« Un homme, une voix » en économie aussi

mardi 8 février 2011.
 

Quand le capital écrase le travail, comme on le voit aujourd’hui, que faire  ? Si la question n’était pas posée de cette façon par les organisateurs, elle était bien présente dans le débat sur « L’évolution du travail depuis 1945  », qui a réuni, hier, au Salon des comités d’entreprise, à Paris-la Défense, des syndicalistes, des députés, des spécialistes, ainsi qu’un ancien ministre, Jean Auroux, père des lois du même nom qui, adoptées en 1982, firent sensiblement avancer les droits des salariés à l’entreprise. Après un siècle de progressions, « le droit du travail marque le pas, sous l’effet de la mondialisation", constate l’historien Bernard Vivier. Jean Auroux met en cause la tenaille que constituent « la pression du capitalisme financier » et celle du «  consumérisme, de la marchandisation  », qui broie les droits sociaux.

Depuis vingt ans, renchérit Bernard Van Craeynest, de la CGC, on « assouplit », on multiplie les « dérogations pour renverser la hiérarchie des normes  » en droit du travail. Et de citer en exemple le temps de travail, « figure type de la déréglementation », avec, notamment, l’instauration du forfait jours qui conduit à des semaines de soixante-seize heures et plus. « On ne peut plus continuer avec un système dont le moteur est la rentabilité pour l’actionnaire », proclame Alain Olive, de l’Unsa. La psychanalyste Marie Pezé, initiatrice de la première consultation « souffrance au travail », à Nanterre, dénonce la tentation de mettre en cause les « fragilités de l’individu » pour expliquer les maux du travail, et épingle les « techniques de management pathogènes ».

Tandis que, sans surprise, le député UMP Jean-Frédéric Poisson s’en tient, pour l’essentiel, à un plaidoyer pour le « dialogue social », le député PCF André Chassaigne entre de plain-pied dans le débat sur les réponses à la crise du travail en récusant « tout un discours d’accompagnement  », sur « la gestion des ressources humaines, la gestion psychologique ». Il faut « rompre avec le système libéral qui, par nature, engendre les problèmes » du travail, lance-t-il, soulignant notamment le besoin, dans cette perspective, de « maîtriser les institutions financières ». Sans attendre, cependant, ajoute-t-il, des évolutions législatives peuvent être envisagées, telle une extension des pouvoirs des salariés.

Plusieurs intervenants abondent en ce sens. Ainsi, pour Alain Olive, « les syndicats doivent pouvoir discuter des orientations stratégiques des entreprises, de la nature des contrats chez les sous-traitants ». Bernard Van Craeynest évoque la création de comités interentreprises, de manière à couvrir la multitude des sociétés aujourd’hui dénuées de CE, de CHSCT. Jean-Frédéric Poisson prône un renforcement des CHSCT, en moyens de fonctionnement, en formation et en légitimité par leur élection au suffrage universel, comme les élus au CE. Jean Auroux, enfin, creusant la veine de la citoyenneté dans l’entreprise ouverte en 1982, esquisse une perspective transformatrice  : il s’agit de « dépasser le dialogue social » pour « aller vers une démocratie économique ». Le principe « un homme, une voix » devant valoir en économie, à l’entreprise, comme en politique.

Yves Housson


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