La doctrine néolibérale adulée par l’UMP (puis Les Républicains) et le PS ne fait pas recette au Vatican. Mais bien peu de personnes le savent.
Merci beaucoup pour votre complément d’information et votre éclairage sur la réforme des élections prud’homales.Article concerné : Suppression des élections prud’homales : une régressionsociale
Mon objectif n’était pas ici de faire une étude approfondie de l’histoire des prud’hommes (dont les principales étapes apparaissent dans Wikipédia) ou une étude des tenants et aboutissants de la réforme électorale prévue mais simplement d’attirer l’attention des lecteurs sur ce projet de réforme électorale qui ne doit pas être considéré comme une simple question technique, d’autant qu’il s’agit de surcroît de l’une des plus vieilles institutions de ce que l’on pourrait appeler le droit social. Je suis tout à fait d’accord avec votre analyse.
Concernant le christianisme, j’ai expliqué dans le paragraphe 4.4 "L’anticapitalisme et l’anti libéralisme chrétien" de mon long article sur l’antilibéralisme pourquoi il fallait accorder de l’attention non pas au "christianisme social" (terme trop général aux contours mal définis) mais à la "doctrine sociale de l’Église" dont les données sont clairement et précisément définies dans les encycliques sociales.
Je rappelle que l’article : "La doctrine sociale de l’Église à la lumière de l’anticapitalisme et l’anti libéralisme" est un sous- paragraphe du paragraphe précédent 4.4
Je me suis particulièrement intéressé aux deux dernières : celles écrites par Jean-Paul II et par Benoît XVI. Mon but n’était pas de porter des jugements de valeur du genre "réactionnaire" ou "progressiste", mais de donner l’occasion aux lecteurs de prendre connaissance de textes finalement assez peu connus (y compris des catholiques) et de les confronter aux textes de "L’humain d’abord" programme du Front de Gauche.
Je persiste et signe : sur le plan économique, social et éthiques les deux textes sont parfaitement convergents. (mais comme je l’ai dit aussi, j’exclus de la comparaison des problèmes sociétaux tels l’ avortement ou le "mariage pour tous" dont nous abreuvent d’ailleurs journellement les médias.)
D’autre part, il ne faut pas mélanger les positions de la doctrine sociale de l’Église figurant dans les encycliques et les positions du syndicalisme chrétien en France comme en Europe
Certes, ces syndicats de salariés (et il y en serait de même pour des associations patronales chrétiennes) s’inspirent de la doctrine sociale de l’Église mais leurs positions ne peuvent se confondre avec elle.
Ces syndicats, comme la démocratie dite chrétienne, prennent ce qui les arrange en fonction des rapports de force idéologiques et politiques et en fonction de leurs intérêts d’appareils du moment.
Par exemple, entre la CFDT autogestionnaire et anticapitaliste des années 1970, la CFDT de Jean Kaspar des années 1988 et la CFDT de Nicole Notat de 1992, le virage libéral se situe plus dans le sillage du PS que dans celui du Vatican ! Nicole Notat depuis plusieurs années est présidente du think tank "Le siècle". Rappelons que le syndicat Sud a été construit par des militants de la CFDT n’ayant pas accepté son virage à droite.
De même qu’il est impossible de comprendre quoi que ce soit des positions du parti communiste français actuel sans avoir suivi son évolution au cours de ses différents congrès depuis 1970, il est totalement impossible de comprendre les positions de l’Église actuelle sans avoir eu connaissance de ses trois dernières encycliques sociales. Nous ne sommes plus à l’époque de Maurice Thorez ou de Pie XII.
Faute de ce travail, qui a certes quelques aspects ingrats, on risque de rester prisonnier de vieux clichés du type PCF = dictature du prolétariat + centralisme démocratique + marxisme-léninisme alors que toutes ces notions ont été abandonnées congrès après congrès depuis les années 1970 ! Nombreux militants socialistes ignorent encore ces évolutions. Et je ne parle même pas des assimilations du genre PCF = collectivisme total + goulag séquelles persistantes de la guerre froide.
Quelques remarques sur la "lutte des classes"
L’Église ne voit pas de conflit fondamental entre le capital et le travail pour une raison qui peut en surprendre plus d’un : elle considère que le travail est prédominant sur le capital. Celui-ci tire sa valeur du travail humain. Le capital et le travail sont de même nature et il ne peut y avoir d’opposition naturelle entre les deux !
En outre, dans un texte que je cite dans mon étude, extrait, concernant le travail humain, Jean-Paul II explique qu’il peut néanmoins exister un conflit entre capital et travail en raison d’un type particulier de rapports économiques : celui de la propriété privée des moyens de production dont l’exercice inconsidéré conduit à l’exploitation et aux conflits.
