Yasuni ITT : L’Equateur reconnaît son échec face aux puissants de notre planète

vendredi 23 août 2013.
 

J´écris cet article, le cœur serré de tristesse, après que le président équatorien Rafael Correa ait annoncé aujourd´hui, à 20h précises, la fin de l´Initiative Yasuní ITT. Je n´étais visiblement pas le seul : tous les ministres du pays étaient là devant lui alors qu´il s´adressait au pays. Toutes et tous avaient ce visage que l´on a lors de ces moments durs où notre devoir nous oblige à faire ce que l´on ne souhaiterait pas. Le président avait sans doute le visage le plus ferme, celui d´un homme qui sait que ses paroles resteront dans l´histoire, une histoire qu´il aurait voulu vivre autrement… J´ai rarement vécu des moments aussi bouleversants depuis que j´ai commencé mon combat politique…

On ne peut pas s´étonner : plus de 6 ans de combat, de lutte pour que « l´ITT » devienne une réalité, et au final nous n´avons eu quasiment aucune réponse de la part des gouvernements du monde auxquels nous proposions de changer ce cap, de ne plus continuer ce modèle de société qui mène à la destruction folle de notre écosystème.

Je tiens à écrire maintenant, tout de suite, à chaud pour ne pas laisser la place aux manipulations politiciennes contre le gouvernement de la Révolution Citoyenne… Je les vois venir, elles vont essayer d´occulter ce que cela signifie politiquement et encore une fois tenter de nous faire regarder ailleurs, là où l´on ne trouvera pas les vraies responsabilités dans cette affaire.

On ne doit pas oublier ce jour : ce 15 août 2013 le monde auquel nous aspirons, le monde pour lequel nous luttons, le monde post-pétrolier, le monde de la convergence des intérêts sociaux et écologiques, le monde des alternatives au dérèglement climatique, le monde que symbolisait l´Initiative Yasuní ITT… vient d´être rappelé à l´ordre par le monde réel, celui du mépris des puissants pour notre planète, celui qui mène l´humanité vers une catastrophe colossale… et qui a dit non a Yasuni.

L´Initiative Yasuni était ce projet proposé au monde entier par le gouvernement équatorien pour faire face au dérèglement climatique, mais beaucoup plus largement pour montrer que l´on peut construire un monde post-pétrolier, un monde débarrassé de son cancer extractiviste et productiviste. Le pays proposait de laisser sous terre le pétrole qui se trouve sous le parc national Yasuni, un des endroits avec la plus grande biodiversité au monde. En échange de cet effort, qui signifiait la non exploitation de 20% des réserves de pétrole du pays, l´Équateur proposait aux pays du monde entier et à ses citoyens de compenser la moitié de cette perte économique, à savoir 3600 millions de dollars. L´Équateur contribuerait à cet effort en sacrifiant l´autre moitié.

Un fond international avait été mis en place par l´ONU, qui garantissait que les fonds récoltés bénéficieraient aux populations les plus démunies de la forêt amazonienne et alimenteraient le changement de la matrice énergétique du pays. Mais cela n´a pas suffi.

Après 6 ans d´un intense travail pour faire connaître cette Initiative partout dans le monde, après l´avoir présentée à l´ONU, aux sommets mondiaux sur le changement climatique, après avoir mené une immense campagne auprès de la société civile en s´appuyant sur toutes les organisations sociales et politiques qui se reconnaissaient dans le projet (le Parti de Gauche fut l´un des soutiens les plus actifs en France), l’Equateur n’a reçu que 3% des fonds (9% si on compte les promesses).

Il est devenu clair que les gouvernements ne répondraient pas à l´appel et, dans ces conditions, l´Equateur ne pouvait pas sacrifier cet apport financier essentiel pour lutter contre la misère dans le pays. Le Président a donc pris une décision difficile, qui nous fait très mal mais qui nous rappelle finalement quel était le combat derrière Yasuni.

Soyons clairs, le fond politique de l´initiative n´était pas de sauver le parc naturel Yasuni de la contamination potentielle liée à l´extraction du pétrole. On entendra bientôt toutes ces voix scandalisées par la catastrophe écologique, sans parler bien sûr du fond politique. Mais comme l´a rappelé le président, moins d´1% du parc se verra affecté par l´exploitation pétrolière. Ceci a été rédigé dans le décret présidentiel qui a été signé aujourd´hui et le président s´est engagé personnellement à faire respecter ce point.

Le vrai objectif politique de Yasuni était de créer un outil qui permette une reconnaissance réelle du principe de responsabilité commune mais différenciée face au changement climatique proclamé par l´ONU. Mais plus largement, avec le mot d´ordre de « laissons le pétrole sous terre ! », l´initiative remettait en question le moteur même du capitalisme, le productivisme aveugle qui est en train de détruire notre écosystème. Mais tout ceci n´est pas mort avec Yasuni.

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