A propos du communiqué "Le Parti socialiste s’étonne des commémorations, incongrues en démocratie, organisées au Venezuela" (Jean Luc Mélenchon)

dimanche 11 février 2007.
 

... Ici, à cet instant, entre deux faits majeurs, dans l’attente du discours de Ségolène Royal et juste après la grande manifestation de défense de la fonction publique, où j’ai usé mes semelles comme beaucoup, je choisis un fait sans importance : un communiqué du PS. Aucun média ne l’a repris. Il n’intéresse personne. Pas même les dirigeants socialistes qui ne savent sans doute même pas qu’il existe. Il a été fait dans l’ombre d’un "secteur" du parti. Il concerne le Vénézuéla. Il participe à la campagne contre les révolutions actuellement en cours sur le continent. Il est destiné à valoir à celui qui l’a rédigé et aussitôt expédié à ses divers correspondants, la faveur des autres créatures de bureau qui "suivent Chavez" avec l’énergie de gens qui sont payés pour ça. Je choisis cette entrée en matière pour aujourd’hui parce que je pense que ce qui se dit sur le Vénézuéla est un très bon révélateur de ce que sont ceux qui le disent. Et parce que ceux qui ne comprennent pas la signification de ce qui est en cause là bas ne peuvent pas vraiment comprendre à quel point bien des données y sont communes avec ce qui se dessine ici.

Voyons. Le Parti Socialiste condamne "l’incongruité" d’Hugo Chavez. Que se passe-t-il ? A l’origine : une information donnée dans "le Monde" par le journaliste Paolo Paranagua, ancien guérillero attaqueur de banque repenti, qui, la veille, interviewait sur une demi page un agent de la CIA pour connaître son point de vue sur Cuba (!). Aussitôt toutes les marionnettes s’agitent. Il y a urgence. Il faut condamner la célébration par Chavez de sa tentative de coup d’état de 1992 ! Pensez un coup d’état contre un gouvernement social démocrate ! Certes il n’y a pas eu un mort et Chavez a lui-même appelé les militaires qui l’avaient suivi à cesser la tentative. Mais quand même ! Qui pourrait avoir la moindre hésitation sur un tel sujet ? Qui ? Ceux qui connaitraient le contexte. Ceux là seraient moins catégoriques. Mais ce n’est pas le communiqué du PS qui leur permettra de connaître le contexte. Et pour cause.....Il faudrait raconter ce qu’était le chaos social dans laquelle le gouvernement corrompu et sanguinaire dirigé par le PS blairiste local (celui de Carlos Andres Pérez d’AD) avait alors plongé le pays.

La social démocratie des fusilleurs

En 1989 le gouvernement social démocrate élu sur un programme anti libéral faisait tirer sur la foule des pauvres (1000 morts par balles) qui manifestaient contre les augmentations de tarifs des services publics. Après cette première décision, les blairistes locaux n’avaient cessé d’amplifier la répression sanglante des mouvements sociaux et manifestations populaires. Il est vrai qu’ils avaient déjà réussi à plonger la moitié de la population du pays dans la pauvreté sous le choc de leur thérapie libérale. Bientôt, les révélations judiciaires sur le gigantesque système de corruption organisé par le président Carlos Andres Pérez firent déborder le vase de la colère. C’est dans ce contexte, en 1992, que de jeunes officiers patriotes avaient décidé de s’organiser autour de Chavez en refusant la politique de répression militarisée du peuple. C’est a dire exactement le contraire des putch fascistes !

Sachez que moins d’un an après cette tentative de "coup d’état", ce furent la Cour suprême et le Sénat du Vénézuéla, où ne siégeait pas un Chaviste, qui lui donnèrent raison. Ils mirent en accusation le président et engageait sa destitution légale. Le tout pour corruption aggravée, détournement de fonds publics et malversations en tout genre. Chavez fit de la prison. Deux ans seulement et ce n’est pas lui qui s’est libéré tout seul au bout d’un si bref délai ! Chavez a conservé de cette époque une immense popularité dans la population, qui bien au delà des rangs chavistes, voue encore aujourd’hui une haine tenace à Carlos Andres Pérez, figure par excellence du politicien véreux qui gouverne contre son peuple. Tellement véreux qu’il préféra fuir en république dominicaine avec près de 20 millions de dollars volés dans les caisses publiques, avant de gagner Miami (où il vit toujours) pour échapper à une demande d’extradition de la justice vénézuélienne (qui, je le répète, n’avait rien de chaviste à l’époque). Voila le contexte. C’est ce "coup d’Etat" que les scribouillards du secteur international mettent sur le même plan que les terribles dictatures anti populaires de Pinochet au Chili et de Videla en Argentine.....A vomir.

