Le 30 janvier 1735, une Assemblée de délégués du peuple corse se réunit au Cunventu Sant’Antone di a Casabianca. Elle décide l’indépendance de l’île vis à vis de la République de Gênes qui la domine depuis 450 ans (bataille de La Meliora 1284). Surtout, cette Consulta d’Orezza discute puis valide un "Règlement" qui constitue la première constitution écrite du monde moderne. Il ne sert à rien d’en critiquer son contenu ; mieux vaut constater les progrès considérables réalisés par les Corses eux-mêmes dans leur seconde constitution, celle de 1755, qui est largement plus progressiste que toutes les autres institutions politiques en Europe à cette époque.
Cette constitution fait de la Corse un Etat démocratique intéressant par plusieurs aspects (droit de vote pour les femmes, droit de vote pour tout habitant de plus de 25 ans même étranger, séparation des pouvoirs, droit pour la diète de démettre le chef de l’état ...). Il est vrai que la consulta représente bien plus les clans que l’ensemble des citoyens ; ceci dit, elle reflète la puissance du soulèvement populaire corse depuis l’anecdote du 27 décembre 1729 lorsqu’un magistrat avait voulu extorquer une pièce à un berger du village du Borziu. De plus, il s’agit d’une étape dans le progrès historique.
Sous les ordres de Giacinto Paoli, les insurgés ont affronté les Gênois mais aussi des renforts importants fournis par l’empereur germanique.
En 1737, c’est la France qui envoie aussi des troupes pour écraser les Corses. Ceux-ci sont battus par des forces très supérieures en nombre.
Art. 1 - Au nom de la Très Sainte Trinité, le Père, le Fils et le Sainte-Esprit, de l’immaculée Conception de la Vierge Marie, sous la protection de la Sainte Mère Avocate, nous élisons, pour la protection de notre patrie et de tout le royaume l’Immaculée conception de la Vierge Marie, et de plus nous décidons que tous les armes et les drapeaux dans notre dit royaume, soient empreints de l’image de l’Immaculée Conception, que la veille et le jour de sa fête soient célébrés dans tout le royaume avec la plus parfaite dévotion et les démonstrations les plus grandes, les salves de mousquetaires et canons, qui seront ordonnées par le Conseil suprême du royaume.
Art. 2 - On abolit pour toujours tout ce qui reste encore du nom et du gouvernement de Gênes, dont on brûlera publiquement les lois et les statuts, à l’endroit où la junte établira son tribunal et au jour qu’elle déterminera, afin que chacun puisse assister à celte exécution.
Art. 3 - Tous les notaires seront cassés en même temps, el réhabilités par la junte, dont ils dépendront à l’avenir par rapport à leurs emplois.
Art. 4 - On frappera toutes sortes de monnaies au nom des primats, qui eu détermineront la valeur.
Art. 5 - Tous les biens et fiefs appartenant aux Génois, ainsi que les viviers, seront confisqués ; et les primats en disposeront au profit de l’État.
Art. 6 - Ceux qui ne prêteront pas respect et obéissance aux primats et à la junte de régence, qui censureront et tourneront en ridicule les titres qu’on donnera aux magistrats, de même que ceux qui ne voudront pas accepter les emplois qu’on leur offrira, seront traités comme rebelles, leurs biens confisqués et eux condamnés à perdre la vie.
Art. 7 - Quiconque entrera en négociation avec les Génois ou excitera le peuple à désavouer le présent règlement sera puni de même.
Art. 8 - Les généraux du royaume André Ceccaldi, Hyacinthe Paoli et don Louis Giafferi seront à l’avenir primats du royaume, et on leur donnera le nom d’Altesses Royales de la part de l’assemblée générale et de la junte.
Art. 9 - Ou convoquera une assemblée générale du royaume, composée d’un député de chaque ville ou village, et qui portera le titre de Sérénissime. Douze de ces députés pourront, en cas de besoin, représenter tout le royaume, et auront pouvoir de délibérer sur toutes les occurrences, taxes et impositions, et d’en décider. On leur donnera le titre d’Excellences, tant dans l’assemblée que dans l’endroit de leur demeure, où ils commanderont avec un pouvoir subordonné aux primats et à la junte.
