A) 40 Chansons d’amour (Brel, Cabrel, Piaf, Axelle Red...)
B) Modestes réflexions sur l’amour (Jacques Serieys)
C) Poèmes d’amour (Eluard, Alfred de Musset, Gérard de Nerval, Verlaine, Ronsard, Aragon, Rimbaud, Desnos, Hugo...)
1) Carmen : "L’amour est un oiseau rebelle" (Elina Garanca)
https://www.youtube.com/watch?v=K2s...
2) Ne me quitte pas (Jacques Brel)
https://www.youtube.com/watch?v=cBM...
3) Je l’aime à mourir (Francis Cabrel)
https://www.youtube.com/watch?v=bMZ...
4) Hymne à l’amour (Edith Piaf)
https://www.youtube.com/watch?v=QvH...
5) Nights In White Satin (The Moody Blues)
https://www.youtube.com/watch?v=Qdy...
6) Angie (The Rolling Stones)
https://www.youtube.com/watch?v=RcZ...
7) L’encantada (Nadau)
https://www.youtube.com/watch?v=65F...
8) No milk today (Herman’s Hermits)
https://www.youtube.com/watch?v=AuG...
9) Te Voy a Olvidar (Malú con David Bisbal)
https://www.youtube.com/watch?v=VRa...
10) Parce que c’est toi (Axelle Red)
https://www.youtube.com/watch?v=f-L...
11) Que serais je sans toi (Jean Ferrat)
https://www.youtube.com/watch?v=I1l...
12) Redis-moi, Mallory (Rachel)
http://www.dailymotion.com/video/xd...
13) Juste pour une Nuit (Mariah Carey)
https://www.youtube.com/watch?v=D55...
14) Si demain (Bonnie Tyler)
https://www.youtube.com/watch?v=UCQ...
15) Stairway to Heaven Live (Led Zeppelin)
https://www.youtube.com/watch?v=9Q7...
16) Vertige de l’amour (Alain Bashung)
http://www.dailymotion.com/video/xi...
17) Mourir ou vivre (1966) Hervé Vilard
https://www.youtube.com/watch?v=W04...
18) She Loves You (The Beatles)
https://www.youtube.com/watch?v=QoF...
19) Les Mots Bleus (Alain Bashung)
https://www.youtube.com/watch?v=Y_8...
20) Mistral Gagnant (Renaud)
https://www.youtube.com/watch?v=Xdj...
21) Stevie Wonder - I just called to say i love you
https://www.youtube.com/watch?v=QwO...
22) Je reviens te chercher (Dalida)
https://www.youtube.com/watch?v=6kh...
23) All You Need Is Love - The Beatles
https://www.youtube.com/watch?v=EKi...
24) Que je t’aime (Johnny Hallyday)
https://www.youtube.com/watch?v=7Lg...
25) 20 Ans d’Amour (Michèle Torr)
https://www.youtube.com/watch?v=gV4...
26) Tu T`en Vas (Alain Barriere & Noelle Cordier)
https://www.youtube.com/watch?v=Mg6...
27) Only you (The platters)
https://www.youtube.com/watch?v=L0m...
28) Elle était si jolie (Alain Barrière)
https://www.youtube.com/watch?v=FLx...
29) Aimer à Perdre La Raison (Isabelle Aubret)
https://www.youtube.com/watch?v=RCy...
30) Reviens (Hervé Vilard)
https://www.youtube.com/watch?v=wKr...
31) J’y pense puis j’oublie (Claude François)
https://www.youtube.com/watch?v=tsR...
32) Mathilde (Jacques Brel )
https://www.youtube.com/watch?v=qmN...
33) "Ma plus belle histoire d’Amour c’est vous" (Barbara)
https://www.youtube.com/watch?v=xqG...
34) Gigi l’amoroso (Dalida)
https://www.youtube.com/watch?v=yfV...
35) Je viens pas te parler d’amour (Daniel Guichard)
https://www.youtube.com/watch?v=mdX...
36) Laisse moi t’aimer (Mike Brant)
https://www.youtube.com/watch?v=QK7...
37) L’Amour en Héritage (Nana Mouskouri)
https://www.youtube.com/watch?v=Uaw...
38) Ti Amo (Umberto Tozzi)
https://www.youtube.com/watch?v=ZBF...
39) L’Amour est un Bouquet de Violettes (Luis Mariano)
https://www.youtube.com/watch?v=gKb...
40) La vie en rose ( Edith Piaf )
https://www.youtube.com/watch?v=rze...
41) La chanson des vieux amants (Jacques Brel)
https://www.youtube.com/watch?v=dU-...
42) Puisque tu pars (Jean-Jacques Goldman)
https://www.youtube.com/watch?v=bDX...
De nombreux auteurs ayant déjà couché sur le papier des sentences intéressantes sur le sujet, je commence par une petite recension.
"Le capitalisme s’adresse à des enfants dont l’insatiabilité, le désir de consommer sans trêve vont de pair avec la négation de la mort, c’est pourquoi il est morbide.
Le désir fou d’argent, qui n’est qu’un désir d’allonger le temps, est enfantin et nuisible. il nous fait oublier le vrai désir, le seul désir adorable, le désir d’amour."
Bernard Maris.
