Garibaldi, héros républicain

mercredi 22 mars 2023.
 

- A) Garibaldi, le héros républicain anticlérical du 19ème siècle (Jacques Serieys)

- B) Victor Hugo intervient à l’Assemblée nationale contre l’invalidation de l’élection de Garibaldi

- C) La prise de Palerme par Garibaldi et ses insurgés (Alexandre Dumas)

- D) 1870-1871 : Garibaldi, l’armée des Vosges et les trois batailles de Dijon

- E) Giuseppe Garibaldi (1807-1882) « L’Internationale 
est le soleil de l’avenir  ! » (L’Humanité)

A) Garibaldi, le héros républicain anticlérical du 19ème siècle (Jacques Serieys)

"Ce monde sera-t-il donc éternellement condamné à être foulé aux pieds par de lâches et vils fripons ? La plante humaine serait-elle donc toujours affamée de ce fumier, qui pourtant la fait dépérir ?" ( Lettre de Garibaldi à M. Goegg, le 3 septembre 1872)

Giuseppe Garibaldi fait partie des grandes figures républicaines progressistes du 19ème siècle qui ont chassé de l’histoire les royautés autocratiques bénies par la papauté. Elles ne sont pas tombées toutes seules mais grâce au courage de volontaires comme les célèbres Chemises rouges garibaldiennes, grâce à des héros comme Riego, Bolivar, Blanqui, Dombrowski...

Lorsque des "culs rouges" survivants de cette époque prononçaient le nom de Garibaldi, ils relevaient la tête en signe de respect et de fierté. Blanqui a passé la moitié de sa vie en prison, Garibaldi le fusil à la main de Montevideo à Côme et de Palerme à Dijon. Dans ces conditions, mon texte ci-dessous évite les reproches et insiste sur l’épopée magnifique du personnage.

Garibaldi est "un des personnages les plus fabuleux de l’histoire" (Alain Decaux). Né à Nice, le 4 juillet 1807, il reçoit de son précepteur, le signor Arena, ancien combattant des campagnes napoléoniennes, un enseignement qui l’ouvre au monde et à son histoire depuis l’épopée romaine.

Il commence à naviguer comme mousse en 1824 ; commandant en second de La Clorinde, il charge à Marseille en 1833 des socialistes dont Émile Barrault, porte-parole d’Enfantin. Ce groupe part fonder une colonie à Taganrog, sur les rives de la Mer d’Azov. Alexandre Dumas a raconté l’importance de cette rencontre pour son ami Garibaldi, par exemple cette phrase de Barrault « Un homme qui, se faisant cosmopolite, adopte l’humanité comme patrie et offre son épée et son sang à tous les peuples qui luttent contre la tyrannie, il est plus qu’un soldat ; c’est un héros »

Nice fait alors partie du royaume de Piémont-Sardaigne et Garibaldi s’enflamme en faveur d’une république démocratique unifiée italienne. Le 11 février 1834, il est un des acteurs principaux du mouvement insurrectionnel mazzinien de l’arsenal de Gênes ; considéré comme un chef de la conspiration, il est condamné « à la peine de mort ignominieuse » par contumace, en tant qu’ennemi de la patrie et de l’État. Il fuit vers la France puis la Tunisie, adhérant à la Jeune Europe de Mazzini.

De 1835 à 1848, il combat sur de nombreux théâtres des guerres de libération latino-américaines ( Brésil, Uruguay). Le 8 février 1846, il remporte la bataille de San Antonio qui le hisse au statut de héros révolutionnaire.

Ayant appris la poussée révolutionnaire qui commence à gagner les territoires italiens, il regagne l’Europe, participe à la guerre contre l’armée autrichienne en tant que général de l’armée milanaise et se distingue à nouveau par son expérience et son dynamisme.

18 au 22 mars 1848 Milan en révolution chasse l’armée autrichienne

Cependant, les troupes du roi de Piémont Sardaigne sont battues. Garibaldi tente de continuer seul le combat sur des aspirations républicaines mais trop isolé franchit la frontière française. Rapidement, il rejoint Rome en pleine révolution d’où le pape vient de fuir.

