Sarkozy, Hollande, Macron : Enrichir sans cesse les plus riches, appauvrir les autres

mercredi 26 juillet 2017.
 

Le rapport annuel de l’Observatoire des inégalités dresse le portrait d’une France où les écarts de niveau de vie se creusent entre plus riches et plus pauvres.

L’Observatoire des inégalités (ODI) a publié son deuxième rapport annuel. Réalisé par des économistes et des chercheurs en sciences sociales, l’ouvrage est un outil indispensable. Plein de chiffres et de données brutes, il dessine l’image d’une France dans laquelle les écarts entre les plus pauvres et les plus riches ne cessent de se creuser. Il passe aussi en revue un certain nombre de facteurs d’inégalité, comme l’éducation, les salaires, le patrimoine, le sexe, l’âge ou encore l’origine. De quoi alimenter les débats et contrer les discours de ceux qui veulent nier la réalité de l’iniquité sociale comme de ceux qui font leur fonds de commerce d’un discours alarmiste sur le déclassement.

1. Revenus, patrimoine… Le fossé se creuse

Le fossé entre les revenus des Français les plus aisés et ceux des moins favorisés continue de s’agrandir. Sur 1 000 milliards d’euros de revenus disponibles en 2013, les plus riches en ont capté 273 contre seulement 29 pour les plus pauvres. Avec une particularité  : ces inégalités de revenus ne s’accroissent plus seulement par le haut. Les catégories les plus modestes de la population ont vu leur niveau de vie diminuer depuis une dizaine d’années. «  On n’assiste pas à une “explosion” des inégalités de revenus, note l’observatoire. Notre système de protection sociale limite en partie les écarts et les creusements. Mais il y a un affaiblissement des plus pauvres, ce qui constitue une inversion de tendance historique.  »

Entre 2003 et 2014, les 10 % les plus favorisés (de plus de 3 000 euros net mensuels après impôts et prestations sociales pour une personne seule jusqu’aux «  super-riches  ») ont vu leur niveau de vie s’améliorer globalement (+ 272 euros par mois en moyenne), malgré une nette diminution entre 2011 et 2013 sous l’effet notamment des hausses d’impôts. Les classes moyennes, elles, ont plutôt connu une période de stagnation. Quant au niveau de vie des 10 % les plus pauvres, il a évolué en dent de scie, diminuant au final en moyenne d’une trentaine d’euros par mois…

De côté des 10 % des plus riches, après avoir baissé en continue entre les années 1960 et le début des années 1980, leur part du revenu national est repartie à la hausse pour atteindre 34 % à la veille de la crise de 2008. Cette dernière a fait redescendre le chiffre à 32 % mais la reprise de la Bourse et de l’immobilier pourrait avoir de nouveau augmenter leur part. Mais c’est en matière de patrimoine que le décalage est le plus impressionnant. En 2015, 10 % de la population détient 90 % du patrimoine quand les 50 % en bas de l’échelle en possèdent 8 %. Cela fait un patrimoine médian net de 16 400 euros pour un ouvrier non qualifié, contre 205 000 pour un cadre supérieur.

La pauvreté, qui diminuait depuis la fin des années 1970, est repartie à la hausse depuis le début des années 2000 et plus encore depuis la crise de 2008. Entre 2008 et 2012, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté – c’est-à-dire les personnes vivant avec moins de 50 % du revenu médian, qui est calculé en France à un peu plus de 1 700 euros – a augmenté de 800 000 personnes pour atteindre cinq millions. Cette pauvreté est pour l’essentielle liée au manque d’emploi puisque les chômeurs et les inactifs représentent 71 % des pauvres. À cela s’ajoutent 1,9 million de travailleurs pauvres, dont le nombre a évolué en dent de scie pour revenir aujourd’hui à un niveau à peu près équivalent à ce qu’il était dans le milieu des années 1990. Malgré cette augmentation de la grande précarité, «  on est loin des 9 millions de pauvres, chiffre souvent avancé dans le débat public qui concerne une population très modeste mais dont la majorité dispose d’un mode de vie bien moins dégradé que les plus pauvres  », met en garde l’ODI. Avec des salaires allant de 1 471 à 2 682 euros net, la classe moyenne, c’est-à-dire ceux dont le revenu se situe entre les 30 % les moins biens payés et les 20 % les mieux rémunérés, a vu ses revenus stagner mais elle n’a pas sombré dans la précarité.

