La question sociale ne pourra être résolue si de nouvelles institutions ne donnent pas à la souveraineté populaire la possibilité de se déployer. La question démocratique se trouve ainsi au cœur de tout projet de transformation sociale.
I. Une assemblée constituante pour une nouvelle Constitution
Les institutions actuelles ne sont pas acceptables ; elles ne sont pas révisables. C’est une nouvelle architecture institutionnelle qu’il faut bâtir. Mais s’il faut une VIe République, elle doit être sociale et participative. La « Sixième » doit s’efforcer d’être la « première » dans un genre institutionnel innovant, fondé sur les droits, la souveraineté populaire et la solidarité.
Cette Constitution doit être le fruit d’une élaboration pleinement démocratique. Un débat national préalable doit s’organiser sur les enjeux et les grandes orientations nécessaires d’un nouveau système institutionnel. À l’issue de ce débat, une Assemblée constituante élue à la proportionnelle rédigera un projet constitutionnel qui sera soumis à référendum.
II. L’architecture générale d’une VIe République
La VIe République ne doit pas se résumer au tête-à-tête entre un chef de gouvernement incarnant la puissance exécutive et une Assemblée nationale renforcée. Elle se fonde d’abord sur une extension inédite des pouvoirs d’intervention des citoyens. C’est cette extension qui distinguera une véritable novation institutionnelle d’un simple toilettage plus ou moins parlementariste. Démocratie continue, participative, délibérative, autogestionnaire : les mots ne manquent pas pour désigner cette ambition.
A. Une République fondée sur les droits fondamentaux et la souveraineté populaire
1. Les droits fondamentaux
Ces droits sont indivisibles (à la fois économiques, sociaux, politiques, culturels ; à la fois individuels et collectifs) et contraignants (assortis d’obligations pour la puissance publique). Leur énoncé doit être actualisé, en s’inspirant des droits proclamés en 1789, 1793 et 1946 et dans les déclarations internationales et en intégrant les droits nouveaux qui méritent de prendre force constitutionnelle : le droit au logement, le droit à l’information et à la culture par exemple. Nous n’entreprenons pas ici l’élaboration de cette nouvelle déclaration des droits.
2. La souveraineté populaire :
Nous voulons fonder l’efficacité démocratique, non sur les vertus supposées de la bonne « gouvernance », mais sur l’expression de la volonté des citoyens.
a. Le droit de vote et de l’éligibilité sera élargi à ceux qui résident en France.
L’exercice de ce droit ne peut être limité aux seules élections locales. Il doit donc s’appliquer à toutes les élections. Jusqu’à ce jour la souveraineté populaire a fait corps avec la souveraineté nationale : le droit de vote est pour l’instant conditionné par la nationalité. Pour élargir ce droit, deux formes sont possibles, entre lesquelles il faut choisir :
• Certains considèrent que la dissociation de la citoyenneté et de la nationalité maintient deux catégories de citoyens (les Français et les non-Français). Ils préfèrent donc élargir l’accès à la nationalité en instituant une nationalité de résidence, ouverte à tous ceux qui vivent en France.
• D’autres, plus nombreux dans notre groupe, considèrent que la confusion de la nationalité et de la citoyenneté fausse l’universalité du droit de vote. Le principe le plus universel pour fonder le droit de voter leur paraît donc être celui de la résidence.
b. La durée des mandats sera limitée et leur cumul sera interdit.
Plusieurs objections sont couramment faites à la réduction de la durée des mandats : elle met l’élu inexpérimenté à la merci des « compétences » des administrations ; sitôt élu, il prépare sa réélection. Ces risques apparaissent second par rapport à la nécessité d’impliquer plus activement les citoyen-nes, qui doivent être consulté-es fréquemment. Pour cela, on peut retenir l’hypothèse d’un mandat unique, renouvelable une seule fois, d’une durée n’excédant pas trois à cinq ans.
c. En cours de mandat, si la moitié des électeurs inscrits le réclame, il sera procédé à une nouvelle élection.
