Corse : les élu-e-s communistes et citoyens du Front de gauche s’adressent à Valls et Taubira

jeudi 29 novembre 2012.
 

A l’occasion de la visite en Corse du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls et de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, les élus communistes et citoyens du Front de gauche en Corse leur ont remis une déclaration.

Monsieur le Ministre,

La Corse connait une situation des plus préoccupantes caractérisée par une double urgence à propos de laquelle l’intervention de l’Etat est indispensable à la fois pour stopper le dérive affairiste et mafieuse et pour soutenir la CTC dans une politique sociale de relance économique par la création d’emplois stables, la lutte contre la cherté de la vie, la construction de logements sociaux.

La presse samedi rappelait que plus de 100 assassinats ont été commis en Corse depuis 2005. Les causes sont identifiées. La plupart des assassins ne le sont pas. Nous savons qu’il faut de la détermination, du discernement pour agir en conséquence contre cette infime minorité d’individus qui tentent de s’accaparer le territoire, son économie et de corrompre son administration.

Il est insupportable qu’ils puissent, comme ils le font, tuer qui ils veulent, ou ils veulent et quand ils veulent et s’enrichir ainsi. Une société qui vit à ce rythme est condamnée. Le président de l’Assemblée de Corse en a appelé à l’intervention de l’Etat dans l’exercice de ses compétences régaliennes parce que la Corse seule ne peut faire face à un tel phénomène destructeur et rejeté par l’immense majorité des Corses qui aspirent à vivre sereinement et dignement.

Monsieur le ministre, il faut démanteler ces bandes armées, interpeller les individus qui mettent ainsi la Corse en coupes réglées. Ces dix dernières années le modèle libéral low cost, fondé sur l’économie résidentielle et la dé-sanctuarisation, a stimulé leurs ambitions dans l’immobilier notamment. Les trafics vous l’avez souligné ont été florissants pour la drogue, les jeux et la main d’œuvre à bas coût…

Il faut s’extraire des faux débats et des clichés. Vous avez cité une profession celle des notaires. Soit vous en dites trop, soit vous n’en dites pas assez si vous disposez d’information et si certains notaires sont effectivement indélicats il faut être précis sans bafouer la présomption d’innocence. Il appartient à la justice et à la police de mener les enquêtes. Ainsi l’impérative nécessité d’élucider les affaires criminelles va de pair avec la confiscation des biens illégalement acquis.

Le gouvernement a renforcé les moyens pour cela, nous nous en félicitons, il doit également veiller à la coordination et à la cohésion des services pour gagner en efficacité. La circulaire pénale doit le permettre. Pour ce qui nous concerne, nous faisons la différence entre le témoignage et la délation parce que nous ne tirons pas un trait d’égalité entre le braqueur et le braqué, entre l’assassin et l’assassiné. Nous nous mettons du côté de la victime. Le témoin n’est pas le repenti. Il agit par civisme sans être payé mais la subornation existe et il faut l’empêcher.

La pression exercée par les criminels est très forte. Les actes commis relèvent de la barbarie. Dans ces conditions plus encore il faut rétablir les repères, c’est ce à quoi s’emploi le président de l’Assemblée de Corse à travers la commission violence. Il privilégie la culture intellectuelle non le culte des armes, la justice, non la vengeance, le vivre ensemble, non le relationnel formel, le respect de la vie humaine et les règles élémentaires d’un fonctionnement normal de la société. La Corse à besoin de transparence et de démocratie.

En Corse comme dans tout le pays les collectivités publiques font l’essentiel de l’investissement sauf qu’ici l’abus de position dominante est facilitée à la fois par le petit nombre d’entreprises susceptibles de répondre aux appels d’offres et par la difficulté de candidater pour les entreprises extérieures. Là-dessus s’ajoute une proximité problématique entre le monde économique et politique qui nécessite des mesures spécifiques empêchant ce type de cumul a fortiori sur un territoire de si petite taille.

Pour ce qui est du sport la loi, permettant l’introduction en bourse des clubs de foot en 2005, a structuré le championnat en distinguant ceux qui peuvent prétendre aux premiers rôles en Europe et les autres qui deviennent des faires valoir en imposant les mêmes critères de gestion à tous. L’élite peut se vendre aux fonds d’investissements aux origines indéterminées.

Les clubs qui font le milieu et le bas de classement doivent se débattre pour boucler leur budget en comptant sur les subventions publiques. On peut s’interroger sur certains transferts mais au-delà de tel ou tel cas qui interpelle et justifie une clarification, il faut réguler ce milieu où le joueur est plus une marchandise qu’un être humain.