9 février 1849 Rome en révolution déchoit le Pape de son statut royal

Du 3 juin au 2 juillet 1849, il défend farouchement la grande ville face à une armée française mieux armée, mieux entraînée ; ses meilleurs amis meurent l’un après l’autre dans ces combats. Les journaux du monde entier rendent compte de l’héroïsme de ses chemises rouges. Même le quotidien britannique The Times, ne cache pas son admiration. Giuseppe devient farouchement anticlérical à ce moment-là. Après la prise de Rome par l’armée française, il essaie de poursuivre la lutte armée dans les Apennins puis en rejoignant Venise qui tient encore. Durant ce périple, son épouse (Anita) dont il a eu 4 enfants, meurt d’épuisement dans une cabane de pêcheurs.

Durant plusieurs années de galère, il rejoint la Sardaigne, la Tunisie, les USA (où il fabrique des chandelles), le Pérou comme commandant de navire, la Chine (où il vend du guano), l’Australie...

Ayant appris l’invasion du Piémont par l’armée autrichienne, il rejoint l’Italie pour les combattre ; major-général du corps des chasseurs des Alpes, il défend victorieusement Varèse, remporte la bataille de San Fermo, libère Côme. Il bénéficie à nouveau d’un écho international considérable, par exemple dans le New York daily tribune, sous la plume de Marx et Engels.

En avril 1860, il part pour la Sardaigne suite à un début de révolte à Palerme. Il commande une petite troupe d’un millier de volontaires. Il remporte la victoire de Calatafimi le 15 mai 1860, libère Palerme le 27 mai puis prend Naples le 7 septembre 1860. L’unification du royaume d’Italie est proclamée le 17 mars 1861. Garibaldi refuse toute récompense, tout titre et tout honneur.

En 1862, il participe à une action armée contre l’Autriche qui lui vaut d’être traité en hors la loi par le gouvernement italien ce qui l’oblige à fuir. Sa notoriété le suit partout. Ainsi, il est accueilli à Londres par 500000 personnes.

En 1866, il prend à nouveau le commandement d’une troupe de 40000 hommes dans les Alpes (lacs lombards) face à l’armée autrichienne pour tenter de la chasser de Vénétie. Il fait à nouveau preuve de grandes qualités mais le gouvernement piémontais lui demande d’évacuer les territoires conquis.

Il participe, en septembre 1867, au Congrès international pour la Paix et la liberté à Genève où il donne l’accolade sur l’estrade à Bakounine.

Durant l’automne 1867, il tente une troisième expédition armée pour chasser le pape des Etats pontificaux mais est arrêté par les armées française (De Failly) et papale.

En 1870, la France étant envahie par l’armée prussienne, il vient proposer son aide et reçoit le commandement de l’Armée des Vosges qui va surtout combattre en Bourgogne. Elu député français dans plusieurs départements, sans avoir été candidat, il se voit invalidé par la majorité monarchiste de la Chambre, au grand dépit de Victor Hugo. Le 10 mars, son corps d’armée est dissous ; le 13, il regagne Caprera (en Italie). C’est alors que la Commune de Paris lui demande de prendre la tête de la garde nationale ; usé par ses nombreuse campagnes et ses nombreuses blessures, affaibli par l’hiver passé en campagne face aux prussiens, il refuse mais apporte son soutien moral.

Plutôt que citer des textes, voici le splendide testament de Giuseppe :

« Je lègue : mon amour pour la Liberté et la Vérité ; ma haine du mensonge et de la tyrannie ».

Jacques Serieys

B) Victor Hugo intervient à l’Assemblée nationale contre l’invalidation de l’élection de Garibaldi

M. Victor Hugo : La France vient de traverser une épreuve terrible, d’où elle est sortie sanglante et vaincue. On peut être vaincu et rester grand. La France le prouve. La France, accablée en présence des nations, a rencontré la lâcheté de l’Europe. (Mouvements). De toutes ces puissances européennes, aucune ne s’est levée pour défendre cette France qui, tant de fois, avait pris en main la cause de l’Europe... (Bravo ! à l’extrême gauche) ; pas un roi, pas un État, personne ! Un seul homme excepté... (Sourires ironiques à droite. Très bien ! à l’extrême gauche.) Où les puissances, comme on dit, n’intervenaient pas, eh bien un homme est intervenu, et cet homme est une puissance (exclamations sur plusieurs bancs à droite.) Cet homme, Messieurs, qu’avait-il ? Son épée.

