Premier couplet

Quand Renaud de guerre revint

Tenant ses tripes dans ses mains,

Sa mère était sur le créneau

Qui vit venir son fils Renaud.

Deuxième couplet

 Renaud, Renaud, réjouis-toi :

Ta femme est accouchée d’un roi !

 Ni de la femme ni du fils

Je ne saurais me réjouir.

Troisième couplet

Je sens la mort qui me transit.

Mère, faites dresser un lit,

Mais faites-le dresser si bas

Que ma femme n’entende pas.

Quatrième couplet

Guère de temps y demeurerai :

A la minuit trépasserai.

Et quand ce vint vers la minuit,

Le roi Renaud rendit l’esprit.

Cinquième couplet

 Dites-moi, ma mère, m’amie,

Que pleurent nos valets ainsi ?

 Ma fille, en baignant nos chevaux

Ont laissé noyer le plus beau.

Sixième couplet

 Dites-moi, ma mère, m’amie,

Pour un cheval pleurer ainsi ?

Quand le roi Renaud reviendra,

Plus beaux chevaux ramènera.

Septième couplet

 Dites-moi, ma mère, m’amie,

Qu’est-ce que j’entends cogner ainsi ?

 Ma fille, ce sont les charpentiers

Qui raccommodent le plancher.

Huitième couplet

 Dites-moi, ma mère, m’amie,

Quel habit prendrai-je aujourd’hui ?

 Prenez le vert, prenez le gris,

Prenez le noir pour mieux choisir.

Neuvième couplet

 Dites-moi, ma mère, m’amie,

Ce que ce noir-là signifie ?

 Femme qui relève d’enfant,

Le noir lui est bien plus séant.

Dixième couplet

Quand elle fut dans l’église entrée,

Le cierge on lui a présenté.

Aperçut en s’agenouillant

La terre fraîche sous son banc.

Onzième couplet

 Dites-moi, ma mère, m’amie,

Pourquoi la terre est rafraîchie ?

 Ma fille, ne vous le puis cacher :

Renaud est mort et enterré.

Douzième couplet

 Renaud, Renaud, mon réconfort,

Te voilà donc au rang des morts !

Renaud, Renaud, mon réconfort,

Te voilà donc au rang des morts !

Treizième couplet

Ma mère, dites aux fossoyeurs

Qu’ils fassent la tombe pour deux,

Et que l’espace y soit si grand

Que l’on y mette aussi l’enfant.

Quatorzième couplet

Terre, ouvre-toi, terre, fends-toi,

Que j’aille avec Renaud, mon roi !

Terre s’ouvrit, terre fendit,

Et si fut la belle engloutie.