3) Esprit de suite…
A propos du Parti communiste Alain Krivine, reconnaissons-le, fait preuve de suite dans les idées.
A la veille du congrès d’étape du Parti communiste, en page trois de l’hebdomadaire du NPA (n°60, 17 juin 2010), Alain Krivine explique aux lecteurs de Tout est à nous, ce qu’il est, semble-t-il, le seul à comprendre des subtilités de ce parti.
Premier constat : en créant le Front de gauche le PC a réussi à enrayer son déclin électoral, mais « sans pour autant créer une quelconque dynamique » (sic). Deuxième constat : cette « façade unitaire lui a coûté très cher puisqu’il a perdu la moitié de ses conseillers régionaux ». Pour une simple façade, l’opération apparaît en effet fort onéreuse !
D’autant qu’Alain Krivine, expert en chiffres, sait faire les comptes : le PC c’est, révèle-t-il , 80 000 adhérents, dont 7000 élus, mais « c’est Jean-Luc Mélenchon qui est apparu comme le leader médiatique de ce Front de gauche, malgré (sic) les 2 000 adhérents du Parti degauche ». Et « Christian Picquet, et ses 200 militants de la Gauche unitaire [soit grosso modo dix fois plus que ce qui lui était en général accordé du côté du NPA. NDLR], ont quand même (sic) sept élus »…
Même si la relation logique entre ceci et cela n’est pas limpide, notre analyste explique que de ce fait, au sein du PC, c’est le tollé contre le Front de gauche de la plupart des « sensibilités » existantes, à partir de points de vue totalement opposés : la droite du parti, les orthodoxes… Et les Communistes unitaires qui s’en vont.
Une belle cacophonie donc. D’autant plus déconcertante que « personne […] ne remet en cause la perspective d’aller au pouvoir par une majorité électorale dans les institutions ». Dans ce débat, Pierre Laurent, selon Alain Krivine, propose « une réponse claire sur le fond mais emberlificotée dans son expression ». Pourtant, telle que synthétisée par notre auteur, il semblerait que ce soit plutôt le contraire !
Au final, Alain Krivine pronostique que l’avenir du Front de gauche n’est pas garanti, et pas pour des raisons de fond. Mais parce que J.-L. Mélenchon veut être candidat à la présidentielle, et transformer le Front de gauche en un die Linke, avec adhésions individuelles, ce que refuse le PC, qui propose une « association bidon » : les « Partisans du Front de gauche » (il suit les choses Alain Krivine !), et envisage pour la présidentielle trois hypothèses, dont celle (« nouveauté ô combien significative », précise-t-il) d’une participation aux primaires du PS…
Mais rien de grave puisque « Pierre Laurent gagnera le congrès car sa politique donne du grain à moudre à tout le monde sans offrir une stratégie alternative qu’aucun courant ne réclame ».
Même si l’on a quelque peine à suivre l’explication, on croit comprendre que dans ce parti au fond il ne se passe rien d’intéressant. Et que tout le monde devrait y vivre content…
Mais pourquoi diable n’est-ce pas le cas ?
Mais Alain Krivine de conclure que, de toutes façons, « les problèmes internes du Front de gauche ne nous concernent pas ». Ah bon !
Les articles précédents sur le même sujet :
Alain Krivine, le NPA et le PCF
Alain Krivine, le NPA et le PCF (suite)
2) Le PCF imaginaire d’Alain Krivine
Bien des commentateurs politiques aiment à souligner qu’il existe aujourd’hui « plusieurs partis communistes », en fonction des orientations différentes défendues au sein de ce parti.
Mais on ignore trop un PC supplémentaire : celui qu’Alain Krivine observe et explique dans les colonnes du journal du NPA Tout est à nous.
Ce PC –là présente une caractéristique très particulière : il dit ce qu’Alain Krivine souhaite qu’il fasse !
Ainsi dans le Tout est à nous n° 53, du 29 avril, dans l’article vedette de la page 3 – « Le PCF prépare son congrès » – Alain Krivine qui s’est intéressé aux textes préparatoires du congrès de juin y a lu ceci : « Dès lors le positionnement est clair : il s’agit pour le PCF d’être l’aile la plus radicale d’un gouvernement de la gauche plurielle. » Et pour ceux qui soit n’auraient pas lu la même chose, soit se refuseraient obstinément à entendre ce qu’il faut comprendre, Alain Krivine n’hésite pas à réexpliquer : « Pour résumer, disons que le PCF veut continuer de diriger un Front de gauche qui serait à gauche de la « gauche solidaire » dans un gouvernement commun »…
Le PC imaginaire d’Alain Krivine est doté d’une vertu à nulle autre pareille : il ne s’y passe jamais rien de nouveau ! Le Front de gauche est un épiphénomène, dont Alain Krivvine sait que la direction du PC est pressée de se débarrasser. La présidentielle ne le soucie que pour écarter l’éventuelle candidature de Jean-Luc Mélenchon, et Alain Krivine voit que c’est pour revenir à non choix : « Ce sera soit un candidat du PCF, soit un « syndicaliste » proche, soit, pourquoi pas, le ralliement à une candidature unique de la gauche ».
