10 Mai, ça vous dit quelque chose ?

lundi 10 mai 2021.
 

Bon, c’est un peu vrai, à toujours rappeler cette date-là, on va finir par devenir des anciens combattants qui refont inlassablement Verdun. Et alors ? Avoir au cœur cette soirée-là, ce moment de bonheur intense, où tous les rêves étaient permis, cette image qui se dévoilait et qu’on ne voulait pas regarder, tellement on avait la peur du retour de 74… Ce soir de printemps largement arrosé (à tous les sens du mot, oui oui !), on a sillonné les routes du canton, klaxons bloqués, drapeaux au vent, assis sur les capots des bagnoles, et même des fous assis sur les toits. On n’oserait plus faire ça aujourd’hui. C’est pour le coup qu’on se sentirait ridicule. En 81, un 10 mai, on n’avait pas de ces complexes. On avait gagné. On le chantait, on le dansait, et tant pis pour les fâcheux qui fermaient leurs volets à notre joie un peu trop bruyante à leurs oreilles de vaincus.

C’était une première, on n’avait jamais rien gagné. Alors, on essayait la fête du soir de victoire, comme ça, pour voir. On se souvenait de ce que nous avaient raconté nos parents, ou nos plus vieux potes, sur 36. On voulait le faire aussi. On l’avait fait. Chez Robert, bizarrement, on était nombreux. Autrement plus nombreux que pour chercher tracts et affiches, coller et distribuer, les semaines précédentes. Et puis, entre deux coups de fusils au ciel (je vous l’ai dit, on était un peu maboules en ce temps-là !), on a quand même écouté Mitterrand. Qui nous disait : « Nous avons tant à faire ensemble… ». On a crié « Mitterrand du soleil ! » et aussi « La grossesse à 6 mois ! », juste des bêtises pour se faire plaisir.

La nuit a passé, comme ça, entre champagne et coup de rouge, ça dépend qui ouvrait sa porte. On s’est posé aux aurores à la maison. Fallait quand même aller bosser. On en a profité pour s’engueuler avec le marchand de journaux, un qui n’avait pas voté comme nous et qui avait un peu le moral dans les chaussettes, vu qu’il pensait qu’on allait lui collectiviser sa boutique (tiens, on aurait mieux fait, parce qu’à présent pour trouver un journal digne de ce nom, faut faire 15 bornes !). À midi, après les cours, en salle des profs, on a débouché d’autres bouteilles. C’était l’époque où les profs votaient à gauche… Ça aussi, ça a passé !

Et la vraie histoire a commencé. Il y a eu des moments merveilleux. De grandes heures. Pour vous, je ne sais pas, mais moi, je ne cracherai jamais dans cette soupe, que nous avons aidé à mijoter, longtemps, si longtemps. Penser toujours aux cinq semaines de congés, aux 39 heures, à la retraite à 60 ans, au mois de septembre qui a suivi, celui de l’Abolition. Y penser, et être fière d’avoir vécu ça, d’y avoir contribué, même si ce n’est qu’un tout petit peu. J’y pense, et ça restera à jamais dans mon cœur, parce que ce 10 Mai 1981, on a écrit une page d’histoire. Quand même…

brigitte blang


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