2. La crise n’est pas pour tout le monde

Le discours sur la crise qui frappe les Français ne doit pas faire illusion. En réalité, «  elle frappe essentiellement les milieux populaires, rappelle le rapport de l’ODI. Notre société du travail se divise entre stables (majoritaires) et flexibles (minoritaires), entre ceux qui connaissent peu ou prou leur avenir et une minorité de “flexibles” qui permettent d’ajuster l’offre de travail et qui naviguent à vue sans pouvoir se projeter  ». Dans un contexte où l’emploi précaire augmente, pour représenter aujourd’hui 13 % des emplois, soit 3,4 millions de personnes, les catégories les moins formées servent de «  variable d’ajustement  ». Les employés ou des ouvriers, qui représentent déjà 95 % des smicards, constituent aussi 70 % des nouveaux chômeurs apparus entre 2008 et 2016. Chez les ouvriers non qualifiés, le taux de chômage atteint 20 %. Ce sont aussi les catégories populaires, et d’abord les femmes, qui sont le plus affectées par la hausse du temps partiel subi. L’inégalité fasse à la précarité est encore plus patente chez les jeunes. L’augmentation de l’emploi précaire a touché entre 2008 et 2014 toutes les catégories de niveau de diplômes. Mais pour les non-diplomés, elle a explosé, passant de 5 à 34 % quand elle passait seulement de 6 à 10 % pour les personnes ayant fait des études supérieures. Pour cette partie précarisée de la population française, le pessimisme décrié dans les médias n’est pas une lubie. «  Ils font seulement l’expérience quotidienne de la dégradation de la qualité de l’emploi en France  », rappelle l’ODI.

3. Une école de la reproduction  ?

L’ascenseur social est-il bloqué  ? Ce débat est alimenté entre autres par l’inégal accès au diplôme, «  très important en France où disposer d’un titre scolaire joue un rôle plus important qu’ailleurs  ». Ce sont ainsi 28 % des ouvriers et 16 % des employés qui n’ont aucun diplôme, contre seulement 1 % des cadres. Plus de 67 % des pauvres ont un diplôme inférieur au bac. Plus grave pour la mobilité, cette situation se reproduit en partie puisque 52 % des enfants de cadres ou d’enseignants obtiennent un bac + 3, contre seulement 8 % des enfants d’ouvriers non qualifiés, qui sont, par ailleurs, 60 % à avoir un niveau inférieur au bac. à la fin du collège, 85 % des enfants de milieu favorisé vont en seconde générale quand les enfants d’ouvriers, d’inactifs ou d’employés représentent 90 % des personnes scolarisées en classe adaptée. Nettement plus présents dans les filières courtes et techniques, les enfants des classes populaires sont en revanche à peu près absents des classes préparatoires. Pour autant, critiquant les enquêtes qui épinglent l’incapacité de l’école française à réduire les inégalités, l’ODI souligne, au contraire, que la France est un des pays «  où les enfants de parents peu diplômés s’en sortent mieux que la moyenne  ». Pour preuve, le très détaillé tableau de la mobilité sociale, qui montre que si les ascensions sociales radicales sont rares, et si on reste en moyenne dans son milieu, il y a pour les classes populaires des moyens d’ascension lente, en passant par exemple d’ouvrier ou d’employé à agent de la fonction publique. Reste que les enfants de pauvres sont pénalisés à l’école en raison de «  la façon dont les dominants bloquent toutes les évolutions du système éducatif, même les plus mineurs, de la modernisation de l’orthographe à l’assouplissement de la notation en passant par les langues anciennes  ».

4. L’âge et le sexe, deux facteurs d’inégalités

Avec un revenu mensuel net moyen de 2 276 euros, les 60-69 ans constituent la tranche d’âge la plus aisée. Ce montant est 34 % supérieur à celui des 20-29 ans (1 702 euros) et 21 % plus élevé que celui des 30-39 ans. Les jeunes sont aussi plus au Smic (28,3 % des moins de 25 ans, 11 % des 25-29 ans, contre 7 % dans les autres tranches d’âge).

Moins bien formées, moins bien payées (20 % de moins que les hommes), plus nombreuses dans les catégories sociales les plus populaires, les femmes sont aussi les plus précaires. À poste égal, elles touchent 10 % de moins que les hommes. Mais si on inclut toutes celles qui sont à temps partiel, cet écart atteint 25,7 %. Elles sont 13 % au Smic, contre 6 % des hommes. Les cadres supérieures sont les plus pénalisées puisque leur salaire est en moyenne 20 % inférieur à celui des hommes, quand la différence est de 8,9 % chez les employées. La récente réussite scolaire des filles, qui, depuis peu, ont dépassé les garçons y compris dans les matières scientifiques, peine encore à se traduire dans les emplois et les niveaux de vie. Elles restent «  surreprésentées dans les secteurs de l’enseignement les moins valorisés et qui conduisent le moins souvent à des postes où les responsabilités et les salaires sont les plus élevés  », relève l’observatoire.

Camille Bauer, L’Humanité


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