Le décalage entre les aspirations populaires et l’action des élus est une des causes principales de la crise de la représentation. Pour y remédier, nous ne retenons l’hypothèse ni du mandat impératif, ni de la révocabilité permanente des élus. Mais le principe selon lequel une nouvelle élection a lieu de droit si la moitié des électeurs inscrits le demande nous paraît, tout à la fois, techniquement possible et suffisamment lourde pour en prévenir l’usage immodéré, source possible d’instabilité.
d. Un statut de l’élu facilitera l’implication dans la vie publique.
Il garantira le maintien des avantages sociaux et le retour à l’emploi. Il élargira à toutes les fonctions électives le principe de l’indemnité dont les barèmes seront revus. Avec le raccourcissement de la durée des mandats, le statut de l’élu est une deuxième mesure pour lutter contre la professionnalisation de la politique qui alimente la coupure entre les élus et les citoyens. Ce statut pourrait être étendu à ceux qui prennent des responsabilités dans les partis. En amont de l’élection, il faudrait aussi prévoir une protection du candidat contre l’éventuel licenciement qui pourrait survenir dans l’année de l’élection , en cas d’insuccès.
e. La vie associative sera favorisée. Par ailleurs, la vie associative sera encouragée (par exemple, simplification administrative et mutualisation des moyens alloués en concertation avec les collectivités territoriales).
f. Le droit d’initiative citoyenne et le référendum d’initiative citoyenne seront des droits constitutionnels.
Ils doivent être inscrits dans la constitution. Une proposition de loi signée par un nombre donné de citoyens (500 000 ou un million) est obligatoirement mise à l’ordre du jour du Parlement ou soumise à référendum. Celui-ci peut expressément exigé par les citoyens, dans les mêmes conditions.
g. Le principe du budget participatif sera institué.
La participation citoyenne à l’élaboration du budget et des programmations pluriannuelles sera institutionnalisée et la consultation sur tous les grands projets d’aménagement doit être favorisée. Dans le cadre communal, la mise en œuvre du budget participatif sera favorisée notamment par l’institution de conseils de quartier, obligatoires dans les villes de plus de 15 000 habitants.
h. Des structures d’intervention citoyennes seront mises en place.
Au-delà du budget participatif, la participation citoyenne sera élargie sous toutes ses formes.
• Les conseils de quartiers ouverts à toutes et à tous constituent des lieux d’information, de débat et d’évaluation. La loi fixera les modalités de leur fonctionnement et les moyens nécessaires pour assurer leurs droits de contrôle, d’expertise et de proposition
• Par ailleurs des conseils de circonscription seront institués. Sans se substituer aux élus et aux assemblées élues, ils constituent un lieu privilégié où s’exerce le droit de contrôle et d’initiative citoyennes. Une partie sera composée de représentants des partis, syndicats et associations localement représentatives ; une autre part, en nombre égal, serait élue à partir du critère de la résidence ou de l’activité sociale sur le territoire de la circonscription (travail, études, inscription à l’ANPE ....) .
i. Les citoyen-nes seront associé-es à l’élaboration de la loi et au contrôle des décisions européennes. Outre la possibilité d’intervenir directement dans le processus de création législative par référendum, les citoyens devraient être associés en permanence à l’élaboration de la loi. Les projets et propositions de loi seront ainsi transmis aux conseils de circonscription qui émettent un avis motivé. Si une majorité d’entre eux émet un avis négatif, celui-ci doit être modifié, abandonné ou être soumis à référendum.
La France participe à l’Union européenne. Elle contribue donc à l’élaboration des lois européennes et les met en œuvre. Dans le contexte européen actuel, il est toutefois impératif de préserver le droit d’un pays de refuser d’appliquer une loi qu’il estime porter atteinte à ses droits fondamentaux. Cette question est traitée dans le document intitulé « Pour une autre Europe ». Cela conduirait à affirmer que le suffrage universel peut décider de la non-application de mesures majeures qui entraveraient la politique de transformation sociale.
