10 décembre 2006 Mort d’Augusto Pinochet, dictateur du Chili
A) Volonté populaire chilienne contre projets fascistes américains
B) Le coup d’état fasciste du 11 septembre 1973
C) Le Chili de Pinochet de 1973 à 1990
D et E) Chili : un peu de lumière sur les détenus-disparus
Dans ces années 1965 1980, les USA sont décidés à maintenir les profits de leurs multinationales même si cela doit passer par l’instauration de dictatures fascistes. Les richesses minières font par exemple du Chili une poule aux oeufs d’or pour les golden boys de Washington. Aussi, le Pentagone entretient des relations suivies avec les généraux de ce pays pour empêcher toute autre politique ; ils élaborent ensemble le Contingency Plan.
11 septembre 1973 au Chili : Chronique d’une tragédie organisée au Pentagone
Concernant l’attitude des pouvoirs étatsuniens en Amérique du Sud, John Perkins a apporté un témoignage utile :
Lorsqu’un président socialiste est élu en 1970 au Chili, plusieurs multinationales américaines comme l’International Telegraph & Telephone ainsi que le gouvernement lui-même des Etats Unis se démènent pour empêcher son entrée en fonctions :
Durant trois ans, la gauche réalise un travail considérable en mettant peu à peu les richesses du pays au service de son peuple : nationalisation des banques, des principales industries (cuivre, mines de fer et de salpêtre, ciment, métallurgie), redistribution du pouvoir d’achat en faveur des plus pauvres, réforme agraire, réforme de la Constitution.
Salvador Allende avait été élu le 4 septembre 1970 avec 36,3 % des voix face à une droite divisée. Les élections législatives d’avril 1973 donne plus de 44% aux candidats de l’Unité Populaire et l’extrême gauche progresse rapidement. Ce processus démocratique et social en cours de réussite pousse les trois déchets chiliens des USA (armée, patronat, droite) à déstabiliser sans cesse le gouvernement puis déclencher un coup d’état suffisamment sanglant pour laisser la gauche affaiblie durant un demi-siècle.
Les dirigeants états-uniens organisent le boycottage, ils programment un plan destiné à provoquer le chaos économique. Le président Nixon veut faire « crier » l’économie chilienne, et donne l’ordre de mettre fin à toute assistance économique. L’agression de la droite (Parti national) et de l’extrême droite, la chute brutale des cours mondiaux du cuivre, la stratégie de sape de la démocratie-chrétienne aggravent les tensions. L’armée, dans un premier temps, confirme son légalisme, que symbolisait le général Pratts, commandant en chef, avant sa démission et son remplacement par Pinochet. Tenu pour « loyal » à Allende, le général, lisse et terne, se mue en traître.
Le 11 septembre 1973, l’armée commandée par Augusto Pinochet renverse le gouvernement d’Unité Populaire dirigé par le président socialiste élu Salvador Allende.
11 septembre 1973 au Chili : Récit du coup d’Etat minute après minute
11 septembre 1973 "Je paierai de ma vie la loyauté du peuple" (Salvador Allende)
Chars et automitrailleuses imposent leur froide terreur. Des centaines de militants politiques et syndicalistes sont aussitôt abattus. Des dizaines de milliers de Chiliens sont parqués dans les stades de football ou enfermés dans des bâtiments transformés en centres de torture (4500 dans la "villa Grimaldi" où au moins 226 personnes "disparurent"). Les livres "subversifs" sont brûlés en place publique.
Exécutions sommaires, torture systématique des détenus, internements, les premières heures qui suivent le coup d’État sont effroyables. Environ 150000 Chiliens seront arrêtés (dont la moitié sans appartenance politique précédente), 100000 torturés (27500 recensés officiellement), plusieurs centaines de milliers condamnés à l’exil. Comment vivre dans un pays lorsqu’une unité militaire héliportée frappe d’un jour à l’autre tel ou tel bourg ? Dès octobre 1973, la "caravane de la mort" parcourt le pays pour enlever et exécuter des centaines d’opposants.
