Combattre la mondialisation néolibérale : Une dangereuse contradiction pour les forces progressistes

mercredi 9 juillet 2008.
 

par Henri Sterdyniak, coanimateur des Économistes atterrés.

La mondialisation commerciale fait des gagnants et des perdants. Les grandes entreprises multinationales mettent en concurrence les travailleurs et les pays du monde entier, produisent où les coûts de revient sont les plus faibles, transportent à bas coût les marchandises d’un point à l’autre de la planète, réclament de ne pas payer d’impôts. De nombreux emplois stables et relativement bien payés disparaissent des pays développés. Cela a des conséquences désastreuses au niveau écologique, social (la précarisation de nombreux salariés) et économique (les inégalités de revenus se développent, les entreprises délocalisent leurs projets d’investissement, la demande stagne dans les pays développés). En même temps, la mondialisation commerciale fournit une stratégie gagnante aux pays émergents qui peuvent croître rapidement en s’insérant dans les échanges mondiaux, en utilisant leur avantage comparatif (leurs bas salaires), en produisant pour exporter, d’abord des produits bas de gamme à fort contenu en main-d’œuvre, en sous-traitance si nécessaire, puis grâce aux ressources obtenues par les exportations, en montant en gamme et en concurrençant leurs anciens donneurs d’ordres. C’est l’exemple qu’ont donné la Corée jadis, la Chine naguère, le Vietnam maintenant.

De ce point de vue, le protectionnisme des pays du Nord apparaît comme un crime contre le développement des pays du Sud. Et l’expression de «  protectionnisme solidaire  » recouvre une dangereuse contradiction si elle vise à empêcher des exportations des pays du Sud. On ne peut imposer de lourds droits de douane aux pays du Sud pour compenser leurs bas salaires ou leur absence de droits sociaux, même en prétendant leur restituer les fonds ainsi obtenus puisque ces droits réduiraient fortement leurs exportations (de sorte que les fonds dégagés seraient faibles), puisque les pays du Sud veulent produire (et non bénéficier d’aides des pays du Nord).

Les forces progressistes doivent gérer les contradictions d’intérêts entre les travailleurs des pays du Nord et ceux du Sud, ce qui n’est pas simple. Il est légitime que les pays émergents se développent en utilisant à court terme le bas coût de leur main-d’œuvre, en protégeant leurs industries naissantes, en ne respectant pas les droits de propriété intellectuelle. Mais ce développement ne doit pas servir à accumuler des richesses financières. Leurs travailleurs doivent progressivement bénéficier de la croissance de leur pays, leurs salaires doivent augmenter  ; leur protection sociale doit se développer  : la demande intérieure doit remplacer la demande extérieure. Ce mouvement doit résulter des combats des travailleurs de ces pays. Il ne faut pas chercher à l’imposer et à l’accélérer par des menaces extérieures. Par contre, il faut dénoncer les pays, développés ou émergents, qui accumulent des excédents extérieurs et déstabilisent l’économie mondiale.

En sens inverse, il est légitime que les pays d’Europe trouvent et protègent leur place dans la future division internationale du travail. Ils doivent déclarer que certains secteurs sont du domaine des services publics et échappent à la libéralisation (Sécurité sociale, éducation, services publics). Ils doivent conserver le droit de protéger certains secteurs jugés vitaux (culture, agriculture…). Les secteurs porteurs d’avenir, innovants, s’inscrivant dans la transition écologique, doivent pouvoir bénéficier d’aides publiques. Dans une perspective de moyen terme, où les coûts du transport seront élevés, où les salaires des pays émergents auront convergé, les pays développés doivent conserver leur savoir-faire dans les industries dont ils auront besoin à l’avenir. Ils doivent vouloir et pouvoir taxer les gagnants de la mondialisation (les entreprises multinationales, les plus riches) pour aider les perdants.

Les pays développés et les pays émergents doivent s’engager à fond dans la transition écologique, mais celle-ci ne peut servir de prétexte à des mesures protectionnistes qui iraient au-delà de la nécessité de faire payer le carbone à son prix et de protéger les politiques environnementales.

Dans les années à venir, la coopération internationale devrait se développer pour lutter contre le changement climatique, pour organiser la régulation financière, pour lutter contre les paradis fiscaux et réglementaires, pour gérer les taux de change et l’équilibre macroéconomique mondial. Des mesures protectionnistes unilatérales ne vont pas dans le bon sens.


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