Sondage Le Pen en tête : Une grossière campagne d’affolement pour faire baisser les têtes

dimanche 13 mars 2011.
 

Je ne minimise pas le danger que représente le Front national. Je ne sous estime pas non plus la grande porosité qui existe à présent entre un électorat de droite déçu par Nicolas Sarkozy et celui des Le Pen père et fille. Ceux qui me connaissent savent que c’est tout le contraire. Je suis intervenu sur ce point lors du dernier congrès du PG. Je travaille et j’écris régulièrement sur le sujet depuis près de 15 ans. Avec mon camarade François Delapierre , aujourd’hui principal dirigeant du PG après Jean-Luc Mélenchon, j’ai écrit un petit livre en 1998 qui se nommait « Un apartheid à la française : 10 réponses à la préférence nationale » (Editions Bérénice). Donc, pas de faux débats. La fondation du PG et du Front de Gauche viennent du diagnostic que notre pays est gravement secoué par la brutalité des coups portés par le pouvoir sarkozyste et que colère et dégoût montent dans les profondeurs de notre peuple. Dans ce contexte nauséabond, dans lequel le procès Chirac n’ajoute rien de bon, le Fn n’a aucune raison de reculer. D’autant qu’il est présenté avec complaisance comme la principale force opposée au système. Mais, sérieusement, le FN est il en capacité de prendre le pouvoir en 2012 ? Est-il la première force électorale ? Est-il dans une phase de progression "irrésistible" ? Personnellement, je ne le crois pas.

Aussi, le sondage publié ce week-end par Le Parisien , qui place Marine Le Pen en tête du premier tour, n’est pas une étude sérieuse rendant compte finement de la situation. C’est tout l’inverse. Il est lui même un des acteurs majeurs de cette bataille politique. Il participe et envenime la crise. C’est sa principale raison d’être. Il veut affoler et ainsi bouleverser le champ politique. A sa lecture, le réflexe l’emporte sur la réflexion. La première règle est donc de garder son sang-froid et de ne surtout pas l’observer comme un objet "neutre" aux vertus scientifiques.

On s’étonnera déjà d’un sondage à propos d’un scrutin qui aura lieu dans 15 mois, alors qu’aucune étude n’a été faite sur l’élection qui aura lieu dans 15 jours ! Il a été réalisé « on line » (c’est à dire par internet, cela coûte moins cher, mais c’est moins fiable), avec des gens qui sont rémunérés pour y participer, généralement 2,37 euros ou par l’obtention d’un lot si ils sont allés jusqu’au bout des questions… Plus de moitié des participants reconnaissent répondre de façon fantaisiste uniquement pour obtenir leur récompense. Puis, les résultas sont « redressés », c’est-à-dire qu’ils sont « corrigés » et donc modifiés. Avec quels critères ? De combien ? Mystère. Les dirigeants de la boîte de sondage (appelée pompeusement « Institut ») refusent de répondre. C’est pourquoi il faut une loi qui oblige notamment de rendre public la méthode utilisée et qui interdise les rémunérations des "sondés".

A l’arrivée, le but est de faire baisser la tête à tous ceux qui veulent résister et de marteler (et certains ont déjà commencer) que seul le « vote utile » pour l’un des « grands » partis est à présent légitime. Le Fn joue donc à plein son fonction « d’idiot utile » pour la bipolarisation de la vie politique. C’est le molosse des puissants pour faire peur à tous ceux qui voudraient prendre leur distance avec le troupeau.

La consigne doit donc être claire. Non à l’enfumage ! Résistons. Et le désenvoûtement idéologique contre ce que l’on veut nous imposer passe par un impératif : refuser la dictature des sondages. Cette fois-ci, ils sont aller trop loin, et même les instituts concurrents reconnaissent publiquement que ce résultat est bidon et qu’il décrédibilisent toute la profession (cf. Libération d’hier). Faites passer donc le message autour de vous. Populariser des expressions comme "hâbleur comme un sondeur", "tricheur comme un institut de sondage" etc... Pour connaître la réalité de la situation il faudra lire avec attention les résultats du premier tour de l’élection cantonale du 20 mars. D’ici là, faisons campagne, expliquons nos propositions, gardons le cap.