Pour se faire une idée de la répression ignoble engagée par l’armée contre les militants de gauche, lire les deux parties ci-dessous D et E Chili : un peu de lumière sur les détenus-disparus
De 1973 à 1990, le Chili devient un "modèle" économique du libéralisme ( privatisations, restriction des droits des salariés, blocage du pouvoir d’achat...) et "modèle" de dictature militaire. Les partis sont dissous, la liberté d’expression et le droit de réunion supprimés, l’économie totalement privatisée sous l’impulsion des Chicago Boys adeptes de l’ultralibéralisme. Dix-sept ans durant, Pinochet, avec l’appui de la police politique, la Dina (ensuite la CNI), s’impose en dictateur fasciste.
En lien avec l’administration américaine, la CIA et d’ex militaires français des "colonies", le Chili de Pinochet, le Paraguay de Stroessner et l’Argentine de Videla mettent en application un plan de liquidation physique de la gauche latino-américaine : c’est le Plan Condor. La DINA (services secrets chiliens) réussit même à tuer le dirigeant socialiste de l’opposition en faisant exploser sa voiture à Washington.
Au Chili même, la terreur continue pendant 17 ans. Ainsi, parmi les cas où l’armée a laissé quelques traces :
14 paysans sont enterrés dans des fours à chaux à Lonquen
en 1985, le dirigeant syndical Jimenez Tucapel est retrouvé égorgé de même que trois personnalités communistes ( le sociologue Jose Manuel Parada, le professeur Manuel Guerrero, le dessinateur Santiago Nattino)
le photographe Rodrigo Rojas meurt brûlé vif le 2 juillet 1986 après avoir été aspergé d’essence par une patrouille militaire.
l’armée met en oeuvre des plans de liquidation comme l’"opération Colombo" en 1975 (119 meurtres) et l’"opération Albanie" en 1987.
Parmi les personnes mortes ou disparues recensées : 17,8% appartenaient au Parti Socialiste et 15,5% au Parti Communiste. Le Mouvement de la Gauche Révolutionnaire (MIR) a subi une liquidation systématique ; peu nombreux, il représente 16,9% des disparus.
Après avoir été obligé de se retirer en 1990, Augusto Pinochet va vivre richissime ( des dizaines de millions de dollars placés à l’étranger grâce entr’autres à l’industrie et vente de cocaïne développées par l’armée) et sénateur à vie pendant 17 ans. Comment a-t-il pu échapper à la justice ? Il est évident que les Etats Unis et les gouvernements sociaux-libéraux ne le souhaitaient pas. Arrêté sur commission rogatoire internationale pour meurtres, actes de torture et enlèvements, il est libéré par le gouvernement de Tony Blair car son procès " ne saurait être équitable en raison des carences de mémoire dues à des dommages cérébraux consécutifs à des attaques cardiaques". De retour au Chili le lendemain, Pinochet se lève de son fauteuil roulant, marche seul, parade devant ses partisans et les télévisions du monde entier.
Pinochet n’a jamais été jugé
Pinochet est mort en 2006 sans avoir été jugé pour ses crimes. Au moment de son retour à Santiago, après avoir été détenu à Londres, 60 plaintes avaient été déposées contre lui par les familles de victimes de la dictature. Lorsqu’il meurt, il en existait plus de 400, notamment pour disparitions forcées, tortures, séquestrations d’enfants et homicides aggravés. Sur 700 anciens militaires, policiers et cadres de la dictature qui ont été condamnés pour des crimes contre l’humanité commis entre 1973 et 1990, seuls 70 demeurent en prison, les autres ayant obtenu des remises de peine ou étant décédés. La justice chilienne a rouvert l’enquête sur 725 cas qui n’ont jamais été traités dont celui concernant la mort de Salvador Allende. Son corps a été exhumé en mai pour autopsie et les experts médicaux ont confirmé la thèse du suicide. La justice doit également enquêter, à la demande du Parti communiste chilien, sur la mort en 1973 du poète Pablo Neruda, douze jours après la disparition d’Allende.
