Depuis 1968, nous avons été écrasés par le capitalisme financier transnational et ses alliés divers. Si notre génération politique née d’une floraison printanière exceptionnelle veut encore être utile, nous n’avons plus grand temps ; aussi répondre à l’actualité urgente doit primer sur les débats concernant le passé, même si nous gardons au coeur ce "temps des cerises".
Cette première partie propose des liens vers des articles sur ce sujet :
84 articles sur Mai 1968 : faits, analyses, souvenirs, bilans, actualité...
Je viens de signer le texte Mai 68 Ce n’est qu’un début... APPEL INTERNATIONAL 2008. En effet, j’en partage les points forts :
-> L’objectif des puissances du vieux monde, de Wall Street à la City, de Ryad au Vatican, des Témoins de Jéhovah à la secte Moon, de Sarkozy, Bayrou et Le Pen à DSK, Valls et Jean-Michel Baylet, consiste à liquider Mai 68. « Dans cette liquidation seraient visés non seulement les droits syndicaux, le Smic et le salaire socialisé, mais aussi les avancées obtenues, entre autres par les luttes féministes. »
> « Il est grand temps de se réapproprier Mai 68, les réalités derrière les mythes, le Mai des prolétaires (de la grève générale et des occupations), le Mai de la Commune étudiante, le Mai des murs qui prennent la parole, le Mai des barricades qui ferment la rue et ouvrent la voie, le Mai qui a pavé le chemin des libérations et des transformations sociales et sociétales arrachées au cours de la décennie suivante, le Mai qui a soufflé sur Berlin, Prague, Mexico ou Turin, soulevant l’espoir tout autant que la critique du monde réellement existant, des normes et des évidences. »
> « Ce qui est advenu n’était pas le seul possible. Des retours critiques collectifs et discordants permettront de retrouver le sable chaud sous les grèves et les espérances, à la lumière d’une formidable expérience dont les traces marquent encore notre temps. Cet appel se donne pour but d’organiser ensemble, au printemps prochain, un « Mai 68, ce n’est pas qu’un début, c’est une actualité urgente »
Si un tel débat peut se lancer, tant mieux. Aussi, j’ai rédigé un texte pour l’ouvrage utile et remarquable que les Editions Syllepse préparent (La France des années 1968) et que je félicite pour leur activité :
Mai 68 vécu en Aveyron… ouvriers, lycéens, employés, paysans, enseignants... séisme politique
Ceci dit, je suis prudent. Oui, les traces de la formidable expérience des années 1968 marquent encore notre temps. Cependant, des retours critiques collectifs et discordants permettront-ils de retrouver le sable chaud sous les grèves et les espérances ?
En 1998, une association de Rodez m’avait placé pour un débat à la même tribune qu’Alain Krivine ; celui-ci s’en était tenu à chauffer la salle sur le thème "ce n’est qu’un début, continuons le combat" ; beaucoup de spectateurs l’avaient applaudi même si le retour critique collectif n’avait pas avancé d’un millimètre.
Si les partis et mouvements à gauche du PS ne font pas un choix volontariste d’unité, si la température sociale et politique ne remonte pas... Je ne le crois pas.
En effet, ne nous voilons pas la face :
nous avons été battus par la puissance militaire des USA et de leurs alliés imposant des formes de fascisme en Indonésie, au Chili, au Guatemala, en Argentine... Nous avons été battus par la puissance politique et économique des USA et de leurs alliés, avec une construction de l’Union européenne qui défait nos acquis
nous n’avons pas été capables de refonder le socialisme avant l’effondrement des derniers vestiges du stalinisme en 1989. Nous n’avons été capables ni de reprendre au bond la proposition d’une 5ème internationale formulée par Chavez en 2006, ni d’aider réellement Syrisa face à la troïka et ses politiques d’austérité totalitaire.
nous avons été explosés par le capitalisme financier transnational qui a commencé à se développer dans les années 1978 1983.
Dans toute explosion, les morceaux volent de toutes parts. Malgré une remontée hésitante des luttes depuis 1994, nous en sommes encore à rappeler le souvenir des années 1968 comme exemple récent de possibilité d’Un autre monde possible.
Ce n’est pas par un débat collectif des enfants de 1968 que nous avancerons d’un millimètre. En effet, ils sont devenus tout et n’importe quoi.
De nombreux acteurs locaux du Mai 68 français ont participé dans les années suivantes au développement du Nouveau Parti Socialiste autour de François Mitterrand, Michel Rocard, Laurent Fabius et d’autres. Quels vices de départ, quelles étapes, quels obstacles, quelles erreurs ont pu conduire ce "nouveau parti" à devenir ce qu’il est aujourd’hui, avec des dirigeants bien plus proches du clintonisme que du jauressisme ?
Parmi les cadres organisateurs du salariat présents dans le mouvement de 1968, nombreux sont ceux qui ont fait le choix "syndicaliste révolutionnaire" de la CFDT, loin des "arcanes politiciennes". Ce syndicalisme révolutionnaire a autant pourri sur pied que les précédents.
Parmi ceux qui restaient confiants dans le PCF "parti de la classe ouvrière", quel bilan tirer de l’effort incessant et central de cette organisation de 1963 à 1977 pour porter le projet d’Union de la Gauche et de Programme commun ?