Perfidie pour perfidie, on cherchera avec soin le communiqué du PS dénonçant les activités et la gestion du gouvernement social démocrate de Carlos Andres Pérez, les fusillades de pauvres et les répressions de cette époque. Il n’y en a pas. Et pour cause. Encore aux dernières élections présidentielles vénézuéliennes, après avoir enfin rompu avec le parti social démocrate de Carlos Andrés Perez (ce que n’a toujours pas fait l’Internationale Socialiste), le PS français appuyait un parti dont le président était ....le porte parole du candidat de droite, lequel animait une coalition avec... le parti social démocrate de Carlos Andres Pérez !

Intérèt sélectif.

Donc le communiqué ridicule qui s’intéresse tout d’un coup au Vénézuéla pour dénoncer Chavez, émane du secrétariat aux relations internationales du PS. Un de ses "responsables", mélangeant racisme et mépris de classe, avait déjà traité Chavez de "mélange du général Alcazar et de Castafiore". Va savoir quel permanent, élu par personne et surveillé par personne, a donné à signer à des bureaucrates épuisés d’ennui ce genre de communiqué.

Si seulement il l’a fait ! Et pour quelles raisons a-t-on estimé que le silence à ce sujet serait insupportable alors qu’il se trouvait tout à fait acceptable quand les massacreurs faisaient leur travail. Je n’accuse pas Hollande d’avoir signé ce communiqué. Il ne sait même pas qu’il existe. Il s’en fiche d’ailleurs. Je n’accuse personne de rien pour la raison qu’aucun d’entre eux ne s’intéresse à rien, ni ne lit ce que les prétendus "responsables" du secteur international écrivent ou n’écrivent pas.

Je ne chercherai pas non plus la dénonciation de l’incongruité du candidat soutenu par le PS et l’Internationale socialiste au Pérou, le multirécidiviste de la corruption Alan Garcia lorsqu’il a rétabli la peine de mort dans son pays. Ni à propos de la décision du candidat de l’internationale socialiste élu au Nicaragua, Daniel Ortega, d’interdire l’avortement même quand la vie de la mère est en danger. Je ne demanderai pas pourquoi le PS s’intéresse à une cérémonie militaire dans un coin du Vénézuéla tout d’un coup, lui qui ne s’intéresse à rien de ce qui se passe au Vénézuéla d’habitude, à part ce qu’en disent les communiqués de la contra de Miami et l’intervieweur de la CIA au journal "Le Monde".

Je me contente d’espérer que ceux qui me lisent à cet instant comprennent mon chagrin devant la déchéance du parti qui célébrait à Cancun par la voix de François Mitterrand les "humiliés et les martyrisés" que Chavez a refusé de fusiller. Un parti qui soupèse chaque virgule quand il s’agit du Moyen Orient, se moque dorénavant de savoir qui il soutient et ce qu’il écrit à propos des pays qui affrontent l’empire de Bush avec toutes sortes de contradictions bien plus compliquées. J’ai honte que l’on puisse croire que j’ai quelque chose à voir avec ce genre d’agents d’influence qui, sur un signal des ambassades "amies" quand elles lancent des campagnes, écrivent de tels communiqués traduits de l’américain. Surtout quand ces questions ont donné lieu, à plusieurs reprises, à d’âpres discussions dans la direction légitime du parti.

Et maintenant voici le communiqué.

"Le Parti socialiste s’étonne des commémorations, incongrues en démocratie, organisées au Venezuela dimanche dernier sous l’autorité du Président de la République pour célébrer une tentative de coup d’État militaire. Le Parti socialiste rappelle qu’il avait, en 1992, condamné avec fermeté la « tentative subversive » de Hugo Chavez, parce que « seule la démocratie peut assurer la stabilité, la paix, le développement ». Le PS avait condamné avec la même fermeté et pour les mêmes raisons en 2002 « le recours aux armes pour régler le conflit entre autorités et opposition », ainsi que « la tentative de coup d’État civilo-militaire » conduite par le patronat contre le Président élu Chavez. Cette commémoration est un mauvais signal envoyé à l’Amérique latine où, du Guatemala au Chili, de l’Argentine au Brésil et à l’Uruguay, la démocratie a été pendant plusieurs années durement bâillonnée par les forces armées."


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message