Son épée, et cette épée avait déjà délivré un peuple... (Exclamations sur les mêmes bancs) et cette épée pourrait en sauver un autre. (Nouvelles exclamations.)

Il l’a pensé ; il est venu, il a combattu.

A droite Non ! Non !

M. le Vicomte de Lorgeril. Ce sont des réclames qui ont été faites ! Il n’a pas combattu.

M. Victor Hugo. Les interruptions ne m’empêcheront pas d’achever ma pensée. Il a combattu... (Nouvelles interruptions.)

Voix nombreuses à droite. Non ! Non !

À gauche. Si ! Si !

M. le Vicomte de Lorgeril. Il a fait semblant !

Un membre à droite. Il n’a pas vaincu, en tout cas !

M. Victor Hugo. Je ne veux blesser personne dans cette Assemblée, mais je dirai qu’il est le seul, des généraux qui ont lutté pour la France, le seul qui n’ait pas été vaincu. (Bruyantes réclamations à droite. Applaudissements à gauche.)

La bande d’imbéciles sans saveur, de larves sans honneur qui fait office de députés de droite empêche le grand Victor Hugo de continuer son intervention. Il en tire la conclusion logique

M. Victor Hugo. Je vais vous satisfaire, Messieurs, et aller plus loin que vous. Il y a trois semaines vous avez refusé d’entendre Garibaldi. Aujourd’hui vous refusez de m’entendre. Cela me suffit. Je donne ma démission. (Longues rumeurs. Non ! non ! Applaudissements à gauche.)

Un membre. L’Assemblée n’accepte pas votre démission !

M. Victor Hugo. Je l’ai donnée et je la maintiens.

C) La prise de Palerme par Garibaldi et ses insurgés (par un témoin combattant : Alexandre Dumas)

Il n’y avait pas de chemin pour marcher sur Palerme. On se laissa rouler dans un ravin par lequel on atteignit la vallée qui débouche sur la grande route de Palerme. Il était onze heures du soir.

Arrivée à la grand-route, l’avant-garde fit halte et se retourna : les picciotti qui devaient l’appuyer avaient disparu ; elle s’arrêta pour rallier la colonne. Une alarme sur la montagne, toute fausse qu’elle était, avait suffi pour faire fuir les picciotti.

Il fallut deux heures, à peu près, pour reformer la colonne, réduite alors à treize ou quatorze cents hommes seulement.

Il était une heure et demie du matin, on se trouvait à trois milles de la ville. On se met en marche en colonnes serrées jusqu’aux avant-postes napolitains ; à trois heures et demie, on les rencontre ; ils lâchent trois coups de fusil et battent en retraite dans une maison pleine des leurs. Ces trois coups de fusil suffisent à disperser les deux tiers des picciotti qui restent.

L’avant-garde, composée de trente-deux hommes, comme nous l’avons dit, pousse alors jusqu’au pont de l’Amiraglio, pont jeté sur un torrent desséché ; elle trouve le pont défendu par trois ou quatre cents hommes, et les attaque vigoureusement en s’embusquant aux deux côtés du pont et derrière les arbres qui côtoient la route.

Un combat corps à corps s’engage ; tellement corps à corps, que, de son revolver chargé de six balles, un capitaine légionnaire nommé Piva met hors de combat quatre Napolitains. Misori appelle à son secours le colonel Bixio. Bixio arrive au pas de course avec le 1er bataillon ; à la vue des picciotti en déroute, Turr lance le 2ème bataillon. La position du pont de l’Amiraglio est enlevée à la baïonnette.

Les Napolitains se débandent et fuient à droite ; mais, en même temps, on est attaqué sur la gauche par une forte colonne. Turr envoie une trentaine d’hommes pour arrêter cette colonne, et le reste des légionnaires continue de s’avancer au pas de course, la baïonnette en avant. Les Napolitains se replient sur la route de San-Antonio ; cette route, bordée de maisons, coupe en croix la route de Termini, que suivaient les légionnaires dans leur retraite ; les royaux placent deux canons sur la route même et la balayent avec la mitraille.

En ce moment, le général arrive, précédé du colonel Turr et accompagné du colonel Eber ; c’est à ce moment aussi que le colonel Tuckery, atteint par une balle, tombe mortellement blessé.