En effet, pour ce PC d’Alain Krivine il n’est d’autre vérité que l’éternel retour de l’alliance avec le Parti socialiste.
Espérons que les lecteurs et lectrices de Tout est à nous auront le loisir de lire les textes de l’autre PC, celui de la vie réelle, pour s’intéresser aux contradictions, évolutions et débats de ce parti.
1) D’un tour l’autre…
Tout le monde sait que le PCF a été confronté à un choix difficile : soit, dans la suite des européennes, poursuivre le Front de gauche pour les régionales, et renoncer à l’alliance traditionnelle avec le Parti socialiste, soit renouer une nouvelle fois avec celle-ci, et sacrifier le Front de gauche. Le débat a été largement mené au sein de ce parti, suivi avec intérêt à l’extérieur, et très majoritairement tranché en faveur de la première option : continuer le Front de gauche. C’est ce qui s’est passé dans la grande majorité des régions, et pour les quelques fédérations qui ont fait alliance avec le PS, des secteurs communistes se sont engagés dans des accords de type Front de gauche.
Il s’agit d’une rupture décisive par rapport à la stratégie des alliances avec le Parti socialiste dans des élections à deux tours.
La direction du NPA et les articles d’analyse de Tout est à nous, souvent sous la signature d’Alain Krivine, jusqu’au bout ont persisté dans l’erreur, répétant incessamment que le Parti communiste finirait par s’allier au Parti socialiste. La tactique de négociation adoptée par les représentants du NPA au cours des discussions avec les autres partis était en partie guidée par cette même appréciation.
Dans Tout est à nous n°49, du 1er avril, Alain Krivine propose une analyse du PCF, sous le titre « Malaises et clarifications » : non content d’expliquer que ce parti est au plus mal, et hésite pour la présidentielle entre une candidature propre « qui serait très marginale » et …« un ralliement à une candidature unique de la gauche », il revient sur ce passé immédiat. Constatant que Pierre Laurent dans son rapport au Conseil national, une fois de plus, affirme que l’ambition du PC est « la constitution de majorités politiques de gauche autour de projets réellement transformateurs », Alain Krivine y lit une nouvelle confirmation de ce déterminisme qui oblige le PC à s’allier au PS. Mais il concède une erreur de pronostic : « Nous avons pensé que, pour réaliser cela, la direction du PCF allait faire des listes communes avec le PS, dès le premier tour ». Moins erreur de pronostic que confusion des tours : « Dans les faits, le ralliement aura lieu mais uniquement au second tour ». Donc ce qui s’est avéré faux au premier tour est devenu vrai au second. Une paille ! Juste un petit « retard ». Bref, Alain Krivine a simplement eu tort d’avoir raison trop tôt.
Une fine explication qui suppose d’ignorer la différence de nature entre les deux tours d’une élection : au premier on défend son programme, au second on se rassemble contre l’adversaire commun, la droite, pour le battre.
Une différence qui a permis au NPA d’appeler à voter pour les listes de gauche et contre celles de droite et d’extrême droite. Et, en Limousin, au NPA, présent dans le cadre de la liste « Ensemble » au premier tour, de se maintenir dans ce cadre au second (Alain Krivine ayant représenté le NPA national au meeting de cette liste la veille du second tour). Tout cela ne signifiant en rien un soutien à une prétendue nouvelle Union de la gauche !
Pourtant le même Alain Krivine semble fort soucieux de nous convaincre que des listes de rassemblement à gauche pour le deuxième tour, et la participation dans certaines régions de représentants du PC aux exécutifs régionaux, sont les signes manifestes de la constitution d’une telle nouvelle Union de la gauche.
Modeste réédition du « condamnés à s’entendre » d’antan, assistée cette fois de la béquille du « retard » d’un tour l’autre ?
Même une montre arrêtée peut parfois donner l’impression d’être seulement en retard.
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