Si c’est ça le progrès...

lundi 25 août 2008.
 

L’été se tire, dans tous les sens du mot. À longueur de week-end, on a entendu parler des « galères » des pauvres automobilistes sur la route, bouchons ici, accordéon là, ralentissement ailleurs. On nous a largement tartinés de reportages télé abondamment fournis en « témoignages » de toutes sortes. On a l’impression de les connaître, les quidams, toujours les mêmes, ou bien ils sont proches cousins, ou bien ce sont des clones, va savoir, avec la télé, maintenant, tout est possible. Des gars globalement pas contents. Ça traîne, on va pas tenir la moyenne, les gamins s’impatientent, tout ça.

Par contre, je ne sais pas si ça vous a frappés, mais il y en a à qui on ne demande jamais leur « témoignage » dans la lucarne magique, ce sont les types et les filles qui sont dans la boîte, les péagistes. Et au train où vont les choses, on ne risque pas de le leur demander à l’avenir, étant donné la vitesse à laquelle on les remplace par des cabines automatiques. C’est le progrès, messieurs-dames, et contre le progrès, qu’est-ce qu’on peut faire ?

Comment il fonctionne celui-là, de progrès ? Comme partout, finalement, des cadences d’enfer, des horaires à pleurer, des intérimaires corvéables à merci, des contractuels à la petite semaine, des réductions d’effectifs, des déprimes en pagaille. Et comment que ça influence Maurice et Ginette, ce progrès-là ? Tout bête, messieurs-dames : fatigués de faire la queue au péage, Maurice et Ginette, ils vont filer à la case « carte bancaire ». Ou bien, ils vont s’acheter un badge, vite fait. D’autant que le badge, on l’a appelé Liberté ou quelque chose qui ressemble. Ça ne peut pas être mauvais un bidule qui porte un si joli nom ! En attendant de passer, comme bientôt en Irlande, sous un portique, sans ralentir… Chic alors, comme ça, on pourra tenir la moyenne ! Par contre, tous les employés sympas qui te disent bonjour et encore merci et aussi au revoir, et il y en a même qui te souhaitent Bon Noël ou Bonnes vacances, suivant le jour, bien sûr ! tous ceux-là, ils rigolent moins et ils rigoleront même de moins en moins, puisqu’ils vont disparaître du paysage, simplement. (Moins 300 postes en deux ans rien que chez Escota).

Un peu comme les filles du supermarché d’à côté qui expliquent consciencieusement aux clients comment enregistrer leurs courses tous seuls comme des grands, sans là non plus traîner à la caisse. On aura gagné quoi, avec ces foutues machines ? Plus le temps de sourire, de discuter le bout de gras, de demander des nouvelles du petit dernier qui rentre au CP, plus le temps de rien…

Si c’est ça le progrès, je renonce. Gagner du temps ? Pour en faire quoi, au juste ? Retourner dans les allées du magasin pour acheter plein d’autres trucs inutiles ? Engraisser Monsieur U et Monsieur Mousquetaire, participer à l’effort national de redressement de notre commerce déficient, et surtout, surtout, ne pas oublier d’ouvrir les portes le dimanche, avec ou sans « hôtesses de caisse ». Vous allez voir qu’ils vont nous expliquer que ces mises au rencart, ça va faire diminuer les prix. Si ! Résister au progrès en marche ? Ça devrait pouvoir le faire, si on s’y met nombreux : boycotter systématiquement les files à cartes bancaires au péage (j’ai testé pour vous, ça marche !) et dédaigner les caisses automatiques au Cora, ou autre Super Machin. Bien sûr que ça va faire rigoler dans les caddies ! Mais on s’en fout, non ?

brigitte blang prs 57


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