Rousseau, pour une souveraineté populaire authentique, c’est-à-dire permanente et active

dimanche 12 février 2012.
 

Rousseau, citoyen du futur, de Jean-Paul Jouary. Éditions Le livre de poche, 5,50 euros, à paraître le 15 février 2012.

L’année 2012 sera politiquement riche, avec les élections présidentielle et législatives, bien sûr, mais peut-être aussi du fait des différentes initiatives autour du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau. En évitant tout anachronisme et télescopage abusifs, on peut espérer légitimement que la réflexion du « citoyen de Genève », défenseur acharné d’une souveraineté populaire pleine et entière, rencontre les indignations citoyennes de notre temps. C’est ce défi que le philosophe Jean-Paul Jouary s’est attaché à relever, en proposant à nos intelligences ce Rousseau, citoyen du futur, loin de la commémoration philosophique et de ses lourdeurs. Il faut dire que le propos de Rousseau comporte lui-même de puissants antidotes à toute tentative de l’enfermer dans un quelconque panthéon des penseurs passés.

Ainsi, sa vision de l’argent entre-t-elle en résonance directe avec certaines préoccupations progressistes contemporaines. « Sitôt que le service public cesse d’être la principale affaire des citoyens, et qu’ils aiment mieux servir de leur bourse que de leur personne, l’État est déjà près de sa ruine », estime Rousseau dans son Contrat social (livre III, chapitre XV). « Ce mot de finance est un mot d’esclave », va-t-il jusqu’à affirmer dans cette même partie de l’ouvrage. « C’est bien à nous, humains 
du XXIe siècle, que s’adresse Rousseau », commente Jean-Paul Jouary, avant d’éclairer le parallélisme entre les critiques rousseauistes de la représentation politique et de la représentation monétaire  : 
« La première peut se retourner contre la volonté réelle du peuple, la seconde peut se retourner contre son économie réelle. »

S’il est un point central dans la pensée politique de Rousseau, c’est certainement cette idée d’une impossibilité de « re-présenter le peuple » (J.-P. Jouary). À suivre l’auteur du Contrat social, c’est au fond une simple question de logique. En effet, « a souveraineté (…) consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point, elle est la même, ou elle est autre  ; il n’y a point de milieu ». Une telle fermeté sur les principes peut prêter aujourd’hui, particulièrement en période électorale, à des raccourcis et à des caricatures. Jean-Paul Jouary en est bien conscient et affronte le problème. En replaçant le propos de Rousseau dans son contexte, il nous invite à le saisir non comme modèle, mais comme opportunité d’une réflexion renouvelée sur le rapport au politique et le contenu d’une citoyenneté authentique. Est-on citoyen seulement le temps d’une élection  ? Et gouverner, est-ce décider à la place du peuple  ? Persécuté de son vivant parce qu’il osait soutenir que l’inégalité est un produit de la civilisation, donc susceptible d’être défait, Rousseau pourrait bien nous aider aujourd’hui à réinscrire l’ambition d’égalité (indissociable, chez lui, de celle de liberté) au cœur du débat politique. Ce livre de Jean-Paul Jouary, à sa manière, y contribue déjà.

Laurent Etre, L’Humanité


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