Jean Zin constatait en 1999 « les similitudes entre mouvements sociaux et coups de foudre, réfutant ainsi le fait que l’amour serait un repli sur la sphère privée alors que les mouvements sociaux sont si propices à tomber amoureux. En effet, comme les mouvements révolutionnaires, l’amour est une force de transformation de la vie quotidienne, de renouveau, de renaissance, de résurrection qui nous sauve du désespoir et de la solitude. Il est donc bien ridicule que certains partis qui se croient révolutionnaires prétendent exclure l’amour de leurs rangs, sous prétexte de son supposé égoïsme à deux et son caractère incontrôlable. Nous devrions faire au contraire une nouvelle alliance entre l’amour et la révolution, redevenir libres ensemble, briser nos liens et notre isolement en affrontant sérieusement les risques de l’institutionnalisation comme fin de l’histoire d’amour ou du soulèvement populaire pour continuer l’aventure collective, pour continuer à nous aimer et à refaire le monde, pour continuer à aimer la vie. »
Dans Moi, la révolution Daniel Bensaid file aussi la métaphore de l’amour et de la Révolution lors du bicentenaire de 1789 1793 « On aimait intransitivement, pas pour soi. Et l’on se préférait le monde. On n’aimait pas étroitement, petitement,, en tête à tête. On avait le coeur grand et on embrassait vaste. On aimait les idées, les hommes et les femmes, le genre humain et la patrie. »
Jean-Paul Sartre résumait bien le sujet « Un amour, une carrière, une révolution : autant d’entreprises que l’on commence en ignorant leur issue. »
L’amour est effectivement aussi puissant, aussi intempestif, aussi difficile à construire, à prolonger, à perfectionner que la conquête révolutionnaire. A un niveau plus terre à terre, il reste encore un vecteur de bonheur et d’émancipation individuelle.
Je suis reconnaissant au philosophe libéral Luc Ferry d’avoir signalé un aspect fondamental des années 1968 : avoir bousculé et même envoyé dans les poubelles de l’histoire le mariage de raison imposé par les parents pour le remplacer par le mariage d’amour. Il introduit aussi le problème posé : auparavant on divorçait peu puisque le couple était le fondement d’un avoir patrimonial, entrepreneurial ou fiscal ; à présent, le couple divorce plus fréquemment si l’amour n’est pas au rendez-vous. Luc Ferry signale ce fait mais n’insiste pas. Personnellement, j’y insiste : quel changement dans l’histoire de l’humanité que cette prime accordée au sentiment, à l’émotion, à la tendresse, à l’affection et même à la passion. Voilà tout un continent d’émancipation humaine à construire, chacun et tous ensemble, bien en-deça et au-delà d’une révolution anticapitaliste.
Aussi, tous les grands philosophes et poètes ont apporté leur écot dans la réflexion sur l’amour.
Les romantiques nous ont légué de magnifiques alexandrins qui résonneront encore longtemps au-delà des époques et des générations.
C’est le besoin d’aimer ; hors de là tout est vain. (Alfred de Musset)
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. (Alphonse de Lamartine)
Je te cherche partout, j’aspire à toi, je t’aime ! (Lamartine)
Les écrivains du 17ème siècle ont écrit des vers et des phrases magnifiques sur le sujet
L’harmonie la plus douce est le son de la voix de celle que l’on aime (Jean de la Bruyère).
Je me limiterai ici à citer quelques vers de Pierre Corneille :
« A qui sait bien aimer, il n’est rien d’impossible. » (Médée)
"Un corps peut-il guérir, dont le coeur est malade ?" (Clitandre)
« Aisément l’amitié jusqu’à l’amour nous mène. » (Héraclius)
« Heureux est celui qui de cœur et d’esprit sait goûter ce que c’est que d’aimer. » (L’Imitation)
« L’amour est un grand maître, il instruit tout d’un coup. » Le menteur)
« Allons où je n’aurai que vous pour souveraine,
Où vos bras amoureux seront ma seule chaîne. » (Tite et Bérénice)
Pierre Corneille : Politique et amour
Aussi, tous les théoriciens du socialisme ont essayé de penser l’articulation entre l’idéal socialiste et l’amour
Citons :
> "L’art d’aimer" du psychanalyste marxiste Erich Fromm pour qui la capacité d’amour demande d’avoir acquis la foi en ses propres possibilités, d’avoir surmonté la dépendance, le narcissisme, le désir d’exploiter... « L’amour consiste à prendre soin de l’autre, à s’inquiéter de lui, à le respecter et à essayer sans cesse de le connaître davantage. » « L’amour est une sollicitude active pour la vie et la croissance de ce que nous aimons. » "L’amour est une expérience personnelle qu’il nous appartient de réaliser par nous-mêmes." Il "enrichit l’autre, il en rehausse le sens de la vitalité en même temps qu’il rehausse le sien propre". « Le paradoxe de l’amour réside en ce que deux êtres deviennent un et cependant restent deux. » "Dès lors si l’on prend l’amour au sérieux en le considérant comme la seule réponse rationnelle au problème de l’existence, on est forcé de conclure que des changements importants et radicaux dans la structure de la société sont indispensables pour que l’amour devienne un phénomène social, et non plus marginal, hautement individuel."
> "Eloge de l’amour" d’Alain Badiou dont nous retiendrons la réflexion articulant le thème « tout amour se déclare éternel » et celui du couple pour la vie. Il insiste sur l’importance de la déclaration d’amour car dire « je t’aime », c’est fixer l’accident dans l’éternité, « c’est passer de l’événement-rencontre au commencement d’une construction de vérité […], c’est dire : ce qui était un hasard, je vais en tirer autre chose. Je vais en tirer une durée, une obstination, un engagement, une fidélité ».