B. Une République démocratique et sociale
La nouvelle République doit jeter les bases d’une véritable démocratie sociale. Cela passe par la constitutionnalisation d’un certain nombre de droits, dont l’ensemble constituerait le socle de ladite démocratie sociale et l’un des ressorts principaux de la démocratie en général. Devraient être expressément inclus dans la Constitution, outre l’énoncé classique des droits fondamentaux (droit au travail, à la retraite, droit de grève, etc.) :
1. Le principe de la « citoyenneté sociale » ou de la « citoyenneté à l’entreprise ».
Cela suppose une représentation des salariés dans toutes les entreprises et l’extension des pouvoirs des organismes auxquels ils participent. Ainsi, les droits d’alerte, d’expertise, de contrôle et de proposition des Comités d’entreprise doivent être promus comme droits constitutionnels, tandis que les droits des actionnaires doivent être réduits.
2. La revalorisation de la négociation collective, avec la systématisation du principe majoritaire.
3. L’obligation de services publics pour le socle des droits fondamentaux, et notamment éducation, travail, formation, santé, logement, énergie, culture, information, etc. Ces services doivent être soustraits aux règles de la concurrence. En outre, le vivant, l’eau, les ressources naturelles, la santé, le patrimoine culturel, l’éducation et l’information doivent être tenus pour des biens communs.
4. La nouvelle République pourrait inscrire dans sa constitution le nouveau statut du salariat (présenté dans le document « Emploi et niveau de vie ») dont les contours précis seraient arrêtés par la loi. III. L’État et les institutions
A. La représentation sera améliorée
L’accent mis sur la participation citoyenne n’implique pas le dédain pour une représentation dont les malheurs tiennent aussi à ce qu’elle est faussée. La « juste » représentation est une condition de l’efficacité démocratique. Cette juste représentation implique-t-elle la parité entre les sexes ? c’est une question en débat.
1. Élections à la proportionnelle
Le choix de la proportionnelle intégrale est le plus cohérent avec une démarche alternative et franchement citoyenne. C’est une proposition fondamentale qui est la seule à même de ne pas exclure du fonctionnement des institutions une partie des citoyens.
Le débat doit toutefois se poursuivre sur le point de savoir s’il convient ou non de compléter cette proposition pour prévenir les risques d’instabilité.
• Certains proposent de s’inspirer du modèle allemand de la « motion de censure constructive » : une motion de censure n’est recevable que si elle énonce le nom d’un nouveau Premier ministre. Ce qui limite le pouvoir des majorités de circonstance.
• D’autres récusent l’idée que les mécanismes institutionnels seraient en eux-mêmes des facteurs d’instabilité ou de stabilité. Ils craignent que la méthode allemande ne conforte une logique majoritaire stimulant tendance à la bipolarisation. Ils préfèrent donc ne pas limiter les pouvoirs de censure du Parlement, quitte à énoncer le principe selon lequel deux motions de censure votées dans la même année provoquent obligatoirement une nouvelle élection législative.
2. Suppression du Sénat et assemblée législative unique
Cette double position fait accord dans le groupe de travail, même si elle ne fait pas l’unanimité à gauche. Nous considérons qu’une seule chambre doit disposer du droit de voter la loi et le budget.
Tout en partageant ce point de vue, certains considèrent qu’un Sénat consultatif élu sur des bases différentes pourrait assurer l’interface entre la représentation nationale et l’intervention citoyenne, en examinant notamment les initiatives d’ordre législatif émanant des collectivités territoriales et des citoyens.
Par ailleurs, le débat doit se poursuivre sur l’idée souvent avancée que l’émergence d’une démocratie sociale passe par un geste fort : l’institutionnalisation d’une assemblée représentative du monde du travail.
B - Les rapports du législatif et de l’exécutif seront modifiés
Il faut restaurer le rôle du législateur qui n’est plus aujourd’hui que l’instrument discipliné de l’exécutif.