Cette tragédie pose de nombreuses questions pour des militants politiques qui essaient de tirer le bilan des expériences humaines, au moins une pour ne pas être trop long :
comment le gouvernement de gauche chilien a-t-il pu faire confiance à un militaire fascisant comme Pinochet ? De 1939 à 1945, il avait déjà dirigé un centre de torture à Iquique dans le Nord du Chili où une centaine de militants de gauche avaient disparu.
Jacques Serieys
http://www.legrandsoir.info/article...
On y retrouve les noms de quelques uns des 17 inculpés d’aujourd’hui par la justice française (Contreras, Espinoza, Krasnoff, Moren) pour la torture et l’assassinat de quatre ressortissants français.
Voici la traduction intégrale d’un article paru dans « La Nación » du 25 novembre 2003, où est relatée d’une manière macabre, mais précise, la façon dont les agents de la DINA (police politique de Pinochet) se débarrassaient des opposants politiques sous la dictature. Les mêmes méthodes ont été employées en Argentine sous Videla et compagnie. Ça se sait depuis longtemps. Mais au Chili, c’est un fait nouveau. Pour aller jusqu’au bout de l’horreur, en bas de page se trouve le lien de l’article original où des dessins expliquent comment cela se passait, avec une carte qui permet de situer les différents endroits cités.
LE DESTIN DES DÉTENUS - DISPARUS DE LA DINA DANS LA RÉGION MÉTROPOLITAINE
Les Anges de la Mort
Une enquête exhaustive et longue du juge Guzmán et de son équipe de détectives du Département V a réussi à dévoiler le secret le mieux gardé par la DINA : le destin de ses détenus - disparus dans la Région Métropolitaine. L’opération systématique fût réalisée par les pilotes et les mécaniciens des hélicoptères Puma du Commando d’Aviation de l’Armée de terre entre les années 1974 et 1978.
Jorge Escalante.
Les mollets et les pieds dépassaient des sacs de pommes de terre. On voyait les chaussures à talons, hauts et bas des femmes. Quelques fois, le bout de la jupe dépassait. On voyait les chaussures et l’extrémité des pantalons des hommes. Chaque sac contenait un corps attaché avec du fil de fer à un morceau de rail. Certains corps avaient encore du sang frais. D’autres rejetaient l’odeur de la première décomposition. D’autres sacs étaient imprégnés d’huile humaine, signal que les cadavres étaient restés enterrés quelque temps. Quelques sacs, les moins nombreux, n’avaient pas la forme d’un corps mais étaient d’une taille plus réduite, avec seulement une partie des restes.
Il y a eu au moins 40 voyages. À chacun d’eux, de 8 à 15 sacs montèrent à bord des hélicoptères Puma. Des 12 mécaniciens de l’Armée de terre qui ont finalement reconnu les opérations, chacun a au moins fait un voyage. Dans quelques cas, il y en eût deux, trois, ou plus. Il y a d’autres mécaniciens qui ont participé aux opérations mais qui le nient encore. Le secret a été gardé pendant presque 30 ans par les pilotes et mécaniciens du Commando d’Aviation de l’Armée de terre (Comando de Aviación del Ejército CAE ), organisme responsable de l’opération. Au début, tous ont nié, plusieurs fois. Les pilotes nient encore aujourd’hui. Mais les mécaniciens ont rompu le serment scellé avec le sang des autres. Le juge Guzmán et les détectives qui l’ont assisté ont tiré le bout du fil et ont enquêté, silencieux et patients, pendant plus d’un an, dans le cadre du procès de la disparition de la dirigeante communiste de la rue Conferencia (Marta Ugarte).
