Pour une Nouvelle République ! Propositions à Ségolène Royal : le Rapport de Jean-Pierre Bel

jeudi 15 février 2007.
 

Début décembre dernier, Ségolène Royal, demandait à Jean-Pierre Bel, Président du Groupe Socialiset au Sénat, de préparer, avec l’aide d’un groupe de travail ad hoc, les propositions de réforme des institutions pour mettre en place une "Nouvelle République" dans la foulée de sa victoire à l’élection présidentielle. Jean-Pierre Bel a restitué son rapport ce jeudi 8 février. En voici le préambule :

"En mai 2007, les Français auront le choix entre une République renouvelée, rééquilibrée et participative et une République concentrée entre les mains du chef de l’Etat, captée par un clan, confisquée par un parti.

L’enjeu du prochain printemps est tout simplement la démocratie.

Le régime de la 5ème République s’épuise dans la concentration des pouvoirs, l’abaissement du Parlement et l’irresponsabilité présidentielle. Le changement institutionnel est devenu désormais le préalable à toute action transformatrice.

Les socialistes veulent une nouvelle République. Davantage qu’une modification des institutions et des textes, il s’agit d’instaurer une nouvelle pratique du pouvoir faisant plus de place à la délibération collective, faisant appel au sens critique et à l’expertise des citoyens.

Comment ? Comment faire évoluer nos institutions, alors que la droite dispose d’un droit de veto sur toute évolution qui n’aurait pas son assentiment, grâce au pouvoir de blocage dont dispose le Sénat et sa majorité conservatrice, depuis 1958 ?

Depuis la campagne présidentielle de 1995, les socialistes proposent une méthode : l’utilisation du référendum de l’article 11 « procédure de secours dont la perspective ou l’usage pourrait à un moment donné permettre une révision constitutionnelle se heurtant à l’obstruction de l’une des deux assemblées » .

Depuis le début des années 90, les socialistes ont replacé la question institutionnelle dans l’agenda de leurs réformes, en se fixant pour objectif de redonner force et vitalité à l’espérance démocratique.

Pour « clarifier certaines de nos positions doctrinales et avancer sur le chemin de la modernisation politique », une convention nationale, animée par Jack Lang, sur les Acteurs de la démocratie s’était tenue les 29 et 30 juin 1996. Je rapportais l’un des quatre groupes de travail, sur la démocratie locale, tandis que Ségolène Royal et Jean-Marc Ayrault étaient chargés de la démocratie politique.

Une première série de mise en œuvre des préconisations de 1996 s’est opérée grâce aux réformes de modernisation de la vie politique entreprises entre 1997 et 2002 à l’initiative de Lionel Jospin -limitation du cumul des mandats, parité, réforme du Sénat, amélioration du contrôle parlementaire de la politique européenne, quinquennat-, malgré le contexte de cohabitation et l’hostilité de la droite.

Certaines réformes se sont cependant heurtées à l’obstacle de la droite sénatoriale, notamment pour le cumul des mandats et le mode de scrutin du Sénat, sur lequel l’UMP est revenue en 2003. Elles ont rejoint l’extension du champ du référendum, en 1984, la saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens, en 1990, tour à tour combattus par la majorité sénatoriale. Pendant cette période, ce qui est d’ailleurs une constante depuis 1958, aucune révision de la Constitution qui aurait rencontré l’hostilité de la droite n’a pu aboutir, même si elle avait trouvé le soutien de l’opinion publique.

A ce blocage, procédural et politique, s’ajoute désormais une crise profonde de la démocratie représentative. Jaurès écrivait : « le socialisme, c’est la démocratie jusqu’au bout ». Nous devons traduire plus que jamais cette exigence. Hier, la politique était essentiellement affaire de délégation. Elle doit désormais être affaire de participation. Pour remettre les citoyens en mouvement, recréer la confiance dans les institutions, il ne suffira pas de changer les textes, mais de modifier profondément les pratiques et l’usage de ces textes. C’est un nouvel état d’esprit qu’appelle la démocratie participative, qui doit enrichir, approfondir et compléter la démocratie représentative pour régénérer la République.