Monsieur le ministre depuis que le gouvernement a présenté ses dix mesures pour rétablir l’Etat de droit et combattre les dérives affairiste et mafieuse, des rapports, des écrits des déclarations, consécutifs au lâche assassinat du préfet Erignac ont refait surface.

Les rapports parlementaires Glavany, pour l’Assemblée nationale, Courtois pour le Sénat, le rapport Legras pour la justice, tous fournissent des éléments sur lesquels l’Etat peut orienter son action et fonder les positions du gouvernement en effaçant les stigmates de l’affligeant épisode des paillotes incendiées par les hommes du préfet Bonnet.

Montrer une perspective tel est l’enjeu pour ancrer la Corse avec ses spécificités dans la République et l’assurer à travers l’application des principes républicains de la solidarité nationale qui le permettent. L’action des élus, l’intervention citoyenne et démocratique indispensables au sursaut civique se développeront d’autant mieux.

La Corse a besoin d’une politique de rupture avec celle de la droite qui a contribué à aiguiser les appétits sur les portions de territoire les plus lucratives. Dans le cadre de l’élaboration du PADDUC nous défendons l’application de la loi littoral, nous nous sommes mobilisés pour mettre en place une Agence de l’urbanisme et un EPF. Le gouvernement doit accompagner ces efforts de reconquête de la maîtrise du foncier comme dans ses efforts de construction de logements sociaux.

Dans le même temps la convoitise de l’argent public dans de nombreux domaines a été encouragée par l’accélération libérale de la libre concurrence. La continuité territoriale, mise en cause dans ses fondements, en fournit l’exemple le plus significatif. La Mission sénatoriale Revet, la Chambre régionale des comptes et maintenant l’Inspection générale des finances l’ont démontré. Le gouvernement ne peut l’ignorer.

Le gel de l’enveloppe de continuité territoriale impacte lourdement le budget de l’OTC confronté avec les compagnies délégataires de service public à la hausse du coût du pétrole. Ces compagnies, dont l’Etat est encore actionnaire, pour deux d’entre elles sont en difficultés et celles-ci sont répercutées sur les usagers et les salariés. Les tarifs sont trop élevés et les plans sociaux se multiplient. Air France a licencié 45 jeunes en février dernier sur les escales de la Corse.

A la SNCM 900 postes ont été supprimés ces dix dernières années. Ça suffit ! Nous demandons au gouvernement la réindexation de l’enveloppe de continuité territoriale, la réintégration des 45 indignés d’Air France et l’adoption de loi imposant le pavillon français premier registre pour le cabotage maritime.

La Corse importe dix fois plus qu’elle n’exporte et au bénéfice d’une loi scellier particulièrement stimulante enregistre un boom immobilier qui fait craindre à présent un effondrement d’autant plus désastreux que des centaines de foyers attendent désespérément un logement social.

A cela s’ajoute la cherté de la vie, une augmentation sans précédent du chômage en particulier des jeunes, une grande précarité relative à l’économie saisonnière et liée exclusivement à l’activité touristique, un pouvoir d’achat des ménages populaires d’autant plus écrasé que les salaires sont bas.

Nous préconisons l’adoption d’une loi pour mettre fin au scandale de la vie chère, des mesures fiscales antispéculatives pesant sur les gros patrimoines, un soutien à la création d’emplois stables et rémunérateurs.

Monsieur le ministre, répondre aux aspirations de celles et ceux qui aujourd’hui sont le plus en difficulté est une priorité. 22 % des ménages insulaires vivent sous le seuil de pauvreté, plus de 60 000 personnes, alors que part ailleurs une infime minorité a pu dans cette situation s’enrichir considérablement. Il suffit de regarder l’écart de revenu de plus de sept points entre les plus riches et les plus pauvres. La grande pauvreté côtoie ainsi la richesse insolente.

Réduire la fracture sociale et territoriale, créer de l’emploi productif, promouvoir le service public, c’est aussi prendre le chemin inverse de la désertification des territoires, de la RGPP qui a supprimé en Corse plus de mille postes, de la réduction des dotations aux collectivités locales.

En plus des 10 mesures de lutte contre le crime organisé, le gouvernement doit sans tarder en prendre de nouvelles pour l’emploi, l’Education, la culture, le logement, la santé, l’agriculture… et contribuer ainsi à faire grandir la nécessaire alternative politique et démocratique à la violence sous toutes ses formes et au libéralisme.


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