Intégrer les détails des vols de la mort surprend. Voici enfin la réponse, détaillée, et cette fois racontée de l’interieur, du destin des prisonniers de la DINA à Santiago. Il y eût entre 400 et 500 corps jetés à la mer lors de ces opérations, principalement menées entre 1974 et 1978, bien qu’elles auraient aussi eu lieu dans les dernières semaines de 1973. Le rapport des Forces Armées qui est né de la Table Ronde sur les Droits de l’Homme en janvier 2001, avec l’information sur le destin de 200 détenus - disparus (49 sur terre et 151 à la mer), a consigné à peine 29 cas attribués à la DINA. De ceux-ci, seulement 23 apparaissent comme lancés à la mer. A la Table Ronde, l’Armée commandée alors par le général Ricardo Izurieta a affirmé qu’elle ne possédait pas plus d’information. En accordant le bénéfice du doute, l’Armée de terre n’a pas réussi à rompre le secret des assermentés. Mais elle ne l’a pas fait non plus jusqu’à aujourd’hui. Les chiffres officiels du rapport Rettig et des organismes qui ont suivi indiquent que les disparus de la DINA dans la région métropolitaine entre 1973 et 1975, furent au nombre de 590.
MAMO (surnom donné à Manuel Contreras) A RAISON
Finalement, la vérité a été confirmée. Les exécuteurs l’ont confirmé, ou une partie d’entre eux. Comme cela arrive dans d’autres cas effrayants, comme les exécutés de la Moneda à Peldehue, ceux qui ont parlé sont ceux d’en bas, pas les officiers supérieurs. Les mécaniciens sont tous des sous-officiers aujourd’hui à la retraite.
Il faut admettre que l’ancien chef de la DINA, Manuel Contreras, avait pour une fois raison : « Il n’y a pas de détenus - disparus de la DINA, ils sont tous morts » a-t-il dit récemment à une journaliste de Canal Plus de la télévision française. Ce que Contreras n’a jamais reconnu, c’est que l’opération macabre et systématique de jeter les corps à la mer avait existé. Et que jamais elle n’a pu être planifiée seulement par celui qui fût le chef du Commando d’Aviation de l’Armée de terre entre janvier 1074 et décembre 1977, le Colonel Carlones Mardones Díaz. Il a été, avec quatre autres anciens pilotes du CAE, inculpé le vendredi 14 novembre 2003 par le juge Guzmán en qualité de complice et dissimulateur dans l’instruction sur la mort de Marta Ugarte. Le corps de cette dirigeante communiste fût le seul des victimes jetées à la mer, que les profondeurs de l’océan ont relaché et qui en septembre 1976 a échoué sur la plage La Ballena, près de la crique Los Molles dans la Vème région. Ce fût l’unique faille du système d’extérmination, la piste qui permettra de condamner les coupables aujourd’hui. Aucun autre corps jeté à la mer n’est réapparu. Le « coupable » de la fixation défectueuse du poids, qui a permis que le cadavre de Ugarte remonte à la surface et qui s’est transformé en une preuve fondamentale, est identifié et a confessé son erreur criminelle.
Mais Guzmán a inculpé aussi, pour ce cas, en qualité d’auteurs de séquestration et homicide, Contreras et son cousin, le brigadier en retraite Carlos López Tapia, qui en 1976, était le chef de la Brigade d’Intelligence Métropolitaine de la DINA et en même temps, chef de la Villa Grimaldi. Ce fût le principal centre clandestin de réclusion et de torture dans le pays, et de là, furent sortis la majeure partie des corps qui allaient à la mer. Le juge fût appuyé le vendredi 21 novembre 2003 par la cinquième chambre de la Cour d’Appel de Santiago, qui a confirmé les inculpations. Bien qu’elle ait rejeté celle du pilote Emilio de la Mahotiere « qui était en France » quand Marta Ugarte a disparu.
