Vatican : contexte de crise pour l’élection du nouveau pape

lundi 25 février 2013.
 

2) Vatican : l’enquête, les scandales et les rumeurs qui vont influencer le conclave

Qu’il y ait au sein de la curie romaine des religieux homosexuels et que ces hommes aient pu être l’objet de chantage pour des causes diverses, ne parait pas totalement improbable aux observateurs de la vie vaticane. « Tout le monde, y compris le pape, sait depuis longtemps que le Vatican est un repaire d’homos plus ou moins pratiquants », assure un vaticaniste. Que l’existence d’un « réseau uni par l’orientation sexuelle » ait précipité la renonciation du pape Benoit XVI, ainsi que l’ont écrit cette semaine deux journaux italiens, de droite et de gauche, l’hebdomadaire Panorama et le quotidien la Repubblica, parait en revanche relever davantage d’un climat de pré-conclave et de vacance de pouvoir, propice aux rumeurs de toutes sortes...

« Souillures, rivalités, péchés »

La presse italienne se fonde sur les témoignages de personnes interrogées par les trois cardinaux chargés par Benoît XVI d’une enquête interne après la divulgation de documents confidentiels, les Vatileaks, et non sur les documents eux-mêmes, toujours tenus secrets. « Au-delà des affaires financières, des rivalités de personnes, des dénigrements des uns et des autres [révélés jusqu’à présent par les Vatileaks], certains témoins ont clairement évoqué l’existence d’un influent réseau gay, qui a favorisé des carrières ou détruit des réputations », assure le journaliste de Panorama Ignazio Ingrao. Et ce réseau aurait été lui-même rattrapé par des maîtres-chanteurs, suggère La Repubblica. Cette nouvelle aurait fini de décourager le pape Benoît XVI, impuissant à changer les moeurs vaticanes, qu’il a souvent évoquées dans ses discours en des termes peu amènes : « souillures, rivalités, visage défiguré de l’Eglise, péchés internes ».

« Le devoir de nous alerter », un cardinal

Mais l’affaire n’est pas close pour autant. Selon le quotidien La Stampa, les trois cardinaux enquêteurs surnommés les « 007 », tous âgés de plus de 80 ans, devraient être reçus par Benoît XVI en début de semaine. Ce pourrait être une manière pour le pape sortant de les autoriser à mettre au menu des « congrégations générales », – les journées de débat précédant le conclave, auxquelles participent l’ensemble des cardinaux – les conclusions qu’ils ont tirées de leur investigation sur l’état de la curie romaine. « S’ils ont eu connaissance de problèmes majeurs, type réseaux de moeurs, ils ont le devoir de nous alerter », estime un cardinal.

« Le retour des scandales aura un impact sur le conclave », juge Frédéric Mounier, correspondant du journal La Croix au Vatican. S’ils ne livrent pas tous leurs secrets, les trois « anciens » pourraient contribuer à définir le profil du futur pape : un homme, lui-même irréprochable, avec assez d’autorité pour procéder à un grand ménage dans une curie devenue ingérable, et procéder à la « purification », plusieurs fois évoquée par Benoît XVI.

Combien d’absents au conclave ?

Cette exigence s’est déjà manifestée dans les appels de certains catholiques à récuser la présence au conclave de cardinaux impliqués dans des scandales de pédophilie. C’est le cas de l’américain Roger Mahony ou bien encore de l’Irlandais Sean Brady ou du Belge Godfried Danneels. Et ces jours-ci, à Rome, certains ressortent volontiers la mise en cause dans une affaire d’abus sexuels sur mineurs de Paul Ouellet, le frère du papabile canadien Marc Ouellet.

Le Vatican a rappelé, vendredi, que la présence des cardinaux au conclave, prévu autour du 10 mars, était un « devoir ». « Ils ne peuvent y déroger », a insisté le porte-parole, sauf pour raisons de santé. Un cardinal indonésien a déjà fait part de son absence. Un second pourrait aussi être excusé, ce qui porterait à 115 le nombre de cardinaux-électeurs.

Stéphanie Le Bars, 23 février 2013

1) Pédophilie : un cardinal américain privé de conclave ?

Le cardinal américain Roger Mahony, ancien évêque de Los Angeles, se rendra-t-il à Rome pour participer au conclave organisé aux alentours du 10 mars pour élire le successeur de Benoît XVI ? C’est pour l’heure son intention mais le prélat devrait être interrogé le 23 février par la justice, qui enquête sur la gestion par l’institution catholique d’affaires de pédophilie remontant aux années 80.

Notamment soupçonné d’avoir couvert les agissements d’un prêtre pédophile et d’avoir facilité son départ vers le Mexique, le cardinal, âgé de 76 ans, a été privé en janvier de toute responsabilité administrative et publique par son successeur, l’archevêque José Gomez. Le cardinal Mahony, qui a dirigé l’archevêché de 1985 à 2011, a présenté ses excuses pour les « erreurs » commises expliquant qu’en tant qu’ecclésiastique il n’avait pas été préparé pour faire face aux problèmes d’abus sexuels commis sur des enfants.

Diocèses en faillite

Cette nouvelle déposition intervient alors que la justice américaine vient d’avoir accès à de nouveaux documents internes à l’Eglise catholique, qui montrerait une gestion inappropriée de la part de plusieurs responsables catholiques face à des affaires d’abus sexuels impliquant une centaine de religieux. Les scandales de pédophilie aux Etats-Unis ont provoqué une crise sans précédent dans l’Eglise et contraint plusieurs diocèses à la faillite, après le paiement d’indemnités versées à des milliers de victimes. En 2007, l’archevêché de Los Angeles a accepté un règlement à l’amiable d’un montant de 660 millions de dollars pour indemniser quelque 500 enfants victimes d’abus.

600 plaintes par an au Vatican

Contraint par la révélation de scandales en Irlande et en Allemagne, Benoît XVI s’est efforcé de changer les règles et les mentalités face à ces affaires. Mais il s’est heurté à des résistances de la part de certains responsables, soucieux de protéger l’image de l’Eglise, et notamment le doyen des cardinaux, Angelo Sodano. Le Vatican a indiqué début février recevoir encore quelque 600 plaintes par an, pour des faits remontant principalement aux années 60, 70 et 80, à travers le monde. Deux-tiers des 112 conférences épiscopales auraient désormais mis en œuvre des procédures spécifiques pour lutter contre les abus sexuels.

Aux Etats-Unis et en Italie, des voix se font entendre depuis quelques jours pour contester la présence de Mgr Mahony au conclave. Une association de catholiques américains, Catholics united, a lancé une pétition, signée par 5000 personnes, demandant au cardinal de « rester à la maison ».« Si un cardinal est privé de son ministère public, pourquoi serait-il récompensé en étant autorisé à voter pour le prochain pape ? ». « Il est possible que l’on conseille à Mahony de ne pas venir mais il ne peut s’agir que d’une intervention privée de la part de quelqu’un doté d’une forte autorité », a estimé mardi un cardinal italien, Mgr De Paolis, expert en droit canon, tandis qu’un important magazine catholique italien, Famiglia cristiana, pose ouvertement la question à ses lecteurs : « le cardinal Mahony doit-il venir au conclave ? ».

Au delà du cas Mahony, au moins deux autres cardinaux électeurs ont été épinglés par la justice de leur pays ces dernières années : le Belge Godfried Danneels et l’Irlandais Sean Brady.

Stéphanie Le Bars, 20 février 2013


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message