Réforme territoriale : Et si on laissait le peuple décider…

mardi 8 juin 2010.
 

La décentralisation telle qu’elle a été organisée depuis 1982 avec ses retouches successives visant à rapprocher les lieux de décision des citoyens n’a pas été menée jusqu’au bout de sa logique. Elle a certes permis, dans certains cas, de mieux prendre en compte la diversité territoriale et de libérer le dynamisme des collectivités qui se sont pleinement investies dans l’aménagement et le développement de leur territoire, devenant ainsi les premiers investisseurs publics.

Mais elle s’est faite sans moyens adéquats, avec un désengagement de l’État, garant pourtant de la cohérence des politiques publiques, avec un transfert de charges sur les collectivités entraînant une augmentation importante de la fiscalité locale. Elle a généré une organisation institutionnelle complexe, souvent illisible pour les citoyens, ainsi qu’une atomisation et une segmentation des politiques publiques favorisant la concurrence entre territoires et entre administrations. 
Le président de la République a relancé ce chantier pour, dit-il, simplifier notre organisation. La simplification territoriale n’est en fait qu’un prétexte pour servir les intérêts politiques de Nicolas Sarkozy, de la droite et du libéralisme en général, qui souhaitent mettre les collectivités sous tutelle de l’État central au service de ses objectifs.

La réponse à apporter à la complexité institutionnelle n’est cependant pas dans une défense acharnée du statut quo qui s’oppose au vécu des populations. Elle est de penser une autre organisation territoriale loin de la vision féodale et archaïque du pouvoir développée par le projet du gouvernement. Il faut développer d’autres pistes de réflexion et d’action. Comment  ? En donnant la parole au peuple.

Il serait en effet parfaitement anormal, au moment où le président de la République et son gouvernement proposent aux parlementaires de modifier en profondeur l’organisation institutionnelle du pays, que le peuple soit le grand absent du débat. Il est indispensable que ce dernier ne reste pas l’apanage des parlementaires et des élus, dont les motivations sont pour un grand nombre d’entre eux davantage de l’ordre des enjeux de pouvoir que de l’intérêt citoyen. Qui mieux que le peuple peut donner son avis sur les institutions et collectivités qui doivent être à son service  ! Et que l’on ne nous oppose pas les compétences nécessaires pour participer à un tel débat. Le peuple en possède autant que les élus, qui n’ont par rapport à lui que la seule légitimité du suffrage universel.

Loin des enjeux de pouvoir, les citoyens n’ont aucun mandat de défense de fiefs électoraux à préserver, ils sont à même de réfléchir à l’organisation institutionnelle et territoriale qui correspond le mieux à leurs attentes et à l’intérêt général. À l’instar de ce qu’a développé la Colombie-Britannique (Canada) en 2004 pour réformer son système électoral, pourquoi ne pas mettre en place des assemblées citoyennes à l’échelle départementale, puis nationale  ? Ces assemblées citoyennes départementales composées de personnes tirées au sort, représentatives de la population (catégories sociales, groupes d’âge, sexe, implantation géographique, etc.) seraient assistées de personnalités indépendantes du pouvoir politique et pourraient, par des auditions publiques, des forums de discussion dans la presse régionale et sur Internet et des séances publiques, formuler de nouvelles propositions.

Ces collectivités et leurs élus alimenteraient, bien sûr, le débat de leurs propres réflexions. L’ensemble des propositions serait ensuite centralisé et synthétisé par une assemblée citoyenne nationale composée de délégués des assemblées citoyennes départementales. Durant tout le processus de réflexion et de délibération, les membres de ces assemblées devront être indemnisés. Les travaux et propositions des assemblées seront portés à la connaissance du public afin qu’il puisse, après un débat national, être consulté par référendum. Nul doute que ce débat démocratique citoyen de grande ampleur débouchera sur une organisation territoriale correspondant enfin à l’intérêt des territoires et des populations.

Il est temps de sortir des formules le plus souvent incantatoires sur la démocratie participative pour mettre celle-ci en acte. Il est temps de sortir de la République et de la démocratie des élites et des experts pour construire une République et une démocratie du peuple, pour et par le peuple.

Par Jean-Claude MAIRAL, Président de TER-RES, Territoires responsables, Ancien Président du Conseil Général de l’Allier, vice-Président du Conseil Régional d’Auvergne


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