipras et de son Syriza pour défendre l’Europe du Sud face à la Troika qui dirige l’Union européenne.
Alice Heras et Sophie Courval, Les Inrocks
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