La colonne s’arrête quelques secondes à dix pas de la route transversale ; le guide Nullo la traverse le premier, portant un drapeau aux couleurs de l’indépendance ; il est immédiatement suivi par Damiani, Bozzi, Tranquillini et ­azio.

Peu à peu toute la colonne traverse la route sous les yeux du général, d’autant plus exposé au feu qu’il se tient à cheval, poussant ses hommes en avant.

Ceux qui, les premiers, ont traversé la route, s’éparpillent avec deux cents hommes dans les rues voisines de la porte de Termini. Nullo, Damiani, Manci, Bozzi, Tranquillini et ­azio pénétrèrent jusqu’à la Fiera-Vecchia, c’est-à-dire à trois cents pas de la porte de Termini.

Pendant tout ce temps, les légionnaires trouvent les maisons fermées et les rues désertes ; c’est à la Fiera-Vecchia, lorsque le général y arrive au milieu du feu, qu’il rencontre huit ou dix membres du comité de Palerme.

Ainsi cette poignée d’hommes, deux cents à peine, se répandant sur l’espace d’un kilomètre, avait repoussé, par un élan inouï, tout ce qui se trouvait devant elle, trois ou quatre mille hommes peut-être !

Arrivé à la Fiera-Vecchia, le général ordonne de faire des barricades. A force d’appeler, on finit par attirer aux fenêtres les habitants ; on leur crie : « Jetez les matelas ! »

A l’instant même, des matelas pleuvent de toutes les fenêtres ; ils sont entassés en barricades sur les points les plus battus par le canon. Alors quelques Palermitains commencent à se montrer dans les rues. On les engage à faire insurger la ville ; mais on n’en obtient que cette réponse : « Pas d’armes ! »

Derrière le général et cette première poignée d’hommes, le reste des légionnaires était entré dans Palerme. On attaque aussitôt la rue de Tolède et la rue de Maqueda, et l’on repousse vers le palais royal et vers la porte de Maqueda les Napolitains qui croient avoir affaire à une force triple de la force réelle.

Aussitôt, des barricades sont dressées dans les rues avec des voitures. Le général s’établit à la piazza Bologna. En ce moment, de la mer et du château, le bombardement commence.

La 8ème compagnie et les carabiniers génois attaquent la place du Palais- Royal par la rue de Tolède, et les ruelles qui aboutissent à la place par les maisons qui donnent dessus.

Des forces supérieures les contraignent à se retirer.

Le général transporte son quartier général au palais prétorial.

Une colonne napolitaine s’avance par la rue de Tolède et pénètre jusqu’à cinquante pas, à peu près, de la piazza Bologna ; quelques picciotti, avec une vingtaine de légionnaires, s’embusquent derrière une barricade, et arrêtent les Napolitains, tandis que vingt autres hommes les tournent par leur droite et les attaquent en flanc et en queue.

Les Napolitains lâchent pied et s’enfuient.

Pendant toute la journée, il y a des combats partiels, les plus vifs sont à l’Alberghesca.

Le capitaine Carroli, de la 7ème compagnie, composée d’étudiants, est blessé grièvement ; le soir, on compte déjà quelques pertes.

Le second jour, Misori et le capitaine Dezza font usage à l’Alberghesca d’une bombe dont l’explosion, au milieu d’une barricade occupée par les Napolitains, fait, pendant quelques minutes, cesser le feu.

C’est là qu’un détachement de la 7ème compagnie, vingt-cinq hommes, contiennent les Napolitains pendant vingt-quatre heures.

La seconde journée reproduit les merveilles de la première : on s’avance jusqu’à la porte de Maqueda, et l’on coupe les communications entre la mer et le château.

Pendant ces deux jours, Sirtori fait des prodiges d’audace et de sang-froid. Le matin du troisième jour, les Napolitains essayent de regagner les points perdus ; mais la ville est déjà hérissée de barricades en pierre, et, sur tous les points, ils sont repoussés.

Dans la matinée, on vient annoncer au général que les picciotti ont enlevé un canon a Montalto.

Garibaldi, qui se défie des prouesses des picciotti, ordonne à Misori d’aller vérifier le fait et de prendre position ; il demandera du secours si les forces sont insuffisantes.