1. Abroger les dispositions qui limitent le pouvoir de la représentation nationale.
La fixation de l’ordre du jour de l’Assemblée par le gouvernement, l’article 49-3 et le vote bloqué, tout comme la délégation à l’exécutif du pouvoir législatif sous forme d’ordonnances sont les plus cités pour dire ce qu’il conviendra d’abandonner. Le débat demeure toutefois ouvert sur la question de savoir s’il faut maintenir des dispositions évitant le risque de blocage. Si la plupart de ceux qui s’expriment sur le sujet rejettent toute restriction des prérogatives parlementaires, certains suggèrent toutefois de limiter le champ des amendements parlementaires, éventuellement en maintenant une procédure de 49-3 dans certains cas (par exemple le vote du budget).
2. Revaloriser le rôle de l’Assemblée nationale dans les institutions
Cela suppose le rétablissement plein et entier de la fonction législative, y compris en matière budgétaire ; la maîtrise de l’ordre du jour ; l’extension des moyens d’action des commissions permanentes ; la capacité de suivi et de contrôle de l’élaboration de la loi et de ses textes d’application ; l’évaluation régulière des politiques publiques. L’Assemblée doit disposer des moyens d’assumer ses fonctions : les corps de contrôle interne (Inspection des Finances, Inspection générale de l’administration) seront mis à son service à cet effet.
3. Réduire les pouvoirs du Président de la République
Cette réduction fait consensus dans les forces les plus à gauche. Le refus commun du présidentialisme et du « monarque présidentiel » se traduit dans tous les cas par un recul des prérogatives présidentielles et par la fin du « domaine réservé ». Les uns et les autres s’accordent pour dire que le Président ne doit plus disputer au Parlement le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif au gouvernement et qu’il doit être un garant de l’équilibre constitutionnel et non un acteur quotidien de l’action gouvernementale. Il ne doit plus présider le Conseil des ministres et le droit de dissolution de l’Assemblée par le Président doit être, soit limité, soit purement et simplement abrogé.
4. Supprimer l’élection du Président de la République au suffrage universel.
On sait que, couplée à la prépondérance de ses pouvoirs, son élection au suffrage universel a gangréné l’ensemble de la vie politique, du niveau national au niveau municipal. A gauche, beaucoup pensent toutefois qu’il n’est pas possible de revenir sur cette élection devenue majeure dans la vie politique française et qu’il suffirait de réduire les pouvoirs présidentiels. Nous pensons pourtant que les deux vont de pair, surtout dans une tradition française qui se distingue de celle d’autres pays européens : si les pouvoirs présidentiels sont limités, à quoi bon recourir à leur légitimation par le suffrage universel ?
5. Confier l’ensemble des pouvoirs exécutifs au gouvernement.
Le Premier ministre, pour sa part, sera désigné par l’Assemblée nationale et assumera ’ensemble des pouvoirs exécutifs aujourd’hui dévolus au président. Il est vrai que ce principe, cohérent avec ce qui précède, fait débat à gauche. Le courant de NPS qui a refusé la synthèse lors du congrès du PS maintient le principe de sa désignation par le Président, assorti de l’obligation de désigner « le chef de la coalition qui a remporté les élections législatives ». Quant aux Verts, ils demandent un vote de confiance de l’Assemblée après la désignation du Premier ministre par le Président.
6. Le désaccord persiste sur le contrôle de constitutionnalité
Nous refusons tous le « gouvernement des juges ». Toutefois, si la constitution constitue une garantie par la proclamation de droits fondamentaux et de règles de fonctionnement des institutions, on ne peut consentir au principe selon lequel on a légalement raison quand on est politiquement majoritaire. La discussion se poursuit autour des idées suivantes :
a. Tout le monde convient qu’il faut éviter que le contrôle de constitutionnalité ne paralyse la prérogative législative du Parlement. Mais, pour y parvenir, deux conceptions se distinguent aujourd’hui :
• On peut s’en tenir au contrôle classique de constitutionnalité, mais en précisant que les décisions du Conseil auraient pour effet, non pas d’abroger tout ou partie de la loi, mais soit d’entraîner la modification de la loi en sa forme ordinaire, soit de provoquer la discussion d’une éventuelle révision constitutionnelle.
