Nous sommes dans un moment crucial. À six mois du scrutin de la présidentielle et des législatives françaises, l’heure est venue de l’entrée en action de toutes celles et tous ceux qui, au sein de la gauche, veulent se hisser à la hauteur de circonstances exceptionnelles, répondre aux attentes et aux intérêts du plus grand nombre, ouvrir la voie d’une alternative sociale, écologique et démocratique.
La spéculation financière ne cesse de rebondir et de prendre l’Europe en otage. La voracité sans limites des banques et des fonds d’investissement, les diktats des agences de notation à leur service n’ont pour effet que d’amener une récession planétaire, d’accroître ainsi le poids de la dette sur les États, de plonger dans le chaos des pays soumis au même pillage que la Grèce, voire de provoquer l’éclatement de la zone euro.
Partout, la colère croît en proportion des attaques dévastatrices subis par les peuples. Mais, en l’état, elle ne peut s’appuyer sur l’existence de projets et propositions politiques de nature à dynamiser les mobilisations et à faire renaître des perspectives crédibles de changement politique et social.
Le régime de Nicolas Sarkozy subit des désaveux en série, comme l’illustre le basculement à gauche du Sénat. Il ne s’en inscrit pas moins dans la logique de destruction des droits sociaux et des conquêtes démocratiques qui prévaut dans toute l’Union européenne, sous l’égide du « Pacte pour l’euro » et de l’ultralibéral traité de Lisbonne. Sous prétexte de « règle d’or » et de gages donnés aux agences de notation, il intensifie la rigueur budgétaire, taille dans les dépenses sociales, casse les derniers services publics, étrangle la protection sociale. Au nom d’un prétendu fédéralisme européen, qui entend en réalité soumettre les décisions des Parlements et des gouvernements nationaux aux injonctions de la Commission et du Conseils européens, il s’emploie à vider de toute substance le principe de souveraineté populaire et le vote des citoyens. En vertu des sacrifices qui s’imposeraient à la société française, il souffle sur les braises du racisme et creuse les discriminations, se lançant dans une folle concurrence avec la démagogie du Front national. Il est prêt à toutes les provocations pour sortir vainqueur de l’affrontement de mai prochain.
À leur manière, par la forte participation qu’elles ont connue en dépit d’enjeux résumés à un choix de personnes entre les divers prétendants socialistes à l’élection présidentielle, les « primaires » ont vu s’exprimer un profond désir de politique et une attente de démocratie que quatre ans de sarkozysme ont cyniquement piétinés. Elles ont mis en évidence une volonté d’implication des citoyens dans le débat public, une aspiration à en finir avec dix ans de droite et, plus encore, à voir la gauche aller réellement vers la gauche. Mais la désignation du candidat qui portera les couleurs du Parti socialiste ne fait ni un programme, ni une dynamique de rassemblement à même de faire renaître l’espoir parmi les victimes de la course au profit. D’autant que François Hollande, à rebours du souci de confrontation avec le pouvoir de la finance que des centaines de milliers de votants ont exprimé, par exemple en apportant leurs suffrages à Arnaud Montebourg, multiplie les déclarations faisant de la réduction des déficits publics sa priorité. Dit autrement, il appelle par avance à se résigner à une austérité de gauche qui corrigerait aux marges celle que la droite met en œuvre depuis trop longtemps.
Pour affronter les périls générés par la tornade financière, pour tourner la page d’un sarkozysme qui s’affiche sous les traits d’une droite « décomplexée », la gauche ne peut se contenter de demi-mesures ou verser de nouveau dans un social-libéralisme qui a partout abouti à des défaites calamiteuses. Elle ne peut s’engager sur la voie sans issue qu’ont déjà emprunté MM. Papandréou ou Zapatero en Grèce ou en Espagne. Au contraire, face aux désastres qui pointent à l’horizon, elle ne sera elle-même que si elle sait faire preuve d’audace et de détermination, si elle ose s’attaquer résolument à la racine du capitalisme, si elle se tourne vers les classes populaires afin de se faire l’écho de leurs préoccupations, si elle s’appuie sur les mobilisations du mouvement social. Telle est la condition de la victoire, d’une victoire durable, en 2012. Tel est le seul moyen de briser les menées d’une extrême droite qui cherche à dévoyer l’exaspération du pays.
