Il se trouve des camarades qui considèrent la lutte des classes comme une vieille lune du passé, dépassée, et les rappels historiques comme désuets.
Dussé-je passer pour un vieux radoteur ou un donneur de leçon, je réaffirme avec force que non seulement la lutte des classes est le principe réglant les rapports sociaux aujourd’hui, mais il l’est encore plus qu’avant. Je vais tenter de le démontrer à partir de mon expérience personnelle. Quant à l’histoire, il me paraît qu’il n’est de bonne vision de l’avenir qu’avec une bonne connaissance du passé. Je profite de cette remarque pour remercier notre camarade Jacques Sérieys, pour ses chroniques historiques sur notre site.
J’ai commencé à travailler en 1959, à Paris. J’avais 17 ans. Mon seul diplôme officiel était le certificat d’études primaires. En dépit de ce handicap quasi insurmontable aujourd’hui, j’ai immédiatement été embauché comme employé de banque (guichetier), avec un contrat à durée indéterminée, qui plus est. Puis j’ai suivi mes parents à Montpellier, en janvier 1960. J’ai tout de suite travaillé comme aide-comptable, sous CDI, à l’Office départemental des HLM de l’Hérault. Mes parents sont remontés à Paris un an après. Après quelques jours, j’ai trouvé un emploi d’aide-comptable dans une petite entreprise du transport routier, toujours sous CDI. J’y suis resté jusqu’en 1966. De janvier 1962 à juin 1963, j’ai fait mon service militaire. Et en novembre 1963, à 21,5 ans, j’ai pu me marier et commencer à construire ma vie, hors du domicile de mes parents. J’ai continué mon périple dans deux autres entreprises, une du cinéma, une du bâtiment, mais en qualité de comptable, jusqu’en 1970. Dans toutes ces entreprises, tout en travaillant, je montais chaque fois une section syndicale CGT.
C’est alors que, remarqué, la CGT m’a proposé de devenir journaliste à son hebdomadaire La Vie Ouvrière, et qu’elle m’a envoyé dans la plus grande école de journalistes de France, à l’époque, à Paris. J’en suis sorti diplômé deux ans après. Et, en 1989, après m’être beaucoup fâché avec la CGT, je suis retourné travailler dans les conditions du secteur privé, pour une ville socialiste de la région parisienne, comme directeur de communication et accessoirement directeur de cabinet.
Si j’éprouve le besoin de faire ce rapide récit de ma vie professionnelle, ce n’est pas pour me mettre en avant, mais pour la comparer avec ce qui passe depuis le début des années 80 et de pire en pire jusqu’à aujourd’hui.
Si j’avais 17 ans aujourd’hui, sans diplôme, comme je l’étais en 1959, je serais voué à ne faire que des petits boulots sous contrats à durée déterminée, entrecoupés de longues périodes de chômage, condamné à vivre chez mes parents et pour partie à leur charge, jusqu’à 30, voire 35 ans. Quant au militantisme syndical je ne m’y hasarderais certainement pas.
Il est manifeste que ce parallèle entre la situation des années 50 à 70 et celle qui prévaut depuis 1980, montre que les rapports entre les salariés et les employeurs se sont considérablement dégradés au détriment des salariés.
Oh certes, l’exploitation des salariés, par les employeurs, n’a plus la même forme qu’auparavant. Physiquement, les travaux sont moins pénibles. On ne voit plus les ouvriers creuser des tranchées à la pioche et à la pelle, il n’y a plus de mineurs de fonds, du moins en France.
Aujourd’hui, l’exploitation prend la forme de pressions psychologiques, dont la précarisation généralisée est le levier principal. Mais au bout du bout, la logique capitaliste est la même qu’il y a 50 ou 150 ans. Il s’agit pour les patrons, dans le but de réaliser des profits maximum, de payer le moins possible leurs salariés et de les faire travailler le plus longtemps possible, selon des normes de productivité toujours plus infernales. Alors que de l’autre côté, les salariés souhaitent gagner plus, tout en travaillant moins longtemps, selon des cadences plus douces. Nous sommes là devant un antagonisme irréductible, consubstantiel au capitalisme, qui a été baptisé « lutte des classes ».
N’en déplaise aux doux rêveurs, y compris dans nos rangs, ils peuvent décréter que l’expression « lutte des classes » est dépassée, il n’en reste pas moins que le mécanisme de l’exploitation capitaliste dans les entreprises, lumineusement démontré et démonté par Marx, est toujours aussi vivace.
Je sais bien que, sous prétexte de modernité, on dénature les mots et les réalités les plus incontournables. N’est-il pas plus chic de faire d’une femme de ménage une technicienne de surface ? Je suis sidéré que chez nous, certains succombent à cette mode du changement pour le changement.
J’enrage que tous les « modernistes » n’aient toujours pas trouvé le moyen de nous faire manger ou respirer autrement que par la bouche ou le nez. Pour moi ça fait 67 ans que je mange et respire de la même façon, et j’vous dis pas ce qui se passe à l’autre extrémité de mon tube digestif. Je trouve cela lassant, mais je manque d’imagination. Alors, les modernistes, au travail, changez-moi ça et vite !
Robert Mascarell
croit plus que jamais en l’existence de la lutte des classes qu’en celle de dieu
le 27 septembre 2009
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