Pour un revenu maximal global de 6 800 euros avec un RSA à 450 euros (Sans l’égalité, la démocratie est un vain mot)

lundi 7 septembre 2009.
 

Par Christophe Ramaux, économiste, maître de conférences à l’université Paris-I, signataire de l’Appel des économistes en faveur du Front de gauche, animateur de la Commission économique du Parti de gauche.

Le néolibéralisme s’est traduit par un développement massif des inégalités : entre riches et pauvres, entre profit et salaire, entre salariés eux-mêmes avec une fraction réduite de cadres dirigeants dont les rémunérations (salaires, stock-options…) ont explosé (voir la mine d’informations sur le site de l’Observatoire des inégalités : http://www.inegalites.fr/).

Alors qu’elle s’était réduite après 1945, la part des revenus globaux (salaire, revenus du patrimoine, etc.), avant impôt, perçus par les 1 % les plus riches a, depuis 1974, plus que doublé aux États-Unis (de 8,1 % à 17,4 % en 2005) comme au Royaume-Uni (de 6,5 % à 14,3 %). Même si elle moins forte et plus récente, cette évolution se retrouve dans les autres pays, Elle est plus accentuée encore si on s’intéresse au 0,1 % ou au 0,01 % les mieux payés.

En France, par exemple, du strict point de vue des salaires, les 0,1 % les mieux rémunérés ont vu leurs salaires bruts mensuels (hors stock-options ou intéressement !) augmenter (inflation déduite) de 28 % entre 1996 et 2006 (de 19 374 à 24 800 euros), soit un gain de 5 426 euros par mois, alors que les 60 % des salariés qui touchent moins de 2 282 euros brut ont dû se contenter d’une hausse inférieure à 130 euros.

Traditionnellement, les longues « phases récessives », par opposition aux « phases expansives » comme les Trente Glorieuses, sont marquées par une baisse du taux de profit. Le néolibéralisme a réussi le tour de force, depuis le début des années 1980, de contredire cette loi : les profits ont augmenté en dépit de l’atonie, en particulier en Europe, de la croissance.

La part des profits distribués aux actionnaires a, nul ne le conteste, fortement augmenté ces deux dernières décennies. Non contents d’avoir vu leurs revenus croître à mesure que se développait l’austérité salariale, les riches ont aussi bénéficié de cadeaux fiscaux. D’une pierre deux coups donc : ils paient moins d’impôts, ce qui creuse la dette publique et contraint les États à emprunter auprès d’eux (en leur versant des intérêts).

Progressivement, nos sociétés sont ainsi redevenues les sociétés de « rentiers » qu’elles étaient à la fin du XIXe siècle. La violente crise en cours va se traduire par une baisse des profits et des hauts revenus. Mais les nantis, dont ceux de la finance, s’emploient déjà à ce que cette baisse ne soit qu’une brève parenthèse. Le capitalisme néolibéral est non seulement injuste mais inefficace : l’austérité salariale comprime la consommation et pousse à l’endettement des ménages, tandis que l’envolée des hauts revenus entretient la spéculation et la gabegie consumériste d’une infime minorité.

La lutte contre les inégalités passe d’abord par un rééquilibrage du « partage primaire » des revenus, celui opéré au sein même des entreprises entre salaires et profits. Il passe aussi par un retour à la règle élémentaire de la progressivité de l’impôt. Aux États-Unis, suite à la grande crise des années 1930, le taux d’imposition des revenus des plus riches a été fixé à 90 %. Des taux redistributifs élevés ont été maintenus jusqu’aux années 1970 et cette règle prévalait dans la plupart des pays. Le monde ne s’en portait pas plus mal.

Avec la crise en cours, le néolibéralisme est frappé d’une profonde crise de légitimité. Par quoi le remplacer ? C’est tout l’enjeu de la période. Une société démocratique ne peut « tenir » sans justification, sans règles de justice. L’égalité, sans laquelle la démocratie n’est qu’un vain mot, doit être réhabilitée.

Même si ce n’est pas la seule, la règle de l’écart maximal de revenus calculé en partant des minima sociaux (de 1 à 15 pour commencer, par exemple, soit un revenu maximal global de 6 800 euros avec un RSA à 450 euros) est une pièce indispensable du puzzle de l’alternative. Deux siècles après la Révolution française et la suppression des privilèges au cours de la nuit du 4 août, n’est-il pas temps de le faire ? La France ne se grandirait-elle pas à être la première nation à instaurer cette règle élémentaire de justice ?


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