Mondialisation Démondialisation 16 La démondialisation mérite mieux qu’un échange d’invectives par Jack Dion

mercredi 27 juillet 2011.
 

Depuis quelques temps, la « démondialisation » a surgi dans les débats publics et suscite de vives confrontations entre adeptes et détracteurs du concept. Jack Dion appelle à des échanges plus apaisés.

eut-on parler de certains sujets sans tomber dans une confrontation digne des Horace et des Curiace ? Au vu de ce qui se passe à propos de la « démondialisation », la question se pose, et pas seulement pour les détracteurs de ce concept encore récent.

En matière de refus du débat, les partisans du statu quo méritent le pompon. Il suffit de voir comment ont réagi l’élite politique et la crème journalistique pour apprécier leur art consommé de fermer une fenêtre avant même qu’elle soit ouverte. Au lendemain même du sondage publié par Marianne montrant le soutien majoritaire des Français à une forme de protectionnisme européen, on a entendu une petite musique inspirée de la formule utilisée par Nicolas Sarkozy au salon du Bourget : « La solution n’est pas le repli sur soi ou le protectionnisme, mais ce n’est pas non plus la naïveté ».

Mais à part le FN et quelques isolationnistes de la première heure, personne n’a suggéré le « repli ». Pour l’heure, jusqu’à plus ample informé, le débat porte sur l’opportunité de mesures de protection à l’échelle européenne. Mais les défenseurs de la « mondialisation heureuse » chère à Alain Minc n’en ont cure. Pour eux, il faut absolument laisser croire que toute critique de la mondialisation néolibérale débouche illico presto sur le souverainisme, le nationalisme, et la main tendue au FN.

C’est déjà ce que l’on avait entendu en 2005 à l’occasion du référendum sur le Traité Constitutionnel européen. Depuis, fort heureusement, l’eau a coulé sous les ponts et certains Ouiouistes béats de l’époque ont fait amende honorable, ce qui est tout à leur honneur. On n’en dira pas autant de Jean-Michel Apathie, d’Alain Duhamel et de quelques autres, qui persistent dans une forme de chasse aux sorcières empêchant tout débat serein et constructif.

De ce point de vue, le rôle joué par Le Monde mérite d’être souligné. Ce journal a commencé par rendre compte du sondage sur le protectionnisme européen, mais en le complétant par une interview de Charles Wyplosz, professeur d’économie internationale au Graduate Institute de Genève. A l’en croire, le protectionnisme est « le mal absolu ». Et toc. Circulez, y’a rien à voir. Le lendemain, Le Monde publiait une interview d’Eric Besson, ministre de l’Industrie, reprenant la même antienne, au cas où l’on n’aurait pas compris.

Enfin dans le numéro du 21 juin, Gérard Courtois, éditorialiste du Monde, rend compte du débat sur le protectionnisme pour conclure : « Laisser entendre que…la France devrait avoir le courage de donner l’exemple revient, qu’on le veuille ou non, à se situer très exactement sur le terrain du Front national. Lequel ne demande qu’à profiter des indignations et révoltes du moment. Mieux vaut y prendre garde ». Confidence pour confidence, mieux vaudrait prendre garde à ne pas se servir du chantage au FN pour interdire toute confrontation intellectuelle, car c’est le meilleur cadeau à faire à Marine Le Pen.

Certains des adeptes de la « démondialisation » ne font pas non plus dans la nuance. Les responsables d’Attac en savent quelque chose. Certains d’entre eux ont publié un texte commun, dans Le Monde et sur Mediapart, pour s’inquiéter du glissement de la notion d’altermondialisme à celle de démondialisation, qui n’est pas sans poser problème. Ils l’on fait avec une allusion regrettable au FN, c’est entendu. Mais ce n’est pas une raison pour les traiter comme des pestiférés et écrire, à l’instar de Jacques Sapir : « L’histoire se remet en marche. Les auteurs du texte publié par Mediapart ont abdiqué l’ambition ou la volonté d’en être les acteurs. Ils finiront dans les poubelles ». Laissons ce genre de vocabulaire aux staliniens d’antan ou à leurs faux frères trotskistes. Le débat ne s’en portera que mieux.

On ne peut en effet ramener l’enjeu de la sortie du néolibéralisme à la seule question du protectionnisme européen, aussi nécessaire soit-il (et il l’est). Il est tout aussi important de s’interroger sur le rôle des banques et des puissances financières, sur la dérèglementation généralisée (qui a commencé avant le boom de la Chine), sur le contrôle des mouvements de capitaux, sur le partage de la valeur ajoutée entre capital et travail, sans oublier les tensions à l’intérieur même de l’Europe, avec notamment le rôle de l’Allemagne, qui a elle-même recours au dumping salarial et fiscal via les délocalisations dans les pays de l’Est européen.

Sur tous ces sujets, on ne s’en sortira pas avec une formule miracle, aussi pertinente soit-elle. Encore faut-il accepter de s’écouter mutuellement, de ne pas caricaturer les positions des uns et des autres, et d’éviter les anathèmes définitifs. Si les échanges verbaux en restent au niveau actuel, il sera difficile de faire pire.


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