Art. 10 - La junte sera composée de six personnes, qui feront leur résidences où on l’ordonnera. On leur donnera le titre d’Excellence, et l’assemblée générale les changera tous les trois mois, si elle le trouve convenable. Du reste, la convocation de cette assemblée ne se fera que par les primats.
Art. 11 - On formera un conseil de guerre, qui ne sera composé que de quatre personnes, et dont les résolutions et les décisions unanimes seront approuvées par la junte.
Art. 12 - On nommera de même quatre magistrats, avec le titre d’Illustrissimes, subordonnés à la junte, qui veilleront à faire régner l’abondance dans le pays et fixeront le prix des vivres.
Art. 13 - Quatre autres magistrats seront élus avec le titre d’Illustrissimes et chargés tous les trois mois, pour avoir soin des grands chemins et veiller à l’administration de la justice et à la conduite des agents de police.
Art. 14 - Ou choisira un pareil nombre de magistrats, auxquels on donnera le même titre, pour la direction des monnaies.
Art. 15 - On élira un commissaire général de guerre avec quatre lieutenants généraux qui commanderont à tous les soldats et officiers subalternes, et mettront en exécution les ordres du conseil de guerre.
Art. 16 - La junte fera un nouveau code, qui sera publié dans l’espace de quinze jours, et dont les lois lieront tous les habitants du royaume.
Art. 17 - On créera un contrôleur général, qui sera secrétaire et garde des sceaux, tant auprès des commissaires généraux qu’auprès de la junte, et dressera et scellera tous les décrets.
Art. 18 - La junte donnera à tous les officiers, depuis le commissaire général jusqu’au dernier des soldats, les patentes personnelles sans lesquelles nul ne pourra, sous peine de mort, exercer sa charge.
Art. 19 - Chaque membre de l’assemblée générale se choisira un auditeur, qui recevra de même ses patentes de la junte.
Art. 20 - Enfin on créera aussi deux secrétaires d’État, avec le litre d’Illustrissimes, qui seront chargés du soin de prendre garde que la tranquillité du royaume ne soit point troublée par des traîtres, et auront le pouvoir de leur faire leur procès secrètement et de les condamner à mort.
Art. 21 - Les lieutenants généraux, lorsqu’ils en seront légitimement empêchés, pourront se faire représenter, tant à rassemblée que dans la junte.
Art. 22 - On déclare par la présente que don François Raffaelli et don Louis Ceccaldi, à leur retour dans le royaume, seront rétablis, le premier dans sa charge de président, le second, dans celle de lieutenant général, qu’ils occupaient avant leur départ.
L’époque Pisane et Génoise
En raison des désordres que connaît la Corse, au XIe siècle, le pape accorde à l’évêque de Pise l’investiture des évêques corses et les Pisans commencent deux siècles de domination sur l’île. Sous le gouvernement des juges et des seigneurs pisans, des constructions sont édifiées (églises, ponts, etc.). Mais, Pise perd la protection pontificale et des rivalités internes l’affaiblissent. Gênes entre alors en conflit contre son ancien allié dans la lutte contre les Sarrasins. En 1284, à la bataille navale de Meloria, la flotte pisane est détruite. Plusieurs campagnes de Gênes (1289-1290) lui rallient les féodaux, alors que les Pisans renoncent à la Corse. La trêve signée par Pise en juillet 1299 accorde la domination totale de l’île par Gênes. Celle-ci devient génoise pour six siècles, en dépit du Saint-Siège, qui tente en 1297 de confier la direction de la Corse à la maison d’Aragon (Royaume de Sardaigne et de Corse). Les Génois doivent cependant défendre leur nouvelle conquête face aux menaces des Sarrasins (les tours qui ceinturent l’île sont construites plus tard dans ce but), des Aragonais, installés en Sardaigne, des Français, pour qui la Corse est un avant-poste contre l’Espagne. Mais Gênes fonde sa conquête sur sa puissance bancaire.
