Lettre du Président Zelaya à Barack Obama

samedi 28 novembre 2009.
 

Monsieur le président [...]

L’avenir que vous nous montrez en changeant de position vis-à-vis du Honduras, favorisant ainsi l’intervention abusive des castes militaires dans la vie civique de notre État (cause historique du retard et de l’enlisement de nos pays au XXème siècle), n’est que le crépuscule de la liberté et un mépris pour toute dignité humaine, c’est une nouvelle guerre contre les processus de réformes sociales et démocratiques dont notre pays a tant besoin.

Monsieur le Président,

Lors de ma première rencontre après le Coup d’État avec la Secrétaire d’État H. Clinton, le 08/07/2009, la position de l’administration Obama était claire à mes yeux comme aux yeux du monde quant à sa décision de condamner le Coup d’État, de ne pas reconnaître les autorités en place, d’exiger le retour à l’État de Droit et la restitution du Président élu par le peuple.

La position officielle de votre gouvernement corroborait l’appui et la signature par vos représentants des résolutions de l’ONU et de l’OEA, dont le troisième point exige ma restitution immédiate en toute sécurité.

Le 28 juin 2009, les militaires m’ont séquestré et expulsé au Costa Rica. Le Congrès de la République a émis un décret illégal donnant l’ordre de « défaire le citoyen José Manuel Zelaya de sa charge de Président Constitutionnel de la République » sans en avoir le pouvoir constitutionnel, sans respecter le processus légal ni aucune autre forme de procès.

Dès la première réunion avec la Secrétaire Hillary Clinton, on m’a proposé la médiation du Président du Costa Rica Oscar Arias que j’ai acceptée, bien que je crois contre-productif le dialogue avec des personnes ayant une arme à la main, compte tenu de la protection des États-Unis et de la communauté internationale..

Dans un communiqué daté du 04 septembre de cette année, la Secrétaire d’État Hillary Clinton s’exprimait ainsi : « La conclusion positive du processus initié par Arias serait la base appropriée pour procéder à des élections légitimes ».

Tout le monde sait bien que sans la visite au Honduras du Sous-Secrétaire d’État pour l’Hémisphère Occidentale, Thomas Shannon, de Daniel Restrepo et de Craig Kelly, le Régime de Facto n’aurait pas signé l’Accord. Nous savons tous pourquoi l’accord Tegucigalpa-San José a été rompu.

Le président Oscar Arias lui-même, sur l’autel de la vérité, a déclaré que : « Micheletti n’a jamais eu la volonté de collaborer, bien au contraire, il s’est moqué de la communauté internationale et n’a cherché qu’à dilater le temps pour ne jamais rendre le pouvoir à celui à qui il a été confié ».

L’ex-Président Ricardo Lagos, membre éminent de la Commission Internationale de Vérification l’a confirmé en déclarant : « Monsieur Micheletti a rompu l’accord », « Micheletti a fait des choses qu’il n’aurait pas dû faire comme le fait de dire qu’il formerait un gouvernement d’unité avec Zelaya », ce qui a fait échouer l’accord négocié.

Le jour même de l’installation à Tegucigalpa de la Commission Internationale de Vérification, de surprenantes déclarations émanant de fonctionnaires du Département d’État, laissait entendre un changement de position et une interprétation unilatérale de l’Accord : « ...les élections seraient reconnues par les États-Unis avec ou sans restitution... », Le régime de facto a célébré ce volte-face et utilisé ces déclarations pour ses objectifs, ils ont donc immédiatement fait échouer l’Accord en le violant.

A l’aune de ce qui a été exposé précédemment, nous déclarons :

- Que l’Accord Tegucigalpa-San José demeure sans valeur ni effet à cause de sa non-exécution unilatérale de la part du gouvernement de facto. Cet Accord a été conçu pour être appliqué dans sa forme intégrale et simultanée, puisqu’il n’a pas été envisagé comme douze accords distincts mais bien comme un seul accord constitué de douze points avec un seul but : restaurer l’ordre démocratique et la paix sociale. C’est le seul moyen pour renverser le Coup d’État et garantir le retour du Président de la République légitimement élu par le peuple. Il sera ainsi possible de faire régner un climat propice à la réconciliation nationale et à un processus électoral constitutionnel propre, avec la garantie d’une participation égalitaire et libre de tous les citoyens du Honduras.

- Que les prochaines élections devaient se dérouler dans un cadre légal et avec l’appui international, notamment de l’OEA et de l’ONU et qu’en dehors de ces conditions politiques et de ces droits du citoyen minimum, aucun résultat fidèle à la liberté et à la transparence ne saurait être garantie. Je veux noter, ici, que la nouvelle position des fonctionnaires du Gouvernement des États-Unis esquive l’objectif initial du dialogue de San José, en reléguant au second plan un accord avec le gouvernement reconnu comme légitime et en essayant de transférer cet Accord vers un processus électoral sans prendre en compte les conditions dans lesquelles il se déroule. Entre autres, avec des ressources publiques, autorisées par des fonctionnaires, qui ne sont pas légalement reconnues et imputées à un document budgétaire qui n’a pas été autorisé par le Président légitimement reconnu.

Dans ces conditions, ce processus et donc ses résultats feront l’objet de contestations et ne seront pas reconnus ; ce qui met gravement en péril la stabilité future des relations entre le Honduras et toutes la nations qui auront reconnu ces résultats.