L’amour ou la découverte de l’éternité
Il suffit de lire les écrits de tel ou tel auteur sur l’amour pour deviner que leur vie ne leur a rien appris d’exaltant en la matière :
« Dans la plupart des amours, il y en a un qui joue et un autre qui est joué. Cupidon est avant tout un petit régisseur de théâtre. » (Friedrich Nietzsche)
« Celui qui est passionnément amoureux devient inévitablement aveugle aux défauts de l’objet aimé, bien qu’en général il recouvre la vue huit jours après le mariage. » (Emmanuel Kant)
L’amour est un genre de suicide... Aimer, c’est essentiellement vouloir être aimé... L’amour, c’est offrir à quelqu’un qui n’en veut pas quelque chose que l’on n’a pas. (Jacques Lacan)
Comment conclure sur un sujet aussi inépuisable que l’amour ?
peut-être que le postulat idéologique du libéralisme ("l’homme est un loup pour l’homme") tue inévitablement l’amour
en proposant quelques liens pour poursuivre la réflexion :
Les mythes amoureux 1) Le grand amour
http://www.redpsy.com/infopsy/grand...
Les mythes amoureux 2) L’amour inconditionnel
http://www.redpsy.com/infopsy/incon...
Querelles et chicanes dans le couple
http://www.redpsy.com/infopsy/chica...
Jacques Serieys
L’amoureuse (Paul Eluard)
1) A Ninon (Alfred de Musset)
2) L’amour caché (Félix Arvers)
3) Mes heures perdues (Gérard de Nerval)
4) A la Saint Valentin (Paul Verlaine)
5) Soif d’un baiser (Germain Nouveau 1851-1920)
6) La Rose (Pierre de Ronsard : 1524 - 1585)
7) Il n’y a pas d’amour heureux (Louis Aragon)
8) Rêve pour l’hiver (Arthur Rimbaud) Mettre aussi à hiver, donc article avec liens
9) Je sais que je t’aime (Alfred de Musset)
10) L’on verra s’arrêter le mobile du monde
11) Complainte amoureuse
12) Où es-tu ? Auguste ANGELLIER
13) Pavane
14) Il n’est qu’un bonheur sur la terre, Celui d’aimer et d’être aimé
15) La ressemblance
16) J’ai tant rêvé de toi (Desnos)
17) Faire l’amour alors qu’il me défait...
L’amoureuse (Paul Eluard)
Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s’engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.
*
Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s’évaporer les soleils
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
1) A Ninon
Alfred de Musset, Poésies nouvelles
Si je vous le disais pourtant, que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?
L’amour, vous le savez, cause une peine extrême ;
C’est un mal sans pitié que vous plaignez vous-même ;
Peut-être cependant que vous m’en puniriez.
Si je vous le disais, que six mois de silence
Cachent de longs tourments et des voeux insensés :
Ninon, vous êtes fine, et votre insouciance
Se plaît, comme une fée, à deviner d’avance ;
Vous me répondriez peut-être : Je le sais.
Si je vous le disais, qu’une douce folie
A fait de moi votre ombre, et m’attache à vos pas :
Un petit air de doute et de mélancolie,
Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie ;
Peut-être diriez-vous que vous n’y croyez pas.
Si je vous le disais, que j’emporte dans l’âme
Jusques aux moindres mots de nos propos du soir :
Un regard offensé, vous le savez, madame,
Change deux yeux d’azur en deux éclairs de flamme ;
Vous me défendriez peut-être de vous voir.
Si je vous le disais, que chaque nuit je veille,
Que chaque jour je pleure et je prie à genoux ;
Ninon, quand vous riez, vous savez qu’une abeille
Prendrait pour une fleur votre bouche vermeille ;
Si je vous le disais, peut-être en ririez-vous.
Mais vous ne saurez rien. - Je viens, sans rien en dire,
M’asseoir sous votre lampe et causer avec vous ;
Votre voix, je l’entends ; votre air, je le respire ;
Et vous pouvez douter, deviner et sourire,
Vos yeux ne verront pas de quoi m’être moins doux.
Je récolte en secret des fleurs mystérieuses :
Le soir, derrière vous, j’écoute au piano
Chanter sur le clavier vos mains harmonieuses,
Et, dans les tourbillons de nos valses joyeuses,
Je vous sens, dans mes bras, plier comme un roseau.
La nuit, quand de si loin le monde nous sépare,
Quand je rentre chez moi pour tirer mes verrous,
De mille souvenirs en jaloux je m’empare ;
Et là, seul devant Dieu, plein d’une joie avare,
J’ouvre, comme un trésor, mon coeur tout plein de vous.
J’aime, et je sais répondre avec indifférence ;
J’aime, et rien ne le dit ; j’aime, et seul je le sais ;
Et mon secret m’est cher, et chère ma souffrance ;
Et j’ai fait le serment d’aimer sans espérance,
Mais non pas sans bonheur ; - je vous vois, c’est assez.
Non, je n’étais pas né pour ce bonheur suprême,
De mourir dans vos bras et de vivre à vos pieds.
Tout me le prouve, hélas ! jusqu’à ma douleur même...
Si je vous le disais pourtant, que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?
Alfred de Musset
2) L’amour caché "Un amour éternel en un moment conçu "
Félix Arvers 1806-1850
Mon âme a son secret, ma vie a son mystère
Un amour éternel en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.
Hélas ! j’aurai passé près d’elle inaperçu,
Toujours à ses côtés et pourtant solitaire ;
Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.
Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,
Elle suit son chemin, distraite et sans entendre
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas.
A l’austère devoir pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d’elle :
" Quelle est donc cette femme ? " Et ne comprendra pas !
3) Mes heures perdues
Une allée du Luxembourg (Gerard de Nerval, Labrunie 1808-1858)
Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau :
A la main une fleur qui brille
A la bouche un refrain nouveau
C’est peut-être la seule au monde
Dont le coeur au mien répondrait
Qui venant dans ma nuit profonde
D’un seul regard l’éclaircirait ?
Mais non ! Ma jeunesse est finie...
Adieu, doux rayon qui m’as lui
Parfum, jeune fille, harmonie
Le bonheur passait, - Il a fui !
(Odelettes)
4) A la Saint Valentin (Paul Verlaine)
1. J’ai peur d’un baiser
Comme d’une abeille
Je souffre et je veille
Sans me reposer :
J’ai peur d’un baiser !
2. C’est Saint Valentin !
Je dois et je n’ose
Lui dire au matin ...
La terrible chose
Que Saint Valentin
3. Elle m’est promise,
Fort heureusement !
Mais quelle entreprise
Que d’être amant
Près d’une promise !
4. J’ai peur d’un baiser
Comme d’une abeille
Je souffre et je veille
Sans me reposer :
J’ai peur d’un baiser !
(Romances sans paroles)
5) Soif d’un baiser
Germain Nouveau 1851-1920
Comme une ville qui s’allume
Et que le vent vient embraser,
Tout mon coeur brûle et se consume,
J’ai soif, oh ! j’ai soif d’un baiser.
Baiser de la bouche et des lèvres
Où notre amour vient se poser,
Pleins de délices et de fièvres,
Ah ! j’ai soif d’un baiser !
Baiser multiplié que l’homme
Ne pourra jamais épuiser,
O toi, que tout mon être nomme,
J’ai soif, oui d’un baiser.
Fruit doux où la lèvre s’amuse,
Beau fruit qui rit de s’écraser,
Qu’il se donne ou qu’il se refuse,
Je veux vivre pour ce baiser.
Baiser d’amour qui règne et sonne
Au coeur battant à se briser,
Qu’il se refuse ou qu’il donne
Je veux mourir de ce baiser.
(Valentines)
6) La Rose
Pierre de Ronsard : 1524 - 1585 (Odes 1,17)
— Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait éclose
Sa robe de pourpre au soleil
A point perdu cette vêprée
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vôtre pareil.
— Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las, las ! ses beautés laissé choir !
O vraiment marâtre Nature
Puisqu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusque au soir !
— Donc si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
7) Il n’y a pas d’amour heureux
Louis Aragon 1897-1982 (La Diane française)
Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force
Ni sa faiblesse, ni son coeur. Et quand il croit
Ouvrir ses bras, son ombre est celle d’une croix
Et quand il croit serrer son bonheur, il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux
********
Sa vie, elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu’on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qui ’on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots " Ma vie " et retenez vos larmes
Il n’y a pas d’amour heureux
********
Mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j’ai tressés
Et qui, pour tes grands yeux, tout aussitôt moururent
Il n’y a pas d’amour heureux.
********
Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n’y a pas d’amour heureux
********
Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs
Il n’y a pas d’amour heureux Mais c’est notre amour à tous deux
8) Rêve pour l’hiver
Arthur Rimbaud
L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
********
Tu fermeras l’oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
********
Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
********
Et tu me diras : "Cherche !" en inclinant la tête,
Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
Qui voyage beaucoup...
9) Je sais que je t’aime (Alfred de Musset)
Je suis perdu, vois-tu,
je suis noyé,
inondé d’amour ;
je ne sais plus si je vis,
si je mange,
si je respire,
si je parle ;
je sais que je t’aime.
Alfred de Musset
10) L’on verra s’arrêter le mobile du monde
Madeleine de l’ AUBESPINE (1546-1596)
L’on verra s’arrêter le mobile du monde,
Les étoiles marcher parmi le firmament,
Saturne infortuné luire bénignement,
Jupiter commander dedans le creux de l’onde.
********
L’on verra Mars paisible et la clarté féconde
Du Soleil s’obscurcir sans force et mouvement,
Vénus sans amitié, Stilbon sans changement,
Et la Lune en carré changer sa forme ronde,
********
Le feu sera pesant et légère la terre,
L’eau sera chaude et sèche et dans l’air qui l’enserre,
On verra les poissons voler et se nourrir,
********
Plutôt que mon amour, à vous seul destinée,
Se tourne en autre part, car pour vous je fus née,
Je ne vis que pour vous, pour vous je veux mourir.
11) Complainte amoureuse
Alphonse ALLAIS (1854-1905)
Oui dès l’instant que je vous vis
Beauté féroce, vous me plûtes
De l’amour qu’en vos yeux je pris
Sur-le-champ vous vous aperçûtes
Ah ! Fallait-il que je vous visse
Fallait-il que vous me plussiez
Qu’ingénument je vous le disse
Qu’avec orgueil vous vous tussiez
Fallait-il que je vous aimasse
Que vous me désespérassiez
Et qu’enfin je m’opiniâtrasse
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m’assassinassiez
12) Où es-tu ?
Auguste ANGELLIER (1848-1911)
" Où es-tu ? ", disait-elle, errant sur le rivage
Où des saules trempaient leurs feuillages tremblants ;
Et des larmes d’argent coulaient dans ses doigts blancs
Quand elle s’arrêtait, les mains sur son visage.