Gênes partage l’île en dix provinces, elles-mêmes divisées en pièves (les soixante-six pièves reprises du système féodal). Les Génois construisent (urbanisation : Bastia devient siège du gouverneur, ponts, routes, etc.), développent les vergers, importent de Corse vins, huiles, bois, huîtres, poix, mais imposent lourdement la Corse et s’assurent la quasi-exclusivité du commerce avec l’île. La langue et certains usages (religieux notamment) corses sont grandement influencés par l’occupant.
En 1297, le pape Boniface VIII tente de réaffirmer son autorité sur la Corse et la Sardaigne en y investissant Jacques II, roi d’Aragon, et en 1305, le pape Clément V renouvelle cette tentative. Les Aragonais ne s’attaquent qu’à la Sardaigne pisane, dans un premier temps. Les Génois, craignant de voir la Corse envahie, s’allient aux Pisans pour lutter contre les Aragonais en Sardaigne. Mais bientôt, Jacques II renonce à ses droits sur la Corse en échange de la paix en Sardaigne, et s’y installe. Cependant, en 1346, les troupes du roi d’Aragon Pierre IV débarquent vers Bonifacio, et une guerre éclate entre les Génois et les Aragonais et leurs alliés Vénitiens. Gênes sort victorieuse du conflit mais doit alors faire face à la montée de la puissance de la noblesse corse.
La rivalité entre les féodaux corses, les clans génois et le pape Eugène IV se conclut en 1453 par la cession du gouvernement de l’île à une banque, l’Office de Saint Georges. L’Office bâtit de nouvelles tours sur le littoral ainsi que des villes fortifiées : Ajaccio (1492), Porto-Vecchio (1539).
En 1553, les Corses, menés par Sampiero Corso, alliés aux Français et aux Turcs, entament une révolution qui prend Gênes par surprise. Bastia tombe en quelques heures, Corte se rend sans combattre, Saint-Florent et Ajaccio ouvrent leur porte aux révolutionnaires. Bonifacio et Calvi, peuplées de Ligures fidèles aux Génois, résistent à l’abri de leur citadelle. La première tombe, la seconde n’est jamais conquise. L’amiral génois Andrea Doria contre-attaque avec une armada face aux Français, qui ont dégarni la Corse après la victoire et le retrait de leurs alliés turcs. Le général français de Thermes voit les villes tomber tour à tour : Bastia tient huit jours, Saint-Florent résiste trois mois. Sampiero récupère Corte et Vescovato. La Guerre de Corse s’enlise en guerre d’usure : De Thermes et Sampiero sont écartés par la France au profit du général Giordanno Orsini. Le moral des Corses révoltés est entretenu par une suite de guérillas, malgré des représailles jusqu’à la trêve de Vaucelles (5 février 1556), quand Henri II de France rend à Gênes certaines places fortes. Les Génois ne reprennent possession de l’île tout entière qu’avec le traité du Cateau-Cambrésis (3 avril 1559).
L’Office de Saint Georges, qui reprend le commandement de la Corse, impose une série de mesures jugées dictatoriales. La révolte du peuple corse repart lors du débarquement de Sampiero, aidé par Catherine de Médicis, au golfe de Valinco (12 juin 1564). Les insurgés reconquièrent l’intérieur de l’île, laissant les villes côtières aux Génois. Malgré les renforts envoyés rapidement, Gênes n’inflige aucune défaite décisive à Sampiero. Des villages sont détruits, Cervione brûlé, mais Corte se rend aux insurgés. La République doit faire appel aux Espagnols pour reprendre certaines places (1566), tandis que les renforts envoyés par la France à Sampiero s’avèrent inefficaces. Après nombre de trahisons et de désertions dans les rangs insurgés, Sampiero est tué près de Cauro (guet-apens d’Eccica-Suarella, 17 janvier 1567). Son fils de 18 ans ne continue la lutte que deux ans avant de s’exiler en France (1er avril 1569).