La voie choisie par la candidate soutenue par le Parti socialiste, confier le thème de la démocratie parlementaire au président du groupe socialiste du Sénat, celui de la démocratie sociale à mon homologue Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, celui de la démocratie territoriale à nous conjointement, avec Claudy Lebreton et la FNESR, souligne la nécessité d’une vision d’ensemble de la problématique démocratique. Le choix de confier ce thème à un parlementaire n’est pas anodin. Il s’avère même judicieux, comme on le soulignera à la fin du rapport, dès lors que la voie référendaire dépossède le Parlement.

Démocratie parlementaire, sociale et territoriale : les sujets se tiennent car les citoyens veulent des institutions qui fonctionnent et qui permettent à la majorité et à l’opposition de se respecter, des syndicats renforcés dans un espace social consolidé, des collectivités locales aux compétences claires, afin de rendre lisible l’action publique. Chacun de ces thèmes vise à donner aux citoyens les clés et les outils pour comprendre le monde, agir et le transformer.

Des éléments importants de ce rapport sont donc liés aux thèmes traités dans deux autres groupes de travail.

Celui que j’ai animé de la fin décembre 2006 au début février 2007 m’a permis, en deux mois, grâce au comité de pilotage composé de députés et de sénateurs, aux entretiens avec des personnalités politiques et experts, juristes, hauts-fonctionnaires, politistes, de proposer quelques pistes d’une réforme ambitieuse de nos institutions.

Ma réflexion a été facilitée par l’intérêt soutenu que les socialistes ont porté aux institutions, et pas seulement depuis le 21 avril 2002, et par les propositions précédentes de réforme qui n’ont pu aboutir, à commencer par les projets de lois constitutionnelles déposés sous la présidence de François Mitterrand le 10 mars 1993.

De nombreuses réformes ont également été proposées par la convention nationale de 1996, ou celle du 26 janvier 2002 , et, à l’approche de l’élection présidentielle de 2002, dans des groupes de travail pilotés par Bernard Roman au sein du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, ou par André Vallini au sein du Parti socialiste. Les groupes parlementaires socialistes ont défendu de nombreuses propositions de lois constitutionnelles, y compris depuis 2002. Toutes les motions de tous les congrès du Parti socialiste ont consacré aux institutions des développements plus ou moins détaillés et plus ou moins ambitieux.

Cette réflexion est partie du projet socialiste, adopté par notre convention nationale du 30 juin 2006. Elle ne s’est pas interdite de s’en affranchir, afin de donner une cohérence globale aux propositions qui sont formulées.

Elle se fonde sur la préservation des fondements de la Constitution de 1958 et propose leur évolution pour redonner à notre régime politique l’équilibre qui aurait dû être le sien et qu’il a perdu en raison de sa présidentialisation croissante.

« On ne reviendra pas sur l’élection du Président au suffrage universel » écrivait François Mitterrand le 30 novembre 1992. On peut porter le même jugement sur le quinquennat, institué en 2000. Les propositions s’inscrivent donc dans le cadre du régime parlementaire majoritaire dont le chef de l’Etat demeure la clef de voûte. Elles visent même à rénover le régime parlementaire, et, en paraphrasant Michel Debré devant le Conseil d’Etat, le 27 août 1958, à vouloir l’établir « car pour de nombreuses raisons la République n’a jamais réussi à l’instaurer ».

Le rééquilibrage entre le Parlement et le pouvoir exécutif s’accompagne d’une nouvelle articulation entre démocratie représentative et démocratie participative. La rénovation du Parlement ne va pas sans des parlementaires plus présents et plus représentatifs de la société et de la diversité politique.

Les propositions qui suivent s’articulent en six thèmes :

un Président de la République responsable,

un mandat unique pour les parlementaires,

une République parlementaire,

un bicamérisme rénové,

une démocratie participative,

une nouvelle citoyenneté.

La conclusion présente la méthode de ces réformes, le référendum de l’article 11, dont je préconise l’usage dès septembre 2007.

Les propositions présentées ont vocation à nourrir le débat présidentiel. Des choix seront opérés par notre candidate. Ils visent à infléchir plus que bouleverser, à s’inscrire dans la durée et dans la profondeur d’une évolution de la République vers un régime plus harmonieux, une démocratie apaisée, qui refait du citoyen l’acteur principal de la politique."


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