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A Monsieur l’abbé Verger (pour Mademoiselle Amaranthe de Beaulieu)
Ma lettre vous fera rire.
Je vous entends déjà dire
" Cet homme n’est-il pas fou
Dans l’entreprise qu’il tente ?
Il est plus près du Pérou
Qu’il n’est du coeur d’Amarante. "
Vous aurez raison d’en parler ainsi, j’en conviens.
Amarante est jeune et belle ;
Je suis vieux sans être beau,
Et vais pour une rebelle
M’embarquer tout de nouveau.
Plus je pense en mon cerveau
De combien peu d’apparence
Serait pour moi l’espérance
De la toucher quelque jour,
Plus je vois que c’est folie
D’aimer Nymphe si jolie,
Sans être le dieu d’amour.
Amarante et le Printemps
Ont un air qui se ressemble ;
Voici comme je prétends
Que l’on les compare ensemble
Par les lis premièrement
J’entame le parallèle,
Et soupçonne aucunement
Ceux qu’Amarante recèle.
Je suis trompé si son sein
N’en est un plein magasin.
Le mai est que ce sont choses
Pour vous et moi lettres closes.
Nous sommes simples mortels
Il faut offrir des autels
A ces lis ; nul diadème
N’est digne d’en approcher,
Bien moins encor d’y toucher,
Et crois que Jupiter même,
Tout Jupiter qu’il se dit,
N’en aurait pas le crédit,
Sans l’hymen et son attache.
Ces endroits délicieux
Pour nos mains et pour nos yeux
Ne sont pas faits, que je sache...
Pour revenir à nos lis,
Ils sont relevés de roses ;
Ceux-là tout nouveaux fleuris,
Celles-ci fraîches écloses.
Ici la comparaison
De la nouvelle saison
Cloche un peu, je vous l’avoue ;
Et la beauté que je loue,
Par ses trésors éclatants
Fait honte à ceux du Printemps.
Comment pourrais-je décrire
Des regards si gracieux ?
Il semble, à voir son sourire,
Que l’Aurore ouvre les cieux.
Il faut aimer Amarante
D’une ardeur persévérante ;
Adieu, volages amours !
Selon l’objet, la constance.
Celui-ci, j’en ai croyance,
M’arrêtera pour toujours.
Si ceci plaît à la belle,
Dites-lui que les neuf Soeurs
Me font réserver pour elle
De pleins amas de douceurs.
Cette saison printanière
Ne sera pas la dernière
Des comparaisons qu’Amour
Va m’inspirer à la Cour
De cette jeune bergère.
Une autre fois, je l’espère,
Je ferai, moyennant Dieu
Quelque reine de Cythère
D’Amarante de Beaulieu.
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