La République de Gênes exploite le Royaume de Corse comme une colonie, moyennant des droits à payer à l’Office de Saint Georges. L’administration est réorganisée autour de paroisses démocratiques, une crise ravage l’économie, Calvi et Bonifacio bénéficient de franchises et d’exemption pour leur fidélité aux Ligures, le gouverneur de la colonie instaure un système juridique corrompu. Les Statuts (décembre 1571) garantissent un minimum de justice et le Syndicat défend, pour un temps, les autochtones. Le maquis devient le refuge des condamnés par contumace, mais l’insécurité est réduite par une redevance sur les ports d’armes. Les impôts comme le commerce sont iniques et les Génois se réservent des monopoles. Après 1638, une nouvelle politique économique est alors instaurée : plantation d’arbres et de vignes, accroissement du cheptel, etc. mais aucun Corse ne peut accéder à la propriété. Les bergers corses sont chassés peu à peu des plaines, les autochtones grondent. En 1729, éclate la guerre d’Indépendance. Les guerres d’indépendance corses [modifier] Émeutes de 1729 [modifier]
Les émeutes spontanées de 1729 éclatent suite à l’incident de Bustanico, à savoir le prélèvement des impôts par le gouverneur en dépit de la décision de Gênes d’arrêter leur levée. Elles se cristallisent sur le refus de l’impôt, mais les causes profondes sont multiples : la pression fiscale en général, taille et gabelle jugées excessives pour le contexte économique de crise ; mais aussi, les abus des percepteurs génois envers les Corses ; et enfin, l’insécurité exacerbée par la disette, due à des bandits isolés ou à des bandes audacieuses. Cette troisième raison entraîne la demande de rétablissement du port d’armes, dans un souci traditionnel en Corse d’assurer soi-même sa propre sécurité et de se faire sa propre justice. Gênes interprète cette revendication comme un refus de payer l’impôt de deux seini.
Les premières émeutes démarrent en novembre 1729, dans la région du Bozio. La rébellion s’étend par la suite à la Castagniccia, la Casinca, puis le Niolo. Saint-Florent et Algajola sont alors attaquées, Bastia mise à sac en février 1730, et en décembre de cette même année, lors de la consulte de Saint-Pancrate, la Corse élit ses généraux : Luigi Giafferi, Andrea Ceccaldi et l’abbé Raffaelli. Gênes fait alors appel aux troupes de l’empereur Charles VI. Cette intervention impériale de 1731 est repoussée une première fois mais quelques semaines plus tard, de puissants renforts viennent à bout des rebelles. En juin 1733, Gênes accorde au peuple corse certaines concessions garanties par l’Empereur, mais jugées insuffisantes dans l’île. La rébellion reprend quelques mois plus tard, sous le commandement cette fois de Hyacinthe Paoli, le père de Pascal. Théodore de Neuhoff [modifier] Article détaillé : Théodore de Neuhoff.
Le 15 avril 1736, Théodore de Neuhoff, choisi par des partisans corses, est élu roi et promulgue des lois qui le rendent populaire. Il installe la capitale de l’île à Cervioni en Castagniccia. Cependant il ne parvient pas à s’imposer aux monarchies génoise, française, britannique. Dépité au bout de 7 mois, il repart sur le continent. Il tentera un retour en 1738 puis en 1743, avec les Britanniques, sans succès. Les interventions françaises [modifier]
En 1737, par la convention de Versailles, la France s’engage à intervenir en Corse si Gênes en fait la demande.
Le gênois Gian Francesco II Brignole Sale, ancien chef de la junte chargé d’examiner les demandes des insurgés et ambassadeur de Gênes à Versailles obtient de la France l’envoi d’un corps expéditionnaire de 3000 hommes sous les ordres du comte de Boissieux. Lors de la première intervention, de 1738 à 1741, les troupes françaises, alors alliées à Gênes, débarquent en Corse, où elles sont vaincues à Borgo le 13 décembre 1738. Quatre mois plus tard, le gouvernement français envoie sur l’île des renforts commandés par le marquis de Maillebois, qui obtient la reddition des insurgés en juillet 1740. S’ensuit le départ en exil des chefs de cette rébellion, notamment Giafferi et Hyacinthe Paoli, qui emmène avec lui son fils, Pascal.