TOBALABA-PELDEHUE
L’Opération « Puerto Montt » (Code avec lequel on notait la liste des prisonniers qui seraient exécutés et lancés à la mer dans les centres clandestins de la DINA), eût un protocole de conduite qui s’est répété. Avant chaque vol, les mécaniciens recevaient l’ordre d’enlever les sièges du Puma (de 18 à 20), et le réservoir d’essence de secours. L’autonomie de vol de cet hélicoptère sans le 2ème réservoir est de deux heures et demie. Chaque voyage était ordonné par le chef du CAE au chef de la compagnie aéroportée de ce commando d’hélicoptères. Tous les vols étaient enregistrés.
Les machines partaient à chaque fois de l’aérodrome de Tobalaba dans la commune de La Reina, où a fonctionné le Commando d’Aviation de l’Armée de Terre durant ces années. L’équipage était composé d’un pilote, d’un copilote, et d’un mécanicien. Le vol démarrait en direction de Peldehue, à Colina. Une fois là, en zone militaire, ils descendaient et étaient attendus, normalement, par deux ou trois « camionettes » Chevrolet C-10, presque toujours blanches, dont la partie arrière était couverte d’une bâche. Deux ou trois agents civils étaient en charge de ces véhicules. Les civils enlevaient les bâches qui cachaient les corps empilés et les déchargeaient pour les mettre à l’intérieur de l’hélicoptère. Ensuite, le Puma repartait avec les civils à bord. Normalement, il se dirigeait vers la côte de la Vème région, et à la hauteur de Quintero, la machine prenait la direction de la haute mer à la hauteur de San Antonio ou Santo Domingo.
Arrivé à une distance appropriée, le pilote donnait l’ordre de décharger les corps. Le lancement s’effectuait au travers de l’écoutille d’un mètre carré environ, située au milieu de l’hélicoptère, où se trouve le crochet de charge qui descend à l’intérieur, à la hauteur du rotor principal. Mais la décharge se faisait quelques fois depuis une écoutille de poupe, d’1,80 mètre de haut sur 1 mètre de large. Les agents civils effectuaient le lancement et étaient responsables, non seulement d’emmener les corps à Peldehue et les mettre à l’intérieur de l’hélicoptère, mais aussi de vérifier que les sacs atteignaient bien le fond de la mer.
L’identité des corps jetés à l’océan lors de cette opération n’est pas établie, puisque les témoins disent qu’ils ne les ont jamais connus, sauf celle de Marta Ugarte. Ceux qui les connaissent, comme l’ancien chef de la DINA Manuel Contreras, nient que cette opération ait existé.
« ILS BRILLAIENT »
Les rails « coupés récemment, puisqu’ils brillaient des deux côtés », comme les a vu le Commissaire aux enquêtes et agent de la DINA, Nibaldo Jiménez Santibañez, garantissaient, en principe, que la preuve du crime irait avec le morceau de métal au fond de l’océan. Jiménez dit dans une de ses déclarations lors de la procédure, que quand il a demandé un jour à quoi servaient ces rails coupés en morceaux, on lui a répondu : « C’est pour les paquets ». Quand il a demandé « Quels paquets ? », il soutient qu’on lui a répondu : « Ceux qui s’en vont en morceaux tous les jours d’ici, un grand lot à la mer, ils les enveloppent dans un sac bien attaché avec du fil de fer, jettent le corps avec le rail, et avec le poids du rail, ils vont au fond ». Ce n’était pas les anciens prisonniers qui parlaient des rails, et pas seulement le champion de pêche sous-marine Raúl Chique, qui une fois dans les années 80 a déclaré à la presse qu’il avait vu des ossements dans les fonds sous-marins, en face de Pisagua, collés à des morceaux de rails. Dès lors les morceaux de voies ferrées devenaient une réalité dite par un des agents et qui le racontait à un juge.
