Stress au travail : un fléau social

vendredi 30 avril 2021.
 

La rançon de la compétitivité.

Nous aborderons cette question par trois articles : une interview de la revue l’Usine Nouvelle ; le résultat d’une enquête sur les facteurs de stress ; les effets du stress sur la santé. Puis nous ferons un commentaire sur ces approches.

Premier article : il n’existe pas de bon stress.

Source : l’usine nouvelle. "Il n’y a pas de bon stress au travail", selon Chantal Vander Vorst Par Christophe Bys - Publié le 17/01/ 2014

Co-auteure avec Patrick Collignon d’un ouvrage paru aux éditions Eyrolles, " Le management toxique", Chantal Vander Vorst, coach et formatrice, dirige l’institut de neuro-cognitivisme. Selon elle, être stressé est le signe d’une difficulté de la personne. En se posant les bonnes questions et en s’adaptant à son environnement, elle peut redresser la situation.

L’Usine Nouvelle - Dans votre livre, vous écrivez que l’idée très répandue, selon laquelle il existerait un bon stress, n’est pas fondée. Pourquoi ?

Chantal Vander Vorst - Le stress est un indicateur important. C’est un peu comme la fumée : s’il y a du stress, c’est qu’il y a un incendie quelque part. Il n’y a donc pas de bon stress dans le travail. Etre stressé est le signe que l’on n’est plus en cohérence avec soi-même, avec son environnement. Bien sûr, il existe des personnalités qui ont besoin d’adrénaline pour donner le meilleur d’elles-mêmes mais cela ne veut pas dire qu’il y a un bon stress qui serait un stimulant.

Comment savoir si on est ou non stressé ?

Mon approche s’appuie sur les travaux d’Henri Laborit et distingue trois types de réaction face au stress : la fuite, la lutte ou l’inhibition. – Dans le cas de la fuite, la personne est prise de peur, d’anxiété. Confuse, elle ne sait plus très bien où elle va. – Dans celui de la lutte, elle va être agressive, en colère, manifester de l’impatience. – Dans l’inhibition à l’inverse, elle se montrera découragée, ressentira de l’abattement, de la tristesse. Une personne a une de ces trois réactions, selon les situations et les types de stress auxquels elle est exposée.

Comment définiriez-vous le management toxique ?

Avec Patrick Collignon, nous avons volontairement parlé de management toxique plutôt que de managers ou de personnalités. Un mode de management est toxique quand au lieu d’apporter un plus à la personne, il a un impact négatif. Parce qu’il pompe l’énergie du collaborateur, parce qu’il le déstabilise… La toxicité a une dimension perceptive, c’est-à-dire qu’elle dépend de la perception de la personne. C’est une des difficultés. Face à un comportement donné, certaines personnes vont l’adorer quand d’autres vont le vivre extrêmement mal.

Autrement dit, dans une situation, personne n’a raison ou tort ?

Dans ces questions, il faut dépasser la querelle de savoir qui a raison ou tort. La discussion doit se placer à un autre niveau. La personne qui est en situation difficile doit se poser la question de ce qui la motive. Il faut donc réfléchir à ce qui est moteur pour nous, se demander, par exemple, si en dehors de la situation stressante, on resterait ou non dans ce travail ou si de toute façon on a envie de changer…

Dans votre livre, vous promouvez l’auto-coaching, c’est-à-dire l’identification du type de manager avec lequel on travaille et les moyens correspondants pour changer la relation. C’est donc au salarié de s’adapter ?

Gérer sa hiérarchie ne doit pas être un problème. J’ai envie de vous dire que cela fait partie du travail de chacun. Il ne faut pas rester dans les attentes non formulées. Il faut les identifier et passer à l’action.

Prenons un exemple. Certaines personnes ont un management toxique de type despote. Leur stratégie est d’entretenir beaucoup de flou pour maintenir leur pouvoir. Dans une telle ambiance, l’attente du collaborateur sera un besoin de clarification. Il aura intérêt à être très formel, à demander des précisions par courriel. L’objectif est d’objectiver la situation, d’être davantage factuel, pour pouvoir répondre : "Je t’ai demandé et je n’ai pas eu de réponse."