Il faut desserrer l’étau des banques et des marchés financiers, donc refuser l’austérité par laquelle ils veulent saigner à blanc les peuples. Il faut reprendre la main sur l’économie et la réorienter au service des besoins sociaux et d’un développement écologiquement soutenable, placer les grandes banques sous le contrôle de la collectivité et créer un grand pôle financier public associé au redéploiement du service public. Il faut agir prioritairement contre l’insécurité sociale, pour l’emploi, les salaires, la santé, et à cette fin opérer une redistribution radicale des richesses. Il faut sortir des règles étouffantes du traité de Lisbonne, condition d’une refondation de l’Europe par et pour les peuples. Il faut arracher le pouvoir à l’oligarchie, rétablir la souveraineté populaire, garantir de nouveaux droits d’intervention et de contrôle au monde du travail, instaurer une VI° République démocratique et sociale.
Voilà des urgences à partir desquelles le Front de gauche a pour mission de hisser la gauche à la hauteur de ses responsabilités. C’est pour qu’elles soient demain au centre de la politique mise en œuvre par une majorité et un gouvernement de gauche qu’il a décidé d’agir et de faire converger toutes les forces disponibles. Avec l’ensemble de celles et ceux qui partagent ses préoccupations et approuvent sa démarche… Quels que soient leurs préférences politiques d’origine et leurs engagements militants…
Le débat à gauche ne s’est pas clos avec les « primaires ». Les aspirations à la démocratie et au renouveau des pratiques politiques, telles qu’elles montent de la société, ne peuvent être étouffées par le présidentialisme qu’encourage la V° République et que Nicolas Sarkozy a porté à son paroxysme. Elles ne peuvent trouver place dans le bipartisme grâce auquel d’aucuns espèrent cadenasser la vie publique. Plus que jamais, les citoyens et les électeurs de gauche doivent être rendus juges des bases sur lesquelles ils souhaitent voir demain le pays gouverné. C’est une grande confrontation populaire, réunissant militantes et militants politiques, acteurs et actrices du mouvement social, hommes et femmes désirant prolonger leurs résistances quotidiennes et travailler au changement indispensable, qui doit voir le jour.
Par cette confrontation programmatique à gauche, nous visons à y faire reculer les orientations du fatalisme et du renoncement, à proposer son rassemblement autour de propositions de rupture et d’alternative aux politiques libérales, à transformer ainsi les rapports de force au sein de la gauche, pour que la défaite de Sarkozy soit aussi celle de sa politique et que puisse être ouverte la perspective d’une majorité et d’un gouvernement déterminée à affronter les spéculateurs et à répondre aux aspirations populaires.
C’est le sens de « l’offre publique de débat » que le candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, a adressée aux autres composantes de la gauche, du Parti socialiste et d’Europe écologie au NPA et à Lutte ouvrière. C’est pour nourrir cette large discussion que le Front de gauche s’est doté d’une proposition de programme, « L’Humain d’abord ! » Et c’est pour ouvrir, loin des tractations secrètes ou des arrangements de coulisses, un processus de clarification devant le pays et d’implication populaire, qu’il propose à celles et ceux qui y sont prêts, non seulement de réfléchir ensemble, mais de peser sur les engagements d’une gauche victorieuse en 2012. C’est à cette fin qu’il a appelé à la constitution d’assemblées citoyennes sur tout le territoire.
Gauche unitaire a été, avec le Parti communiste français et le Parti de gauche, à l’origine du Front de gauche en 2009, lequel s’est aujourd’hui élargi à d’autres composantes. Elle engage aujourd’hui toutes ses forces dans la bataille qui s’ouvre. Elle entend tout particulièrement travailler, en compagnie de ses partenaires, à donner aux assemblées citoyennes la plus forte assise possible, à convaincre toutes celles et tous ceux qui constatent à quel point la gauche se trouve devant des choix primordiaux d’investir ce processus destiné à changer la donne au sein de la gauche.
L’austérité et les dévastations d’un capitalisme cupide ne sont pas une fatalité. La gauche n’est pas inéluctablement condamnée à l’impuissance et au renoncement devant les puissances d’argent. Depuis 2005, tous les rendez-vous politiques et sociaux ont attesté que s’exprimait avec force en son sein la demande d’une politique ne se dérobant pas à la remise en cause d’un ordre économique aussi absurde qu’en faillite. Le seul vote utile, dans quelques mois, à la présidentielle et aux législatives, sera celui qui concrétisera cette réalité.
Tous et toutes ensemble, redonnons à la gauche ses couleurs, celles du combat pour la transformation sociale.
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