En 1745, une coalition anglo-austro-sarde, opposée aux Français, aux Espagnols et aux Génois dans la guerre de succession d’Autriche s’empare de Bastia, avec l’aide de Rivarola, alors chef d’une faction corse. La deuxième intervention française de 1746 permit à Gênes de reprendre la ville, grâce à une discorde entre les chefs Rivarola, Gaffori et Matra. En 1748, Bastia est attaquée par la même coalition, appuyée par les insulaires, mais les assiégeants doivent se retirer avec la paix d’Aix-la-Chapelle.
À partir de 1748, l’île est administrée, pour le compte de Gênes, par le marquis de Cursay. En octobre 1752, les patriotes corses rejettent les règlements proposés par Cursay et adoptent un nouveau système de gouvernement sous le commandement de Gaffori. Cursay est renvoyé en décembre de la même année. Un an plus tard, Gaffori est assassiné. Il s’établit alors une régence présidée par Clémente Paoli, qui rappelle Pascal Paoli en Corse. Le 14 juillet 1755, ce dernier est élu général en chef de Corse à la consulte du couvent Saint-Antoine de la Casabianca d’Ampugnani. En novembre, sa constitution est adoptée par une consulte de Corte : elle prévoit la séparation des pouvoirs et le vote des femmes. Considérée comme la première constitution démocratique des Temps Modernes, Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, James Boswell et de nombreux penseurs des Lumières en présentent les mérites.
30 janvier (hérodote)
Le 30 janvier 1735, une assemblée corse, la Consulta d’Orezza, rejette la domination de Gênes, qui remonte à la bataille de La Meloria (1284), et donne une Constitution à l’île.
Mais sans s’en douter, les insurgés travaillent pour la France qui ambitionne de prendre pied sur l’île et d’en chasser la République de Gênes. André Larané.
Un rêve avorté
A l’orée du « Siècle des Lumières », la République de Gênes n’est plus que l’ombre d’elle-même et les Corses ne supportent plus leur allégeance. C’est le début d’une « Guerre de quarante ans ».
Une première révolte éclate le 27 décembre 1729 lorsqu’un magistrat prétend soutirer une pièce à un berger du village du Borziu sous prétexte d’impôt. Un an plus tard, la révolte paysanne est relayée par les notables. Une assemblée (consulta) désigne trois d’entre eux à la tête de l’insurrection. Il s’agit de Luigi Giafferi, Andrea Ceccaldi et l’abbé Marc-Aurèle Raffaelli.
Gênes fait appel à l’empereur d’Allemagne Charles VI de Habsbourg qui lui envoie 8000 hommes sous le commandement du baron de Wachtendonck. Grâce à ces renforts, la République soumet les notables corses et les amadoue avec de belles promesses. Mais le répit est de courte durée. Dès 1734, la guerre reprend à l’initiative du général Giacinto - ou Hyacinthe - Paoli.
C’est alors que se réunissent à Orezza les délégués de toute l’île. Ils rejettent officiellement la souveraineté génoise et se donnent une Constitution.
Cette Constitution du Royaume de Corse introduit la souveraineté du peuple et la séparation des pouvoirs. Elle prévoit un exécutif de trois Primats et une Assemblée populaire (Consulta) formée par les élus des 90 cantons (pièvi). Rédigée par l’avocat ajaccien Sebastianu Costa, cette Constitution - la première de l’Histoire - n’entrera jamais vraiment en application mais elle inspirera quelques décennies plus tard les Insurgents d’Amérique et les révolutionnaires de Paris.
Par la même occasion, les insurgés corses se donnent un hymne national. C’est le « Dio vi Salvi Régina ». L’assemblée se met par ailleurs en quête d’un monarque et offre la couronne de Corse au roi d’Espagne. Mais celui-ci la refuse.
Le 20 mars 1736, un curieux personnage débarque à Aléria d’un bateau anglais. Le baron Théodore von Neuhoff amène avec lui quantité d’armes et de bottes. Il met sa fortune au service des insurgés et reçoit d’eux, en récompense, la couronne qu’avait dédaignée le roi d’Espagne. Mais quelques mois plus tard, découragé par les disputes intestines et par la contre-offensive diplomatique de Gênes, le roi Théodore reprend le bateau pour le continent, en quête de soutiens diplomatiques.