L’auto-coaching implique-t-il de réagir seul ? Ou bien faut-il s’organiser ?

En cas de problème, mieux vaut en parler avec des collègues de confiance, avec un spécialiste, les ressources humaines ou un représentant des salariés. Il faut avoir confiance dans la personne. Cela peut être utile pour savoir si d’autres ressentent la même chose ou non.

Ensuite, notre ouvrage cherche surtout à mettre les gens en mouvement, les aider à trouver des solutions, en se posant les bonnes questions.

Propos recueillis par Christophe Bys

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Deuxième article : les facteurs de stress au travail.

Avec la crise, les relations au travail se tendent occasionnant du stress. Un durcissement déjà mesuré parLa Dares et qu’une nouvelle enquête (1) réalisée par OpinionWay pour les Editions Tissot, spécialisées en droit du travail, vient préciser en dressant un catalogue des maux dont souffrent le plus les salariés.

En tête, et de loin, on trouve : 

1) surcharge de travail

2) pression de la hiérarchie.

Deux problèmes qui sont mentionnés respectivement par 43% et 41% des sondés interrogés sur les situations qui contribuent à les stresser. Les salariés citent ensuite :

3) la situation économique de l’entreprise ou de la France, assimilée par les auteurs à la peur de perdre leur emploi (32%),

4) l’ambiguïté des rôles et responsabilités de chacun (30%) . 5)la pression des résultats (29%)

6) les contraintes organisationnelles (27%),

7) la pression des clients (20%),

8) les relations avec les collègues (18%),

9) le confort de travail (16%).

Que faire en cas de stress au travail ?

Le sondage montre également que la moitié des salariés indiquent que les événements qui surviennent dans leur vie privée contribuent à les stresser dans leur vie professionnelle (39% plutôt, 11% tout à fait).

Ils sont 12% à confier utiliser souvent ou parfois l’argument du stress pour obtenir des compensations de la part de leur employeur (répartition des missions, révision des objectifs ou encore amélioration de l’environnement de travail).

En cas de stress professionnel, les salariés grignotent (44%), font du sport (30%), sortent (29%) font du shopping (22%), fument davantage (22%) ou boivent plus (19%).

Une seconde enquête (2) menée avec le cabinet Sysman, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux, montre que du côté des responsables des ressources humaines, près de 9 sur 10 (87,2%) ont été confrontés dans l’année à un stress de leurs salariés. Près de 7 sur 10 (69%) jugent que la situation s’est dégradée ces trois dernières années.

(1) Le sondage a été réalisé du 24 octobre au 5 novembre auprès de 1002 salariés du privé et du public, interrogés en ligne, selon la méthode des quotas. (2) Cette enquête a été réalisée en ligne du 5 au 19 novembre auprès d’un échantillon de 634 professionnels des ressources humaines.

Une source de cet article : http://lci.tf1.fr/economie/social/s...

Troisième article : les conséquence d’un stress permanent sur la santé des travailleurs.

Pour cela, on peut se reporter à l’article de l’INRS :effets du stress au travail sur la santé

L’organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un rapport et des recommandations concernant le stress au travail. On peut consulter ce rapport en cliquantici

Commentaires.

On reconnaît dans le première interview le vocabulaire DRH et une volonté d’arrondir les angles en cas de conflit avec la hiérarchie ou entre salariés. N’oublions tout de même pas qu’il existe des chefaillons "caractériels" et incompétents qui peuvent constituer une calamité pour le climat de travail et les rapports sociaux dans l’entreprise.

Dans les cas extrêmes, il peut même apparaître des phénomènes de harcèlement moral puni par la loi. (Ce harcèlement peut venir de la hiérarchie mais il peut apparaître aussi entre collègues de travail)

Néanmoins, les propos de l’interview restent intéressants. : En effet la gestion par le stress est une pratique non seulement toxique pour le moral des salariés mais aussi pour les performances de l’entreprise.

