Le Medef nuit gravement à la santé (Gérard Filoche dans Siné Hebdo)

mercredi 29 avril 2009.
 

Parisot revient à la charge et lance de nouvelles torpilles pour détruire la médecine du travail.

Les négociations ouvertes le 18 février entre Medef et syndicats à propos de la médecine du travail ont pris en avril un tour très dangereux pour la santé des salariés. Pour commencer, le Medef a proposé que ce soient, désormais les médecins de ville qui réalisent les visites d’embauche. Autant proclamer la mort de la médecine du travail : le médecin de ville ne connaît pas le monde de l’entreprise et ses risques propres. S’il y a des pédiatres, des gynécologues, des pneumologues, c’est bien parce que les « spécialités » sont nécessaires dans la santé. Le médecin de travail est un « spécialiste » de la santé au travail : il visite l’entreprise, établit des fiches de sécurité et participe au CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et de Conditions de Travail).

Face au tollé syndical provoqué par son initiative, le Medef a reculé pour mieux contre-attaquer en émettant l’idée d’allonger à quatre ans l’intervalle entre les visites médicales périodiques « pour les salariés qui ne sont pas exposés aux risques spécifiques ». Et hop ! Par-dessus bord la médecine de prévention ! La France est pourtant le pays d’Europe où l’exposition aux produits cancérigènes est la plus sous-estimée. Sans compter que les troubles musculo-squelettiques (TMS), la maladie professionnelle la plus répandue, peuvent frapper tout le monde. Pour compléter le panorama, la moitié des 170 000 accidents cardio-vasculaires (AVC) qui ont lieu chaque année, seraient imputables au travail (stress, durée excessive de travail).

Le rapport de Noël Diricq (août 2008) a mis en évidence la sous-déclaration, autour de 5% des accidents du travail (AT) et des maladies professionnelles (MP). Trente huit mille accidents entraînant des arrêts sont donc dissimulés par les entreprises pour éviter de payer davantage de cotisations, d’où un trou supplémentaire d ‘un milliard d’euros dans la Caisse maladie de la Sécu au profit de la Caisse patronale AT-MP. Imaginez le tableau dans les entreprises si les médecins du travail (à l’occasion des annuelles et des reprises), ne peuvent plus y pointer leur nez.

Pour finir, le Medef, qui, selon une enquête révélée par France Inter et Rue89 en novembre 2007, tapait allègrement dans les caisses de la médecine du travail, souhaite que l’agrément donné par les Directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) aux services de santé au travail (SST), censé « assurer l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire », soit « adapté » pour lutter contre la pénurie de médecins. En clair, dans certaines zones, des infirmiers pourraient pratiquer des actes de médecine et les visites seraient remplacées par entretiens avec des « assistants » de santé « médico-professionnels ». A ce tarif là, autant que les contre-maîtres s’en chargent directement !

Certes, les trois quarts des médecins du travail sont âgés de plus de 50 ans, et 1 700 départs en retraite sont proches. Six cent postes sont déjà vacants sur 6 000… Il serait bien plus avisé de prendre des mesures d’urgence pour recruter, former et investir dans la médecine de prévention de santé au travail plutôt que de la laisser tomber en désuétude pour mieux la torpiller.

A quel niveau d’archaïsme en est-on encore pour que ce soit les patrons, juges et parties en matière d’AT et de MP, qui dirigent la médecine du travail et non pas les salariés concernés au sein d’un véritable service public indépendant de médecins spécialisés ?


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