Le Colonel en retraite Olapier Benavente Burdos n’était pas non plus devenu fou, quand le 24 juin 1999, il a déclaré à une entrevue pour « ’La Nación » que « le pilote de Pinochet, son chou-chou, Antonio Palomo », lui a raconté un jour d’été, quelques années après 1973 à Pelluhue, où tous les deux ont une maison de campagne, qu’il avait dû faire des voyages en pilotant un Puma pour lancer des corps à la mer. « Ils partaient de Tobalaba », a déclaré le Colonel en retraite Benavente que lui avait dit Palomo. C’était la première fois qu’un officier de haut rang en retraite, révélait une partie du secret. Mais cette fois, tout en restât là, seulement des déclarations. Les antécédents découverts aujourd’hui n’existaient pas. Bien sûr, Palomo a démenti les déclarations de Benavente quand le juge Guzmán l’a interrogé.
LE NETTOYAGE
Une fois accomplie chaque mission de vol, les hélicoptères revenaient à Peldehue à l’endroit où étaient stationnées les « camionettes » C-10. C’est ici que descendaient les civils, montaient dans les « camionettes » et partaient.
L’hélicoptère repartait et retournait à sa base du CAE à Tobalaba. Une fois la machine vidée de son équipage, les mécaniciens réalisaient l’opération de nettoyage du sol, qui la plupart du temps restait imprégné de sang avec une odeur de viande décomposée pénétrante. Ils passaient le sol et l’intérieur au jet et laissaient l’hélicoptère se ventiler. Quand l’odeur et le sang avaient disparu, les mécaniciens réinstallaient les sièges et le réservoir secondaire, sans savoir que le lendemain, cet hélicoptère devait accomplir une tâche similaire. Normalement, ce nettoyage n’était pas réalisé par les mêmes mécaniciens qui avaient participé au vol. Parmi les nettoyeurs, a figuré plus d’une fois E.A.O., le mécanicien personnel du Puma nº256 du Commandant en chef de l’Armée de terre, le général Augusto Pinochet. Bien que celui-ci soutienne dans l’enquête que « jamais », il ne lui a été donné de réaliser ces vols pour la haute mer. Son chef a été pendant de nombreuses années, le brigadier Antonio Palomo, aujourd’hui à la retraite.
« Quand on discutait, entre mécaniciens, j’ai pu me rendre compte que beaucoup d’entre eux avaient réalisé ce type de voyages », à déclaré au procès un autre mécanicien qui a participé aux vols et que nous appellerons « Rotor 1 ».
Les identités des mécaniciens, qui ont finalement raconté au juge les ténébreuses histoires qui ont permis de connaître ces faits, LND les tient en réserve. Le fils de l’un d’entre eux a été séquestré pendant quelques heures, vendredi dernier, le jour même où le juge Guzmán a énoncé les premières accusations dans l’affaire Marta Ugarte avec cinq anciens pilotes des Puma, en plus de Contreras et López Tapia. Deux individus l’ont obligé à monter dans une auto, l’ont attaché, lui ont mis une cagoule sur la tête, l’ont battu, et lui ont dit qu’il dise à son père de « fermer sa gueule ». Puis ils l’ont jeté dans une rue de Santiago.
Un autre des mécaniciens, « Rotor 2 », à raconté pendant l’enquête, qu’à peine les vols avaient commencé, le commandant du CAE Carlos Mardonez a réuni les pilotes et les mécaniciens, et leur a déclaré : « Il s’agit de missions secrètes que vous ne devez commenter à personne d’autre que ceux qui y participent. Vous ne devez même pas en parler à vos familles ».