Le stress au travail constitue un aspect particulier – important certes – de la souffrance au travail. Le psychiatre et psychanalyste Christophe Dejours a écrit à ce propos un livre remarquable : Souffrance en France réédité en 2009.

La section locale de la CGT du Loiret a eu l’excellente idée de mettre en ligne unrésumé de ce livre On peut aussi en trouver un exposé détaillé sur le site très documenté libertaire. free

En lisant les deux articles, on constate les limites d’une approche psychosociologique du stress au travail.(L’approche de Dejours est en revanche plus vaste et ne néglige pas les aspects économiques)

Encore faut-il, en effet, se poser la question : quelles sont les causes économiques et même politiques d’une telle situation de stress et des facteurs qui le décrivent ?

C’est évidemment la course à la productivité, à l’économie des coûts salariaux, à la course au profit, ce que les libéraux appellent d’un terme pudique la bataille de la compétitivité.

L’augmentation de la productivité passe souvent par une rationalisation à outrance de l’organisation du travail (les experts en organisation ne manquent pas !) pouvant même provoquer des tensions entre les salariés ou les clients (vente à flux tendu, par exemple).

La réduction des coûts de production nécessite dans le cadre du système capitaliste et de l’idéologie libérale une compression des effectifs  : on demande à 2 salariés (peu qualifiés ou hautement qualifiés, peu importe) de faire le travail de 3 ou de 4. D’où cette surcharge de travail. La polyvalence est aussi une méthode utilisée qui peut rendre floue la mission à réaliser.

Mais la compression du montant de la masse salariale ne se résume pas à une action seulement quantitative en termes d’effectifs mais aussi en termes qualitatifs.

Pour éviter de payer cher un cadre, par exemple, l’entreprise embauche un titulaire d’un BTS au lieu d’un ingénieur. Le salarié se trouve alors confronté à des situations complexes qu’il aura beaucoup de mal à gérer compte-tenu de sa formation insuffisante. La situation devient alors très anxiogène et le salarié peut avoir le sentiment "-qu’il n’est pas à la hauteur" pouvant conduire à une décompensation psychologique

Inversement, un ingénieur au chômage depuis assez longtemps, sera contraint d’accepter un poste de travail ne correspondant pas à sa qualification : le poste, par exemple, demandant au maximum un niveau BTS. L’ingénieur sera alors soumis à une hiérarchie dont la qualification peut lui être inférieure et être contraint d’accomplir des tâches qui lui semblent particulièrement ennuyeuses. Ce cadre ressentira alors un sentiment de déclassement pouvant conduire à la dépression. Ces deux situations reposent sur la même logique : payer au tarif minimum les emplois hautement qualifiés. On peut évidemment prendre d’autres exemples en faisant varier les qualifications.

Les entreprises dans un contexte de concurrence sauvage et mondialisé sont devenues des entités particulièrement instables, parfois éphémères et dont l’existence peut se jouer au hasard des martingales pariées par les actionnaires dans les casinos de la bourse. Cela engendre donc une précarité croissante des emplois particulièrement anxiogène.

Cette précarisation généralisée du marché du travail constitue la mise en place d’un ordre social barbare. En ce sens, le néolibéralisme c’est la barbarie.

Le délitement des liens sociaux et la baisse continue de la syndicalisation rendent les salariés encore plus vulnérables à toutes ces agressions et incertitudes, donc plus vulnérables au stress. Le syndicat n’est pas simplement une aide matérielle, il est aussi une aide morale et ne laisse pas isolé l’individu face a ses difficultés au sein de l’entreprise.

À une époque ou la science et la technique permettent d’envoyer des sondes sur Jupiter, de décrypter le génome humain, de communiquer à distance texte son et image de n’importe quel point de la Terre, la plupart des travailleurs vivent dans l’incertitude de pouvoir se loger, se nourrir correctement et voire même se reproduire car certaines familles n’ont pas les capacités matérielles et morales de subvenir à leurs enfants.

Pour faire cesser une telle situation de stress généralisé, il faut remettre l’Humain au centre : Vive l’Humain d’abord ! tout en sachant que : Nous, on peut !

Gardons l’espoir !

Hervé Debonrivage


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