• Une autre proposition consisterait à ce que la juridiction constitutionnelle ne juge pas de la constitutionnalité de la loi, mais vérifie ultérieurement que son application ne met pas en cause un droit fondamental. En exerçant, non pas un contrôle a priori mais un contrôle a posteriori, le Conseil exercerait ainsi une fonction de juge et non de législateur.
b. Il faut poursuivre le débat sur l’élargissement de la saisine et des compétences du Conseil constitutionnel. Certains pensent que l’inconstitutionnalité d’une loi devrait pouvoir être soulevée à tout moment, devant les tribunaux ordinaires, et pas seulement avant sa promulgation et que le conseil constitutionnel devrait pouvoir effectuer non seulement un contrôle de constitutionnalité , mais aussi de conventionnalité (conformité de la loi aux traités et conventions internationales signées par la France).
c. Reste à définir les modalités de désignation du Conseil :
• Devrait-il être désigné par l’Assemblée ou, pour moitié par celle-ci et pour l’autre moitié par le président de la République ?
• Devrait-il être composé de juristes ou de personnalités diverses pour éviter une approche trop juridique de son contrôle ?
C. La décentralisation sera prolongée et démocratisée
Ce n’est pas une question simple. A priori, nous sommes sur un des terrains où s’expriment avec le plus de vivacité les oppositions de culture politique, « fédéraliste » ou « jacobine ». Dans la pratique, les oppositions sont peut-être moins vives qu’il n’y paraît. À la lecture des positions énoncées, il semble possible de retenir les points suivants.
1. Une orientation commune :
Nous combattons la décentralisation engagée par la droite parce qu’elle est à la fois libérale et technocratique. Nous voulons combiner l’existence de différents niveaux d’action publique et le respect intransigeant du principe d’égalité de traitement des habitants. Cela conduit à une démarche souple reposant sur deux idées : toute collectivité a la possibilité de prendre en charge toute activité demandée par la population résidente (principe de compétence générale) ; une collectivité plus étendue ne prend en charge que les activités que la collectivité moins étendue ne peut assumer. Enfin, les compétences attribuées aux collectivités doivent être assorties des moyens suffisants pour leur exercice, dans le cadre d’une péréquation nationale placée sous la responsabilité de l’État.
2. Les propositions principales pourraient être les suivantes :
a. Élargissement des procédures d’intervention citoyenne :
Amélioration de la représentativité des organismes élus, y compris dans le cadre de l’intercommunalité, en élargissant la procédure de l’élection à la proportionnelle.
Accès garanti à l’information à tous les niveaux.
Extension à l’échelon local des droits légaux d’intervention : droit de pétition, référendum d’initiative populaire et referendum à l’initiative de la collectivité[cf sur le droit de vote des étrangers].
Renforcement du rôle des structures de participation, et notamment des formes existantes ou à créer d’assemblées et de conseils locaux (de quartier ou de circonscription). Extension de la méthode des budgets participatifs. Création de fonds publics destinés spécifiquement à l’aide à l’implication citoyenne.
b. Des moyens pour une décentralisation démocratique Les moyens nécessaires se déclinent eux-mêmes de deux manières :
Les moyens budgétaires renvoient à la fiscalité et au crédit : améliorations des dotations de l’État, réforme profonde de la fiscalité locale et mise en place d’un pôle financier public. Il est ainsi possible de réfléchir, pour assurer une péréquation nationale maîtrisée, à mettre au point des indicateurs synthétiques de territoire tenant compte à la fois de la nature des projets, des capacités économiques, des indicateurs sociaux, du taux de chômage et du potentiel fiscal par habitant.
Les services publics - piliers d’une décentralisation « concrète » - doivent être à la fois garantis, diversifiés et améliorés, ce qui, une fois de plus, suppose de les soustraire aux règles de la concurrence.
D. L’appareil de l’État sera transformé
Nous ne défendons pas une vision « par le haut » de celle-ci. Nous pensons que l’implication des citoyens, la mobilisation populaire jouent un rôle premier, les propositions précédentes en témoignent. Mais la transformation passe aussi par le haut. Or l’appareil de l’État n’est pas aujourd’hui adapté à la mise en œuvre d’une politique de transformation sociale. Il pourrait même agir contre elle. Une politique alternative ne peut contourner cette question. A la vision libérale de réforme de l’État nous ne pouvons pas opposer le statu quo. Nous devons présenter une réforme alternative : réorienter ses missions, changer sa composition, modifier son fonctionnement.