Le Secrétaire Général de l’OEA José Miguel Insulza a signalé que le climat politique ne permet pas d’envisager des élections, de même, la Congressiste nord-américaine Jane Sharkovski, lors d’ une récente visite dans notre pays, a pu observer et confirmer la violation actuelle des droits humains au Honduras.

Le 06 novembre dernier, nous avons fait part de notre refus de poursuivre ce dialogue tronqué, étant donné que le délai a expiré, le texte est rendu caduque et n’est plus en vigueur, car la pérennité d’un accord n’a lieu que si la forme et les délais en sont respectés, la violation de celui-ci par le régime de facto est selon nous déterminant dans cet échec.

Il ne fait aucun doute que nous avons perdu un temps précieux dans cette tentative échouée.

L’élection présidentielle est actuellement prévue pour la dernière semaine de novembre. Dans ces conditions, en tant que Président Constitutionnel et citoyen, représentant le peuple du Honduras qui m’a démocratiquement élu, je me vois dans l’obligation d’informer que non seulement nous ne pouvons l’appuyer mais nous allons mettre en œuvre tous les moyens légaux pour le contester, au nom de milliers de honduriens et de centaines de candidats qui voient dans ces élections une compétition inégale et l’impossibilité d’y participer librement.

- Au Honduras, ce pays où le peuple est aujourd’hui soumis à la répression, où la plus haute autorité du Président de la République n’est pas respectée, où n’a pas été considéré, qu’en trois ans, j’ai obtenu les meilleurs indicateurs économiques et la plus importante réduction de la pauvreté en 28 ans de vie démocratique, où j’ai été renversé par la force des armes, où je n’ai pas même été jugé selon le processus légal, où je suis menacé par 24 chefs d’accusation et des ordres de capture pour narcotrafic, corruption et terrorisme entre autres, où la plupart des Ministres de mon cabinet font l’objet de persécutions politiques et sont contraints de fuir le régime vers différentes parties de l’Amérique.

- 3500 personnes arrêtés en cent jours, plus de 600 personnes blessées lors de manifestations, plus d’une centaine d’assassinats et un nombre incalculable de personnes victimes de torture parce que ces citoyens osent s’opposer et exprimer leurs idées de liberté et de justice dans des manifestations pacifiques, tout cela fait des élections de novembre un exercice anti-démocratique, à cause de leur illégitimité et de l’intimidation militaire, pour une grande partie de notre peuple.

- Réaliser des élections, alors que d’un côté le Président élu par le peuple du Honduras, reconnu par son gouvernement et la Communauté Internationale, se trouve prisonnier et encerclé par des militaires dans le siège diplomatique du Brésil, et de l’autre un président de facto ayant imposé les militaires, entouré des puissants au palais du gouvernement, restera une honte historique pour le Honduras et une infamie pour tous les peuples d’Amérique.

- Ce processus électoral est illégal non seulement parce qu’il dissimule le Coup d’État mais aussi parce qu’il ne présente aucune garantie d’égalité et de liberté dans la participation citoyenne de tous les honduriens. Il s’agit d’une manœuvre électorale anti-démocratique, répudiée par une grande partie du peuple, pour couvrir les auteurs matériels et intellectuels du Coup d’État.

- Les élections constituent un processus en ceci qu’elles ne se résument pas à une journée de vote mais supposent, au contraire, un débat, une exposition d’idées et une égalité des chances.

- En ma qualité de Président élu par le peuple hondurien, je réaffirme ma décision, à partir de ce jour et de manière inconditionnelle : JE N’ACCEPTE aucun accord de retour à la présidence dont la finalité est de couvrir le Coup d’Etat, car nous savons qu’à travers la répression militaire, il a un impact direct sur les droits humains des habitants de notre pays.

Monsieur le Président,

Lors du Sommet de Pays du Continent célébré à Trinité-et-Tobago au début de l’année, où j’étais présent, vous avez déclaré :

« Nous cesserons d’accuser les États-Unis pour ce qu’ils ont fait dans le passé et nous regarderons vers l’avenir ». L’avenir que vous nous montrez en changeant de position vis-à-vis du Honduras, favorisant ainsi l’intervention abusive des castes militaires dans la vie civique de notre État (cause historique du retard et de l’enlisement de nos pays au XXème siècle), n’est que le crépuscule de la liberté et un mépris pour toute dignité humaine, c’est une nouvelle guerre contre les processus de réformes sociales et démocratiques dont notre pays a tant besoin.

Monsieur le Président Obama,

Chaque fois qu’un gouvernement légitimement élu en Amérique est renversé, la violence et le terrorisme gagnent une bataille et la Démocratie subit un échec.

Nous ne voulons pas croire que ce Coup d’État militaire au Honduras soit déjà le nouveau terrorisme d’État du XXIème siècle ni que ce sera l’avenir pour l’Amérique Latine dont vous nous parliez à Trinité-et-Tobago.

Nous sommes fermement résolus à lutter pour notre démocratie sans cacher la vérité, et quand un peuple décide de lutter pacifiquement pour ses idées, il n’est ni arme, ni armée, ni manoeuvre assez puissantes pour l’arrêter.

Dans l’attente d’une prompte réponse de votre part, veuillez recevoir mon plus profond respect.

JOSE MANUEL ZELAYA ROSALES

PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU HONDURAS

Traduit de l’espagnol par Guillaume Beaulande.

Source : http://www.telesurtv.net/noticias/c...


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