Du 10 mai 1981 à aujourd’hui (interview de MG Buffet)

samedi 21 mai 2011.
 

Se référer à 1981 a-t-il encore un sens aujourd’hui ?

Marie-George Buffet. Oui, car le 10 mai 1981 est le synonyme d’un formidable espoir qui se lève. Aujourd’hui, l’envie de changement est très profonde, mais 
il y a un doute sur la capacité de la gauche à faire bouger les choses. Raviver cet espoir du 10 mai, c’est l’occasion de dire 
à la gauche qu’il faut travailler encore 
et encore sur un projet de transformation et le rassemblement des hommes et 
des femmes, pour que, cette fois, la gauche réussisse. Car 1981, ce n’est pas que 
cet immense espoir, c’est aussi la déception qui a suivi, avec le tournant de la rigueur 
à partir de 1983. Ce qui va marquer 
ce 10 mai, à mon avis, c’est cette nostalgie de l’espoir ressenti à l’époque, mais aussi le débat sur ce qu’on peut attendre de 
la gauche aujourd’hui.

Justement, selon vous, est-il encore possible de susciter un espoir et un élan populaire comme en 1981 ?

Marie-George Buffet. Oui, c’est possible, mais à deux conditions : d’abord, que la gauche redevienne une gauche populaire et citoyenne, c’est-à-dire que ses responsables, ses élus, s’ancrent dans les aspirations populaires. Il faut que la gauche redevienne la gauche du peuple, celle qui va reprendre aux spéculateurs les richesses produites par le travail pour qu’elles reviennent au peuple, sous la forme de salaires, mais aussi de services publics, de nouvelles nationalisations. 
Il faut retrouver une ambition du niveau du celle du Conseil national de 
la Résistance, lorsqu’au sortir de la guerre on s’est dit : on va tout changer. Après le quinquennat de casse des droits de Nicolas Sarkozy, l’heure est à l’impulsion d’une VIe République de partage des pouvoirs et des droits. La deuxième condition, c’est de ne pas apparaître comme tirant la couverture à soi, mais de s’unir sur des contenus, un grand projet pour rassembler une majorité populaire et politique. C’est comme cela qu’on peut, non seulement chasser la droite, mais aussi changer la vie.

Mais la gauche n’apparaît-elle pas comme condamnée à décevoir ?

Marie-George Buffet. Elle le sera si, à chaque fois qu’elle se heurte à l’Europe libérale 
ou aux pressions de la droite et du Medef, elle renonce en invoquant les contraintes 
de la mondialisation. Chaque fois que 
la gauche a eu l’audace de résister 
à ces pressions et d’impulser une politique conforme aux intérêts populaires, 
elle a marqué des points. La deuxième condition, c’est la participation populaire 
à l’élaboration des grandes réformes, 
en s’attelant à construire un programme populaire qui parie sur l’implication des hommes et des femmes. Pour que la gauche réussisse au pouvoir, ce n’est pas seulement une question de victoire à une élection : bien sûr, il faut gagner par le projet et par l’union, mais c’est, dès le lendemain 
de la victoire, mener le combat avec 
le peuple pour faire reculer les logiques libérales et les puissances d’argent. Les gens sont prêts à se mobiliser à cette condition.

Certains, à gauche, estiment qu’être fidèles à l’esprit de 1981 serait de se rassembler tous dès le premier tour derrière le candidat socialiste…

Marie-George Buffet. C’est le cycle infernal : 
on nous propose en fait de mener à nouveau une politique qui ne répond pas aux attentes populaires. Au bout, à nouveau, il y a la déception, l’abstention et, peut-être, les réponses autoritaires. Pour gagner durablement, il faut que la gauche retrouve l’audace d’un projet radicalement antilibéral et qu’elle s’unisse sur cette base. Alors la question des candidatures se réglera sans problème. Le Front de gauche est encore jeune, mais c’est le chemin qu’il propose d’ouvrir, et je suis convaincue que c’est le bon chemin pour la gauche.

Entretien réalisé par 
Sébastien Crépel


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