1. Réorienter ses missions
a) Au service des plus démunis
A la suite de la politique générale, l’action de l’administration doit être prioritairement tournée vers l‘amélioration du sort des couches populaires. Cela implique que cette politique soit déclinée en réorientations régulières des missions des administrations. Aujourd’hui, au mieux, on vote une loi, on prend plus tard les décrets d’application. Qui se soucie de savoir si l’administration est prête à les appliquer ? Les orientations stratégiques des services publics doivent être l’objet du débat démocratique et être arrêtées par la représentation nationale.
b) Rompre avec le monopole de l’expertise
Le monopole de l’expertise au service de l’exécutif est une source importante du dysfonctionnement de la démocratie. L’expertise de l’administration doit être mise eu service des élus. Elle doit aussi être mise au service des partis, des syndicats, des associations, des organismes d’économie sociale et solidaire, etc. La mobilité des fonctionnaires doit être étendue en ce sens. Cela présentera le double avantage de renforcer les capacités de propositions de ces organisations et de modifier la formation et l’expérience des fonctionnaires.
2. Changer sa formation et sa composition
Commencer par la tête : la haute fonction publique.
Elle doit être féminisée.
Elle doit être ouverte aux couches populaires.
Il faut rompre avec le critère de sélection de l’excellence scolaire qui vaut pour les corps techniques de l’État, pas pour les corps administratifs et judiciaires. L’expérience des problèmes de nos concitoyens, la capacité d’organiser un travail collectif doivent alors être déterminants. Cette rupture avec les modes actuels de sélection est nécessaire à la modification de la composition sociale de la haute fonction publique.
Il faut s’opposer à l’orientation libérale de la réforme de l’État de la « gouvernance » et du modèle managérial comme clé d’une efficacité croissante de l’État en développant au contraire la culture du service public. L’application de la réduction de la hiérarchie des salaires de 1 à 5 (proposée dans le document « Emploi-niveau de vie ») et la réduction du train de vie de la haute fonction publique (voiture, chauffeur, etc.) contribueront aussi à la modification sa composition sociale.
Plus généralement, l’administration doit mener une action volontariste pour recruter dans les milieux les plus démunis en généralisant notamment les critères de sélection exposés précédemment.
3. Modifier son fonctionnement
a) Lutter contre l’opacité
La préparation d’une décision publique est aujourd’hui confinée dans l’administration et au service exclusif de ceux qui ont le pouvoir. Il est très rare que ce secret soit justifié. La règle générale doit devenir que cette préparation avec ses différentes variantes possibles soit publique.
b) L’intervention des usagers
L’appareil de l’État doit accepter le regard extérieur et pour cela s’ouvrir à lui. Les fonctionnaires y sont traditionnellement réticents. Pourtant les premières et timides expériences de présence des usagers dans le fonctionnement administratif (école, hôpitaux) montrent que c’est une voie à poursuivre selon des formes adaptées aux différentes administrations.
c) Promouvoir la mobilité des fonctionnaires
L’une des racines de la bureaucratie est l’émiettement des tâches. Le confinement dans un seul secteur tout au long de la carrière est non seulement source de démotivation, de routine mais aussi de coupure avec le monde extérieur. La mobilité interne est déjà inscrite dans la loi mais non encouragée. Elle assurerait une amélioration à la fois de la condition des fonctionnaires et du fonctionnement du service public. Cette mobilité peut être interne et externe. Par exemple, des juristes associatifs ou des inspecteurs du travail peuvent devenir juges ou conseillers juridiques des administrations. Avec des formations adaptées cet exemple pourrait être étendu. Il faut pour cela ne pas pénaliser la mobilité et établir des passerelles entre les différentes administrations. La mobilité doit pouvoir être accomplie aussi à l’extérieur de la fonction publique. Nous avons proposé plus haut la mise à disposition des parti, des syndicats, des associations, des organismes d’économie sociale et solidaire, etc.