LE TRIBUNAL
Le commissaire en retraite Nibaldo Jiménez, ancien agent de la DINA en fonction à Villa Grimaldi et dans l’enceinte de José Domingo Cañas soutient que « Ceux qui envoyaient les individus à la mer étaient une assemblée qui se tenait avec les chefs de groupe de l’époque, les capitaines Miguel Krassnoff Marchenko, Maximiliano Ferrer Lima, et d’autres, parce qu’il y avait plusieurs casernes. Ils se réunissaient comme un tribunal, où ils décidaient quel détenu serait sauvé et quel autre irait à la mer, avec le code nommé « Puerto Montt ». Ces « autres » auxquels se réfère Jiménez son ceux de toujours, Marcelo Moren Brito et Pedro Espinoza Bravo, tous les deux chefs en alternance de différents centres clandestins de la DINA. Le résultat de chacune de ces réunions, continue Jiménez, « était envoyé au général Contreras, chef suprême de la DINA (...). Le général Contreras est celui qui vérifiait les listes et en définitive décidait du sort des détenus.
Une autre victime de la DINA a été le journaliste Máximo Gedda Ortiz, le frère des Gedda qui réalise l’émission « Au sud du Monde ». Détenu en juillet 1974, il a disparu dans l’immeuble au nº 38 de la rue Londres. Jiménez raconte l’état dans lequel il a vu son corps avant que, on le présume, il n’allonge la liste des jetés à la mer. « Un sujet nommé Gedda fût détenu. On lui avait enlevé au couteau la chair de la jambe et on voyait l’os. Cela pendait, ils l’avaient pendu. Ils l’avaient fouetté ».
Jiménez décrit une autre facette de l’horreur et de la brutalité contre un autre des disparus de la DINA. Il s’agit du photographe Teobaldo Tello Garrido, qui avait été fonctionnaire des Renseignements Généraux pendant le gouvernement de Salvador Allende. Il a été arrêté en août 1974 et a disparu. « Je suis allé le voir dans une cellule bondée de détenus, il a ouvert la bouche et j’ai vu qu’il saignait. Ses dents avaient été arrachées avec une pince par Monsieur Marcelo Moren(...). Le Colonel Moren était assez brutal ».
LES PILOTES DE LA CARAVANE
Parmi les cinq anciens pilotes d’hélicoptères Puma que le juge Guzmán a inculpé pour la séquestration et le meurtre de Marta Ugarte figurent ceux qui furent les pilotes de la Caravane de la Mort. Antonio Palomo a été le pilote sur le trajet sud de cette opération, et a agi comme son copilote Emilio de la Mahotiere González. Pour le trajet nord de la caravane, le pilote fût le même de la Mahotière et le copilote, Luis Felipe Polanco Gallardo. Le cinquième pilote détenu est le colonel en retraite Oscar Vicuña Hesse.
Une seconde phase de cette méthode de disparition de détenus jetés à la mer, a commencé après 1978 et a continué au moins jusque 1981-82, après qu’à la fin de 1978, on ait découvert les cadavres de 15 paysans dans un four de Lonquén et l’Armée de terre et Pinochet se sont inquiétés.
Cette seconde phase connue sous le nom de « remaniements » clandestins, fût admise, y compris par l’ancien directeur de la Centrale Nationale d’Informations (Renseignements Généraux), le général Odlanier Mena, et à son propos, ont déposé aussi quelques anciens agents qui ont participé à l’opération. A cette opération appartiennent, entre autres, les prisonniers de Chihuío dans la 10ème région, les exécutés de La Moneda détenus à Peldehue, et les 26 victimes de la Caravane de la Mort enterrées clandestinement dans le désert de Calama. Celles-ci ne furent pas victimes de la DINA.
Probablement, une fois l’expérience acquise, cette seconde phase a été réalisée par les mêmes pilotes et mécaniciens du Commando d’Aviation de l’Armée de terre. Cet épisode n’est pas totalement éclairé judiciairement. En tout cas, les commandants du CAE après Carlos Mardones ont été : le colonel Hernán Podestá Gómez, entre janvier et décembre 1978 ; le colonel Fernando Darrigandi Márquez entre janvier 1979 et juillet 1981 ; et le colonel Raúl Dirator Moreno, entre août 1981 et février 1982.
Pour lire l’article en espagnol
http://www.lanacion.cl/p4_lanacion/...
De : Jean-Michel Hureau jeudi 22 février 2007
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