Seuls les Anglais se montrent intéressés à aider les insurgés. C’est qu’ils veulent tirer parti de l’insurrection pour prendre pied en Corse. Le Premier ministre français, le cardinal Fleury, riposte en apportant son aide aux Gênois en 1737.
Le double jeu de Paris
Chauvelin, secrétaire d’État aux Affaires étrangères dans le gouvernement du cardinal Fleury, projette rien moins que de pousser les Corses à la révolte pour mieux les mater et se rendre ensuite indispensable aux Génois. Il écrit à l’envoyé extraordinaire de France à Gênes, le 26 avril 1735 (*) :
« Après un mûr examen de tout ce que vous m’avez écrit et adressé sur la Corse, Monsieur, voici ce qui a été jugé et résolu par le roi, de l’avis de son conseil.
Sa Majesté estime qu’il y aurait un grand inconvénient à laisser soupçonner nos vues sur cette île qui deviendraient même bientôt publiques si nous faisions quelques propositions au Sénat ; qu’il ne peut pas d’ailleurs nous convenir d’enlever la Corse comme une usurpation sur les Génois ; cela exciterait les cris de toute l’Europe et nous en aurions peut-être le démenti par ce que l’on ne soutient point avec honneur ce qui a l’air d’une injustice. Cependant, le roi juge que cette acquisition est très importante pour le commerce des Français dans le Levant, et voici le seul système que sa Majesté croie praticable, et auquel il convient que pour ce qui vous regarde vous travailliez sans perdre de temps afin que nous ne soyons pas prévenus par d’autres que nous savons qui pensent la même chose.
Il faut dès aujourd’hui commencer à former sourdement un parti en Corse et tâcher que cela se mène sagement et bien secrètement. Appliquez-vous à inspirer (sans laisser deviner la France) aux meilleures têtes de la République que l’île est à charge et que plutôt que de se la laisser enlever, ils devraient songer à s’en accommoder avec quelque puissance qui n’eût intérêt que de protéger les Génois.
Cependant, tâchons d’amener les choses au point, en Corse, que tous les habitants tout d’un coup se déclarent sous la protection de la France : alors et sur-le-champ, le Roi y enverrait quelques troupes et ce que les habitants demanderaient.
Nous déclarerions en même temps à Gênes que nous n’avons envoyé ces troupes que pour que les Corses ne se donnent à personne et que nous sommes prêts de travailler à remettre, s’il est possible, les peuples sous l’obéissance de la République, à moins qu’elle ne jugeât devoir s’en accommoder avec nous par un traité de vente... ».
Les troupes françaises entrent en lice en 1738, sous le commandement du comte de Boissieux puis du maréchal de Maillebois. Battus, les insurgés reprennent les armes un peu plus tard, en 1743. Le marquis de Cursay pacifie l’île et les Français se retirent enfin dix ans plus tard. La première Constitution de l’Histoire
En Corse, le feu couve sous la cendre.
Pasquale Paoli (1725-1807) Pasquale - ou Pascal - Paoli (30 ans) prend la relève de son père et soulève le peuple. Il crée un « Royaume de Corse » indépendant... et sans roi. Lui-même est proclamé général en chef à la consulta de 1755.
Corte, au centre de l’île, est désignée comme capitale du nouveau royaume, de préférence aux villes génoises de la côte, Ajaccion et Bastia.
Une Constitution est votée la même année. Elle établit la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Elle accorde aussi le droit de vote aux citoyens et citoyennesde plus de 25 ans. C’est la première Constitution écrite de l’Histoire qui ait reçu un début d’application, la précédente, celle de 1735, n’ayant pas eu cette chance.
Pasquale Paoli repousse les Gênois sur la côte, fait assécher les marais, fonde une ville nouvelle sur la côte, l’Ile Rousse, ouvre une Université à Corte,... Il modernise les institutions de l’île et demande même au philosophe Jean-Jacques Rousseau, qui vient de publier le Contrat social, un nouveau projet de constitution pour la Corse (1765).
Lasse de la guerre, Gênes cède « provisoirement » ses droits sur la Corse à la France par le traité de Versaillesdu 15 mai 1768.
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