d) Défendre le statut de la fonction publique
Le statut de la fonction publique est un acquis démocratique. La garantie de l’emploi et certaines protections vis à vis du pouvoir hiérarchique constituent au contraire un modèle que nous devons chercher à étendre. Nos propositions de nouveau statut du salariat et d’extension des droits des travailleurs dans les entreprises (voir doc n°1) vont dans ce sens.
e)améliorer les moyens
Le bon accomplissement des missions de service public suppose dans bien des cas l’augmentation des moyens et d’abord des effectifs. Cela ne se limite pas aux services auxquels nous faisons habituellement référence : hôpitaux, éducation nationale. La justice, l’inspection du travail, l’inspection des impôts, la recherche, sont sans aucun doute en sous-effectifs. Il y a en revanche des économies à faire dans des ministères comme celui des affaires étrangères. La mobilité évoquée précédemment facilite les redéploiements.
La revalorisation des salaires, couplée avec la limitation des hauts salaires, est nécessaire.
Rappelons enfin que le service public peut, dans certaines conditions, être prolongé avec efficacité par l’aide apportée aux associations. Elles peuvent être un moyen d’action d’intérêt général sans croissance de l’administration. On peut prendre l’exemple de la culture, de l’audiovisuel (voir le document consacré à ce sujet) mais aussi de l’action sociale comme le service public de la petite enfance (voir doc n°2) ou l’action dans les quartiers. Cela ne préjuge pas de ce qui serait pris en charge par des organes d’auto-organisation massive de la population dans une situation de mobilisation intense.
f) Le cas particulier des corps de répression Nous ne pouvons pas nous passer de police et d’armée. Dans le même temps il faut garder en tête que ces corps particuliers sont toujours une menace potentielle pour la démocratie et une politique de transformations sociale. Nous devons donc discuter des moyens de limiter ce danger. Plusieurs des axes d’action développés précédemment vont dans ce sens : redéfinir les missions, modifier la composition et la formation notamment de l’encadrement, modifier le fonctionnement. Sans préjuger des propositions de documents ultérieurs, certaines propositions peuvent déjà être avancées.
La sécurité est un droit. La mission de la « police judiciaire », chargée de lutter contre la délinquance, doit être prioritairement tournée contre la délinquance complexe et organisée, telle la délinquance économique et financière, la délinquance écologique, ou le droit pénal du travail et les différents trafics d’êtres humains. C’est pourquoi la police judiciaire doit être rattachée à la justice plutôt qu’au ministère de l’intérieur dont elle subit les pressions politiques. L’action de la « police administrative », chargée de la sécurité publique doit viser non l’usage de la force mais une dissuasion fondée sur la connaissance de l’environnement et l’autorité acquise. C’est la définition de la police de proximité qui connaît la population mais est aussi connue d’elle. Il est nécessaire d’ouvrir les commissariats sur l’extérieur et de mettre sur pied une surveillance de leur fonctionnement par les élus, les avocats et les comités de quartier. La « police de souveraineté » (CRS, gendarmerie mobile) doit faire l’objet d’une surveillance spéciale sous responsabilité parlementaire. En cas de bavures, les sanctions individuelles ne sont pas suffisantes. Une unité ayant commis de telles bavures doit, en cas de récidive, être dissoute et son commandement sanctionné. Les enquêtes concernant les violences policières doivent être faites, non pas par l’IGS (corps inspection de la police qui est juge et partie), mais par une inspection indépendante composée de policier et de magistrats, sous l’autorité de l’assemblée nationale.
Les missions de l’armée doivent également être revues. L’orientation prioritaire de la « projection des forces », c’est à dire de l’intervention extérieure, au détriment de la défense du territoire mérite débat de même que sa conséquence organisationnelle : l’armée de métier. La formation des militaires et les scénarios auxquels ils se préparent doivent faire l’objet, comme pour les corps de répression, d’un contrôle extérieur sous responsabilité parlementaire.
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