Dans l’encyclique de Benoît XVI, la dénonciation de l’exploitation éhontée d’un grand nombre de travailleurs par les multinationales est clairement dénoncée. L’encyclique demande par ailleurs le renforcement des syndicats de travailleurs et une meilleure reconnaissance de leur rôle.
Mais, évidemment, considérant qu’il ne peut exister de conflit antagonique irréductible entre les hommes, de par leur communauté de nature, l’Eglise rejette la notion de lutte de classes comme modèle explicatif dynamique de l’histoire.
La CFTC a exploité cet aspect en ayant été le premier syndicat à rejeter le principe de lutte de classes comme moteur ou moyen de l’action syndicale. Mais la CFTC n’exclut pas pour autant la grève comme dernier recours, D’autre part, la lutte de classes ne se réduit pas à ses manifestations spectaculaires : manifestations, grèves mais peut prendre des formes variées. Effectivement, les conflits gérés par les conseils de prud’hommes sont par exemple une expression de la lutte de classes..
Mais cette attitude de la CFTC n’en fait pas pour autant un syndicat historiquement réactionnaire : en 1940 la CFTC est interdite par Pétain, un certain nombre de ses membres participent à la résistance puis au CNR. Il adopte par ailleurs un certain nombre de lois sociales, En 1988, elle soutient la création du RMI et se montre neutre lors de la création de la CSG, en 1990. Le syndicat est favorable aux 35 heures, aux emplois-jeunes, à l’élaboration de la loi de 1998 contre les exclusions et à la loi créant la CMU. Mais ce syndicat n’est évidemment pas pour autant révolutionnaire !
Cette organisation fait partie des syndicats réformistes et appartient, selon ma nomenclature de positionnement par rapport à la classe dominante, au groupe dominé G2 (les collaborateurs critiques). Voir :La notion de classes sociales antagoniques serait-elle obsolète ? Quels rapports de classe aujourd’hui ?
Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait été favorable au projet de loi, contrairement à la CGT, sur la réforme des élections prud’homales.
Je rappelle que la CGT, Sud, la FSU, le Front de gauche sont positionnés dans le groupe G4. Le PS, assez longtemps en position G2 passe dans le sous-groupe G1 avec François Hollande au service de la classe dominante, rejoignant ainsi l’UMP. Le nouveau parti "La Nouvelle donne" va combler le vide en se positionnant en G2.
Retournons au Vatican.
On est loin des images d’Épinal visant à vouloir faire croire que le Vatican est un propagandiste de la collaboration de classe et de la collaboration capital-travail pour reprendre un vocabulaire marxiste : la situation est un peu plus complexe.
Selon le Vatican, il ne peut exister d’antagonisme naturel entre les humains, non pas en raison d’une Vulgate réductionniste comparant l’humanité au corps du Christ – vision pour le coup qui serait exclusivement religieuse – mais parce que les humains appartiennent tous à la même grande famille humaine. Et là il ne s’agit pas d’une donnée religieuse, mais d’une donnée anthropologique assis scientifiquement et qui coupe court à tous les racismes. (Mais je rappelle que le Vatican n’exclut pas l’existence des conflits de classes.)
"Le thème du développement (humain) coïncide avec celui de l’inclusion relationnelle de toutes les personnes et de tous les peuples dans l’unique communauté de la famille humaine qui se construit dans la solidarité sur la base des valeurs fondamentales de la justice et de la paix." écrit Benoît au paragraphe 54 de sonencyclique sociale de 2009.
En réalité, cette interprétation erronée, reprise par de nombreux militants de gauche très ignorants de la littérature vaticane, est le résultat d’une propagande de récupération par la droite et les réformistes de la doctrine sociale de l’Église. Relisons les textes et rien que les textes pour se faire au moins une idée exacte de la doctrine.
L’effort mérite d’être fait sachant que le christianisme influence plus de 2,2 milliards d’habitants de notre planète et que notre pays est imprégné d’une culture chrétienne depuis 2000 ans.
Il serait utile de faire prendre conscience aux chrétiens de de l’emprise idéologique de la droite et des réformistes dont ils sont les victimes, sans le savoir, et faire que le Front de Gauche entame avec les chrétiens un dialogue approfondi.
En votant pour des représentants de la droite et du social libéralisme, les chrétiens donnent le pouvoir à des gens violant journellement la plupart des principes figurant dans la doctrine sociale de l’Église. Certains syndicats réformistes dits chrétiens et la presse chrétienne se font les complices de cette manipulation.
Hervé Debonrivage
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