De nombreux autres acteurs nationaux et locaux théorisaient l’intérêt du mouvementisme ouvert et vivant au détriment des petits partis considérés comme repliés sur eux-mêmes. D’André Glucksmann à Denis Kessler, de Daniel Cohn Bendit à Edmond Maire, le mouvementisme préservait leur avenir personnel au détriment du combat collectif à long terme.
Les groupes maoïstes arboraient fièrement le portrait de Staline ; n’était-ce pas contradictoire avec le fondement très démocratique et émancipateur des mouvements des années 1968 ; au-delà du massacreur des vieux bolcheviks, quelles faiblesses théoriques chez Marx et Lénine ont-elles contribué à laisser place à une telle tragédie ?
Les groupes maoïstes soutenaient les partis bourgeois tiers-mondistes (d’Afrique par exemple) comme creuset de l’étape de révolution nationale bourgeoise face à l’impérialisme ; que sont devenues ces forces ? Ils présentaient le Grand Timonnier Mao Tsé Toung (et son parti communiste chinois) comme le soleil de notre temps ; ce soleil a disparu derrière l’horizon bien avant Tien An Men.
Les groupes trotskistes, de l’OCI au PCI répondaient souvent en distribuant le programme de transition rédigé par Trotsky en 1938. Le rapport de force de la classe ouvrière imposant les "revendications transitoires" constitue-t-il le sésame divin permettant le passage d’un capitalisme à l’agonie à un socialisme sans Etat et sans classe ?
Ayant milité sans cesse à la limite de mes forces depuis 1966, je m’accorde le droit de poser ces questions. Ayant commis autant d’erreurs que d’autres, ayant parfois flotté plus que d’autres sur le chemin à prendre, je suis prêt aux autocritiques les plus dures ; ce sera plus facile que les milliers de tracts, d’affiches, de réunions, de conflits... qui émaillent le quotidien politique surtout lorsque l’horizon socialiste est obscur.
Aucun bilan de militant ni de courant politique de la génération 68, d’avant ou d’après, n’est aujourd’hui décisif. Seule l’est l’actualité urgente de la défense des droits sociaux comme de l’environnement, d’une souveraineté populaire réelle comme de l’internationalisme. Avec toutes celles et tous ceux qui placent cette urgence collective en priorité, l’objectif central en 2008 comme après sera de nous rassembler sur les tâches politiques immédiates. Chaque petite victoire ensemble aidera au "retour critique" de chacun.
Avant de terminer, je voudrais confier à mon lecteur une intuition. 2018 marquera les 50 ans de Mai 1968. Au moins pour des raisons d’âge, je veux croire en la disponibilité de nombreuses personnalités nées politiquement de ce joli mois et n’ayant rien lâché depuis, à jeter leurs dernières forces pour peser sur l’histoire réelle. Je rêve d’un rassemblement aussi puissant que celui qui a mené la campagne du Non au TCE, en plus durable, en plus politique.
Alors oui, notre enthousiasme donnera envie à nos petits enfants de chanter Bellaciao et Ay Carmela, la Varsovienne et le Chiffon rouge.
Alors oui, nous n’aurons pas à nous préoccuper de ce que sera l’héritage de 1968 en 2028. De nouvelles générations s’en chargeront de Caracas à Pékin, de Valparaiso à Montréal, de Paris à Londres, Berlin, Rome, Madrid, Lisbonne et Moscou, de la Tunisie au Burkina Faso, d’Istanbul à Téhéran et New Delhi...
Hasta la victoria siempre !
Je complèterai cette quatrième partie en proposant des liens vers des orientations essayant de répondre à l’objectif fixé dans l’appel international : « Mai 68, ce n’est pas qu’un début, c’est une actualité urgente ».
Compte rendu commun écrit de la rencontre entre le NPA et le Parti de Gauche janvier 2009
Déclaration de principes du Front de Gauche PCF, PG, GU) pour Changer d’Europe (printemps 2009)
Proposition du Front de Gauche présentée en ouverture de la réunion unitaire du 28 octobre 2009
Le Front de Gauche ouvre un nouveau chantier (par FRONT DE GAUCHE) septembre 2010
Le Front de Gauche, son projet, son programme (Jean-Luc Mélenchon) décembre 2010
2 juillet 2011 : Rencontre du Front de gauche comprenant 6 organisations
Le Parti Communiste des Ouvriers de France demande son adhésion au Front de Gauche (octobre 2011)
Les 7 raisons de la dynamique du Front de Gauche (mars 2012, L’Humanité)
Construire, ouvrir, renforcer le Front de Gauche (Jannette Habel, Pierre Khalfa... juin 2012)
Estivales 2012 du Front de Gauche : un nouveau succès (3 articles) Jacques Serieys août 2012
1er décembre 2013 100000 manifestants pour une révolution fiscale et sociale
Marche du 12 avril 2014 : Plus de 100 000 participants
Réflexion sur la réorientation stratégique du Parti de Gauche (octobre 2014, Debonrivage)
En conclusion, j’espère seulement pouvoir écrire un texte beaucoup plus optimiste pour 2018, si je fais encore partie des vivants.
Jacques Serieys, 8 janvier 2008, complété par les liens de la partie D le 8 novembre 2014
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