Et lui, errant aussi sur un sable sauvage
Où des joncs exhalaient de longs soupirs dolents,
Sous la mort du soleil, au bord des flots sanglants,
S’écriait : " Où es-tu ? ", tordant ses mains de rage.
Les échos qui portaient leurs appels douloureux
Se rencontraient en l’air, et les mêlaient entre eux
En une plainte unique à la fois grave et tendre ;
Mais eux, que séparait un seul pli de terrain,
Plus désespérément se cherchèrent en vain,
Sans jamais s’entrevoir et sans jamais s’entendre.
13) Pavane "Belle qui tiens ma vie"
Jehan Tabourot, dit Thoinot ARBEAU (1520-1595)
Belle qui tiens ma vie
Captive dans tes yeux,
Qui m’as l’âme ravie
D’un souris gracieux.
Viens tôt me secourir,
Ou me faudra mourir.
Pourquoi fuis-tu, mignarde,
Si je suis près de toi ?
Quand tes yeux je regarde,
Je me perds dedans moi !
Car tes perfections
Changent mes actions.
Tes beautés et ta grâce
Et tes divins propos
Ont échauffé la glace
Qui me gelait les os.
Ils ont rempli mon coeur
D’une amoureuse ardeur !
Approche donc ma belle,
Approche-toi mon bien !
Ne me sois plus rebelle
Puisque mon coeur est tien...
Pour mon mal apaiser
Donne-moi un baiser !
14) Il n’est qu’un bonheur sur la terre,
Celui d’aimer et d’être aimé
Félix ARVERS (1806-1850)
Tu sais l’amour et son ivresse
Tu sais l’amour et ses combats ;
Tu sais une voix qui t’adresse
Ces mots d’ineffable tendresse
Qui ne se disent que tout bas.
Sur un beau sein, ta bouche errante
Enfin a pu se reposer,
Et sur une lèvre mourante
Sentir la douceur enivrante
Que recèle un premier baiser…
Maître de ces biens qu’on envie
Ton cœur est pur, tes jours sont pleins !
Esclave à tes vœux asservie,
La fortune embellit ta vie
Tu sais qu’on t’aime, et tu te plains !
Et tu te plains ! et t’exagères
Ces vagues ennuis d’un moment,
Ces chagrins, ces douleurs légères,
Et ces peines si passagères
Qu’on ne peut souffrir qu’en aimant !
Et tu pleures ! et tu regrettes
Cet épanchement amoureux !
Pourquoi ces maux que tu t’apprêtes ?
Garde ces plaintes indiscrètes
Et ces pleurs pour les malheureux !
Pour moi, de qui l’âme flétrie
N’a jamais reçu de serment,
Comme un exilé sans patrie,
Pour moi, qu’une voix attendrie
N’a jamais nommé doucement,
Personne qui daigne m’entendre,
A mon sort qui saigne s’unir,
Et m’interroge d’un air tendre,
Pourquoi je me suis fait attendre
Un jour tout entier sans venir.
Personne qui me recommande
De ne rester que peu d’instants
Hors du logis ; qui me gourmande
Lorsque je rentre et me demande
Où je suis allé si longtemps.
Jamais d’haleine caressante
Qui, la nuit, vienne m’embaumer ;
Personne dont la main pressante
Cherche la mienne, et dont je sente
Sur mon cœur les bras se fermer !
Une fois pourtant – quatre années
Auraient-elles donc effacé
Ce que ces heures fortunées
D’illusions environnées
Au fond de mon âme ont laissé ?
Oh ! c’est qu’elle était si jolie !
Soit qu’elle ouvrit ses yeux si grands,
Soit que sa paupière affaiblie
Comme un voile qui se déplie
Éteignit ses regards mourants !
J’osai concevoir l’espérance
Que les destins moins ennemis,
Prenant pitié de ma souffrance,
Viendraient me donner l’assurance
D’un bonheur qu’ils auraient permis :
L’heure que j’avais attendue,
Le bonheur que j’avais rêvé
A fui de mon âme éperdue,
Comme une note suspendue,
Comme un sourire inachevé !
Elle ne s’est point souvenue
Du monde qui ne la vit pas ;
Rien n’a signalé sa venue,
Elle est passée, humble, inconnue,
Sans laisser trace de ses pas.
Depuis lors, triste et monotone,
Chaque jour commence et finit :
Rien ne m’émeut, rien ne m’étonne,
Comme un dernier rayon d’automne
J’aperçois mon front qui jaunit.
Et loin de tous, quand le mystère
De l’avenir s’est refermé,
Je fuis, exilé volontaire !
Il n’est qu’un bonheur sur la terre,
Celui d’aimer et d’être aimé.
15) La ressemblance
Félix ARVERS (1806-1850)
Sur tes riches tapis, sur ton divan qui laisse
Au milieu des parfums respirer la mollesse,
En ce voluptueux séjour,
Où loin de tous les yeux, loin des bruits de la terre,
Les voiles enlacés semblent, pour un mystère,
Eteindre les rayons du jour,
Ne t’enorgueillis pas, courtisane rieuse,
Si, pour toutes tes soeurs ma bouche sérieuse
Te sourit aussi doucement,
Si, pour toi seule ici, moins glacée et moins lente,
Ma main sur ton sein nu s’égare, si brûlante
Qu’on me prendrait pour un amant.
Ce n’est point que mon coeur soumis à ton empire,
Au charme décevant que ton regard inspire
Incapable de résister,
A cet appât trompeur se soit laissé surprendre
Et ressente un amour que tu ne peux comprendre,
Mon pauvre enfant ! ni mériter.