Je profite de l’occasion pour republier une courte tribune déjà publiée dans l’Humanité il y a quelques semaines, à l’occasion d’une double page sur le Front national. Je reviens dans mon prochain billet sur tout cela. D’ici là, comme beaucoup de mes camarades du secrétariat national, je fais campagne. Prochainement, j’irai à Belfort, Cherbourg, Romainville, … une élection, c’est toujours une belle occasion de parcourir la France.

Contre le FN, il faut utiliser l’arme de la raison, de l’argumentation politique

( l’Humanité du 21 janvier 2011 )

La simple dénonciation morale déconnectée de la critique sociale est une digue de sable fin qui disparaît à la première vague. Faite souvent avec maladresse, elle se révèle même contre productive. Affronter le Fn impose essentiellement que la gauche assume sa raison d’être et combatte le désordre libéral. Sans quoi l’extrême droite semble avoir le monopole de la contestation du système. Apparence paradoxale puisqu’en réalité, elle le maintient encore debout, dans un premier temps en incarnant un repoussoir qui conduit les électeurs inquiets à la résignation, et peut être demain en maintenant l’ordre injuste avec une poigne de fer.

Allons à l’essentiel. La gauche doit lutter pour une autre répartition des richesses. Il faut reprendre au capital pour redistribuer vers la grande majorité. Ne soyons pas hypocrites, tout le monde à gauche ne partage pas ce jugement. L’évolution social-libérale du PS est la principale responsable de l’impuissance à faire reculer le FN. En acceptant, comme le demande M. Strauss-Kahn, que nous abandonnions notre souveraineté budgétaire, en disant oui à l’évolution libérale de l’UE, en méprisant le vote NON de 2005, en réclamant l’allongement de la durée de cotisation pour la retraite, en piétinant régulièrement la laïcité pour lui préférer un clientélisme communautaire, le PS créé autant de brèches qui entament la crédibilité de la gauche au sein du peuple.

Face au Fn, les muscles atrophiés de la « gauche raisonnable et gestionnaire » ont perdu d’avance le bras de fer. La crise qui secoue le monde sonne l’heure des caractères forts. Arrêtons de perdre du temps.A présent, redressons la tête, l’existence du Front de Gauche, qui conteste désormais aux socialistes la direction de la gauche, change la donne.

Notre objectif est de chasser la droite du pouvoir et le Fn, lui, est une fausse opposition. Dans le programme de 2007, dont la Directrice stratégique était déjà Marine Le Pen, le Fn se prononce pour allonger la durée de cotisation et pour la retraite à 65 ans, pour la baisse des dépenses publiques et la suppression de 20 000 postes dans l’Education nationale, pour "travailler plus pour gagner plus", etc. Bref, le programme économique de Sarkozy.... en pire. Concernant la laïcité, le Fn en est le pire ennemi. Il vote avec enthousiasme des subventions pour les écoles et associations confessionnelles, est favorable aux processions religieuses, s’affiche avec des signes religieux sur son matériel de campagne, et attaque ensuite nos concitoyens musulmans. Or, la laïcité doit s’appliquer avec la même fermeté pour tous.

Enfin, si le danger Fn est réel, et les sondages inquiètent, je ne suis pas dupe sur la campagne d’affolement actuellement menée dans le seul but d’appeler au "vote utile" dès le premier tour. Pas sûr que Mme Le Pen suscite réellement une poussée électorale vers elle. Lors des dernières élections européennes et régionales, dans sa région du Nord, les listes qu’elle conduisait étaient en recul par rapport aux précédents scrutins. Au Congrès, 10 000 adhérents ont voté pour elle, alors que ce parti a compté près de 40 000 membres.

Contre le Fn, il faut donc utiliser l’arme de la raison, de l’argumentation politique. Seul un Front de gauche social, laïque, écologique, peut être à la hauteur.


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