Non : ces rires, ces pleurs, ces baisers, ces morsures,
Ce cou, ces bras meurtris d’amoureuses blessures,
Ces transports, cet oeil enflammé ;
Ce n’est point un aveu, ce n’est point un hommage
Au moins : c’est que tes traits me rappellent l’image
D’une autre femme que j’aimai.
Elle avait ton parler, elle avait ton sourire,
Cet air doux et rêveur qui ne peut se décrire.
Et semble implorer un soutien ;
Et de l’illusion comprends-tu la puissance ?
On dirait que son oeil, tout voilé d’innocence,
Lançait des feux comme le tien.
Allons : regarde-moi de ce regard si tendre,
Parle-moi, touche-moi, qu’il me semble l’entendre
Et la sentir à mes côtés.
Prolonge mon erreur : que cette voix touchante
Me rende des accents si connus et me chante
Tous les airs q’elle m’a chantés !
Hâtons-nous, hâtons-nous ! Insensé qui d’un songe
Quand le jour a chassé le rapide mensonge,
Espère encor le ressaisir !
Qu’à mes baisers de feu ta bouche s’abandonne,
Viens, que chacun de nous trompe l’autre et lui donne
Toi le bonheur, moi le plaisir !
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Vital d’ AUDIGUIER DE LA MENOR (1569-1624)
Faire l’amour alors qu’il me défait,
Et tout défait, l’amour même défaire,
Le défaisant, le rendre plus parfait,
Le parfaisant, l’éprouver plus contraire.
Se délecter aux plaies qu’il me fait,
Chanter l’honneur de mon fier adversaire ;
Et de cent maux endurés en effet
Ne rapporter qu’un bien imaginaire.
Cacher son mal de crainte de le voir,
Crier merci de faire son devoir,
En même temps se louer et se plaindre,
Se détester et se faire la cour
Se mépriser et soi-même se craindre,
C’est en deux mots la défaite d’amour.
18) Aimons toujours ! Aimons encore ! (Victor Hugo)
19) La jalousie
Jean AUVRAY (1590-1630)
Poètes, peintres parlants, que vous sert de nous feindre,
Peintres, poètes muets, que vous sert de nous peindre
Des feux, des fouets, des fers, des vaisseaux pleins de trous,
Des rages, des fureurs, des lieux épouvantables :
Pour exprimer l’horreur des enfers effroyables,
Est-il enfer semblable à celui des jaloux ?
L’aigle de Prométhée, les fouets des Euménides,
Les vaisseaux défoncés des folles Danaïdes,
D’Ixion abusé les roues et les clous,
Les peines de Tantal, de Sisyph, de Phlégie
Ne sont que jeux au prix de l’âpre jalousie,
Il n’est enfer semblable à celui des jaloux.
Si la nuit le jaloux tient sa femme embrassée,
Il croit tenant le corps qu’un autre a sa pensée ;
Fût-elle à prier Dieu dans l’église à genoux,
Si du temps qu’il lui donne elle passe les bornes,
Ce Vulcain pense avoir le front tout plein de cornes
Et se plonge insensé dans l’enfer des jaloux.
Une rare beauté, un accoutrement brave,
Une charmante voix, une démarche grave,
Un oeil rempli d’attraits, un sourire trop doux,
Une gaillarde humeur, une larme aperçue,
Un doux accord de luth, une oeillade conçue,
Sont les plus grands tourments de l’enfer des jaloux.
Ils sont pâles, chagrins, songeards, mélancoliques,
Noisifs, capricieux, maussades, fantastiques,
Difficiles, hargneux, sauvages, loups-garous,
L’esprit toujours porté à quelque horrible songe,
Un vautour sans cesser les entrailles leur ronge,
Bref, il n’est tel enfer que celui des jaloux.
Donc vieillards refroidis, cherchez quelques Médées
Pour faire rajeunir vos vieillesses ridées,
Et au tripot d’amour mieux assener vos coups,
Ou bien, dagues de plomb, votre horoscope preuve
Que vous serez bientôt des cocus à l’épreuve
Et que vous entrerez dans l’enfer des jaloux.
Et vous cabas moisis, vieilles tapissières,
Tétins mous, fronds ridés, culs plats, fesses flétries,
Yeux pleureux, cheveux gras, pourquoi épousez-vous
Ces volages poulains qu’un jeune amour enflamme ?
Vous n’êtes que de glace, ils ne sont que de flamme.
Entrez, vieilles, entrez dans l’enfer des jaloux.
20) Ma belle un jour dessus son lit j’approche
Jean AUVRAY (1590-1630)
Ma belle un jour dessus son lit j’approche
Qui me baisant là sous moi frétillait
Et de ses bras mon col entortillait
Comme un Lierre une penchante Roche.
Au fort de l’aise et la pâmoison proche
Il me sembla que son oeil se fermait,
Qu’elle était froide et qu’elle s’endormait
Dont courroucé je lui fis ce reproche :
Vous dormez donc ! Quoi Madame êtes-vous
Si peu sensible à des plaisirs si doux ?
Lors me jetant une oeillade lascive
Elle me dit : Non non mon cher désir
Je ne dors pas mais j’ai si grand plaisir
Que je ne sais si je suis morte ou vive.
21) Synonymes (Jean Bernard Etienne)
Regard doux.
Corps de femme
Qui rend fou
Qui enflamme...
Peau de velours
Beauté naturelle
Image du jour
Reflet du ciel...
Lèvres brillantes ;
Pétales de charme
Qui hantent
Qui désarment
Sourire merveilleux
Simple, ravageur
Douceur de feu
Langage du coeur...
Glacier, volcan
De l’Olympe déesse
Fleur de printemps
Infinie tendresse...
Ange, fée,
Génie de l’au-delà
Mythe, réalité...
Simplement Toi...
Jean Bernard Etienne -
22) L’Éternelle Chanson
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encor de jeunes amoureux ;
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.
Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant souvent par un baiser.
Combien de fois jadis j’ai pu dire : "Je t’aime !"
Alors avec grand soin nous le recompterons :
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d’une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose se poser,
Quand sur notre vieux banc, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.
Et comme chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain,
Qu’importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave et plus serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s’entassent ;
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens :
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d’autres liens.
C’est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main,
Car vois-tu, chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain.
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur :
Retenir, s’il se peut, l’impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J’enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours :
Je serai riche alors d’une richesse rare :
J’aurai gardé tout l’or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s’achève
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J’aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore aux jours heureux d’antan,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et tu me parleras d’amour en chevrotant.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.
Rosemonde Gérard –
L’entrevue - Mai 68, ou le triomphe de l’individualisme
Je m’attendais à rencontrer un féroce adversaire de Mai 68. Luc Ferry n’a-t-il pas été un des premiers à pourfendre La Pensée 68 dans un livre du même nom publié dès la fin des années 80 ? Et voilà qu’au moment où les commémorations battent leur plein, l’ancien ministre de l’Éducation se répand en long et en large sur les bienfaits de la montée de l’individualisme moderne dont Mai 68 n’aurait finalement été qu’un moment.
Paris — Dans son bureau de la rue de Bellechasse où il dirige un groupe d’analyse sous la responsabilité du premier ministre François Fillon, Luc Ferry semble un peu exaspéré par l’avalanche commémorative qui agite la France. « Les journalistes me demandent s’il faut liquider Mai 68. Mais ces questions n’ont strictement aucun sens. J’aurais presque envie de dire que Mai 68 n’a pas existé. Mai 68 n’est pas une singularité dans l’histoire, un événement à nul autre pareil qui serait plein de conséquences. Mai 68 n’est qu’un tout petit épisode dans la très longue histoire de l’individualisme révolutionnaire et de la révolte des individus contre les valeurs et les instituions traditionnelles. »
Il y a longtemps que Luc Ferry irrite ses amis soixante-huitards, comme il aime le rappeler. Mais ce n’est pas parce qu’il soutient la croisade lancée l’an dernier par Nicolas Sarkozy lors d’un célèbre discours appelant à « liquider » Mai 68. Même s’il hésite à nommer les idées du président, qu’il qualifie plutôt de « clin d’oeil », Ferry semble au contraire bénir la plupart des bienfaits apportés par Mai 68.
Les nouveaux bohèmes
« La thèse que j’ai toujours défendue sur Mai 68, c’est qu’il fallait que les valeurs traditionnelles fussent déconstruites pour que le capitalisme s’épanouisse. La société de consommation n’aurait jamais pu s’épanouir si les jeunes gens d’aujourd’hui avaient conservé la mentalité de mon arrière-grand-mère qui n’avait que deux robes, une pour la semaine et une autre pour le dimanche. Il fallait que les contestataires cassent les valeurs traditionnelles pour que l’on puisse entrer dans l’ère de l’hédonisme. "Jouir sans entrave" est un slogan capitaliste, car le capitalisme fonctionne à la consommation et même à l’hyperconsommation. »
En somme, les soixante-huitards auraient fait le contraire de ce qu’ils souhaitaient. Croyant se révolter contre la société de consommation, ils en auraient dressé la table. Derrière les délires maoïstes et trotskystes se cachait donc le capitalisme d’aujourd’hui. « Ce n’est pas un hasard, dit Ferry, si bon nombre de soixante-huitards se sont reconvertis dans le capitalisme le plus moderne qui soit : publicité, cinéma, showbiz. Sous les pavés, il n’y avait pas la plage, il y avait la mondialisation libérale. »
Car, de révolution politique, il n’y a pas eu l’ombre ! Mai 68 n’entraînera pas un seul changement à la Constitution française. À part le lent déclin du Parti communiste, les partis politiques resteront les mêmes. On ne voit pas non plus de virage radical dans les politiques. Quant à la société de consommation née après la guerre, elle triomphe. « Jamais le capitalisme ne s’est si bien porté. Quand j’étais petit, il y avait une télévision à la maison. Aujourd’hui, même les familles très pauvres en ont une dans chaque pièce. L’hyperconsommation dont a parlé Gilles Lipovetsky, c’est à la fois l’individualisation de la consommation, mais aussi le fait que l’on consomme de tout, de la culture, de la philosophie, de la religion, de l’école, de la politique. »
Les soixante-huitards, hippies et autres contestataires ont eu de célèbres précurseurs, rappelle Ferry. « Le premier livre à parler de la vie de bohème est celui d’Henri Murger, Scènes de la vie de bohème, qui servira de livret à l’opéra de Puccini. Ça raconte l’histoire de jeunes gens qui ont déjà les cheveux longs et des pipes dans lesquelles ils fument de l’opium. Ce n’est pas le LSD, mais c’est pareil. Ils vont s’appeler les "fumistes", les "jemenfoutistes", les "hydropates", les "hirsutes" ou les "incohérents". Ils habitent les soupentes des immeubles parisiens, vivent "l’art pour l’art" et bouffent du bourgeois tous les matins au petit déjeuner. Ils sont dadas, surréalistes et situationnistes avant la lettre. »
D’ailleurs, fait remarquer Ferry, ce sont toujours les capitalistes les plus riches qui s’intéressent à l’art d’avant-garde. « Le bourgeois se reconnaît dans l’art contemporain puisqu’il exprime très précisément le culte de l’innovation que l’entreprise va sacraliser. Car si l’entreprise n’innove pas, elle est morte. »
Le côté sombre de 68
Comme tous les grands mouvements de déconstruction, Mai 68 a deux facettes. D’un côté, il est synonyme d’émancipation pour les femmes, les homosexuels, les minorités les plus diverses et les jeunes en général. Mai 68 marque notamment, dit Ferry, le triomphe définitif du mariage fondé sur l’amour. « Je n’ai pas du tout la nostalgie de la famille bourgeoise qui était pourrie de l’intérieur. Alors que les femmes sacrifiaient leur vie amoureuse, leur mari les trompait à pied, à cheval et en voiture. »
Mais, d’un autre côté, tout ce qui concerne la transmission des héritages et des patrimoines va prendre un coup terrible. Le déclin de la maîtrise de la langue à l’école en serait le meilleur exemple. « Le prix des progrès de l’individualisme est très élevé. L’humilité à l’égard des héritages va disparaître au profit d’une pédagogie de la spontanéité et de la créativité qui va à l’encontre du respect des valeurs traditionnelles. Qu’on le veuille ou non, la langue est un héritage dans lequel vous et moi n’avons rien inventé. Or la créativité en matière de grammaire, ça s’appelle... les fautes d’orthographe ! »
Ferry se souvient d’avoir discuté de ces questions avec l’ancien ministre québécois de l’Éducation Sylvain Simard. Il constate qu’après la Suisse et le Québec, plusieurs pays d’Amérique latine, qui ont connu des régimes autoritaires, ont opté pour des pédagogies dites actives à l’école. « C’est normal. Quand vous sortez de périodes très autoritaires, vous avez besoin de cette émancipation. Mais ils vont le payer très cher. »
Il y a déjà quelques années que la France est revenue de ces utopies pédagogiques. Notamment depuis que Luc Ferry, d’abord à titre de président du Conseil national des programmes, puis en tant que ministre, a réécrit une partie des programmes scolaires pour y réintroduire les enseignements de base.
Une époque que semble avoir étrangement oubliée son successeur, Xavier Darcos, qui s’est à nouveau entiché de modifier les programmes. « L’attitude anti-soixante-huitarde est devenue la plus payante en politique », laisse tomber Ferry sur un ton un peu sec. L’ancien ministre est par ailleurs d’accord avec l’écrivain Pascal Bruckner qui avait fait remarquer que Nicolas Sarkozy — dont le slogan électoral était « Tout devient possible » — est le plus soixante-huitard de tous les présidents français. Luc Ferry, qui travaille pour le premier ministre, reste tout de même réservé à l’égard du président. Mais il dit néanmoins qu’en s’attaquant à Mai 68, Sarkozy n’a fait qu’« agiter un grigri qui rassemble la droite » et qu’il « ne croyait pas spécialement à ce qu’il disait ».
Un sacré plus humain
Au fond, dit Ferry, il y a longtemps que la France a fait le bilan de Mai 68. L’événement est même plébiscité par une majorité de Français pour qui il est devenu synonyme de « progrès social », nous apprenait un récent sondage.
Mais Luc Ferry n’a-t-il pas une vision un peu jovialiste de cette montée de l’individualisme moderne ? Les sociétés libres sont aussi des sociétés dures où triomphe le « chacun pour soi », nous disait récemment Daniel Cohn-Bendit. Ferry refuse de se laisser aller à la nostalgie dont il accuse certains de ses collègues, comme Régis Debray ou Alain Finkielkraut, qu’il qualifie de « républicains nostalgiques ». L’ancien ministre ne s’ennuie pas du tout de ces époques, dit-il, où les Européens étaient prêts à mourir pour Dieu, la patrie ou la révolution.
Car l’individualisme n’exclut pas la morale, dit-il. « L’individualisme rejette les structures traditionnelles. Mais ce n’est pas l’égoïsme non plus. Jamais les sociétés n’ont été aussi altruistes. Jamais la famille ne s’est aussi bien portée. Évidemment, on divorce parce qu’on a fondé la famille sur l’amour. Mais, aujourd’hui, tout le monde veut se marier, même les prêtres et les homosexuels. Quant aux enfants, ils sont chéris comme jamais. Jamais le caritatif et l’humanitaire n’ont été aussi développés. Jamais on n’a été aussi soucieux des autres qu’aujourd’hui.
« C’est avec l’individualisme qu’est né le regard décolonisateur. Jamais les droits de l’homme n’ont été une religion laïque aussi puissante qu’aujourd’hui. La société contemporaine, c’est la reconnaissance de l’altérité des cultures jusqu’au politically correct. Constamment, du matin au soir, on s’interroge sur les pauvres, les handicapés, l’antiracisme, l’échec scolaire. »
Si le capitalisme déconstruit la figure traditionnelle du sacré, il en réinvente une nouvelle, dit Ferry. « Un sacré à visage humain. » Un sacré dont Mai 68 a probablement été aussi l’expression.
Correspondant du Devoir à Paris
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