Misori, suivi de quelques légionnaires, se rend au couvent de l’Annonziata et trouve les picciotti aux prises avec les Napolitains.

Ils n’avaient enlevé aucun canon, mais se battaient bien, encouragés qu’ils étaient par l’exemple du frère Jean, qui se tenait au milieu du feu, la croix à la main.

Misori prend la direction du mouvement et s’empare du couvent de l’Annonziata, qui dominait Montalto.

Les Napolitains, malgré un renfort considérable qu’ils reçoivent, sont encore repoussés ; les légionnaires et les picciotti sortent du couvent et se retranchent dans le bastion Montalto.

Misori écrit au général pour démentir la nouvelle de la prise d’un canon ; mais il lui annonce que le bastion est pris et lui demande du renfort. Pendant ce temps, frère Jean s’avance jusqu’à vingt pas des Napolitains et leur fait un sermon sur la fraternité.

Un capitaine répond au sermon du frère Jean en prenant un fusil des mains d’un soldat et en faisant feu sur le moine.

La croix du frère Jean est brisée à six pouces au-dessus de sa tête ; mais un picciotto fait feu à son tour sur le capitaine et l’étend raide mort d’une balle dans le front.

Un mouvement en avant s’opère ; le picciotto qui a tué le capitaine s’empare de l’épée du mort ; frère Jean réclame le ceinturon, l’agrafe autour de son corps et y place le pied de sa croix, en disant : « Je mets la croix où fut l’épée. »

En ce moment, deux compagnies napolitaines sortent du palais royal et attaquent Montalto. Les picciotti se replient précipitamment ; Misori est forcé d’abandonner le bastion et se retire de nouveau dans le couvent.

Par bonheur, au même instant arrive Sirtori, amenant le secours du général. Il place ses trente-cinq hommes et arrête le mouvement agressif des Napolitains ; le combat s’engage plus acharné, le couvent est bombardé et battu par le canon ; mais les Napolitains sont forcés de se replier. Le bastion Montalto est repris.

Le colonel Sirtori, comprenant toute l’importance d’une position qui menace le palais royal, fait immédiatement venir une douzaine de carabiniers génois et une vingtaine de légionnaires, les place derrière une maison d’où leur feu empêche les Napolitains de revenir sur le bastion.

Mais, ayant reçu de nouveaux renforts, ceux-ci font une troisième attaque, amènent deux pièces de canon sur la gauche et continuent à lancer des grenades.

Enfin, au bout d’une heure, le feu des carabiniers génois fait taire le canon, et cette fois, les Napolitains, repoussés, abandonnent la position.

Misori quitte le couvent et va rendre compte au général des résultats de la journée du côté du palais royal.

Dans cette affaire s’étaient particulièrement distingués : le colonel Sirtori, les capitaines Dezza, Mosto et Misori. Le major Acerbe, surtout, s’était fait remarquer dans la construction des barricades sous le feu le plus terrible. Au moment où le général allait se mettre à table, invitant les officiers présents à en faire autant, on vint lui annoncer que les Napolitains avaient délogé Santa-Anna de la position qu’il occupait près de la cathédrale et s’avançaient sans que l’on pût les arrêter.

Le général se lève de table en disant :

« Allons, messieurs, c’est nous qui allons les arrêter. »

Alors, à pied, suivi du colonel Turr, de Guzmaroli, son inséparable, de ses officiers et d’une douzaine de guides, réunissant à lui tout ce qu’il rencontre de légionnaires, il se porte sur le lieu du combat et trouve effectivement les Napolitains maîtres de trois barricades et les picciotti en déroute.

On construit immédiatement, sous le feu des Napolitains, une nouvelle barricade ; un homme qui était debout à la gauche du général est atteint d’un coup de feu à la tête et tombe : le général le retient mais il était déjà mort.

Les Napolitains, vigoureusement attaqués, abandonnent la première barricade, qui est immédiatement occupée par les légionnaires. En se retirant, les Napolitains incendient deux maisons ; mais une poignée de picciotti, dirigés par le général en personne, les prennent en flanc et achèvent de les mettre en déroute.

A la fin de la troisième journée, on était maître à peu près de toute la ville. Pendant ces trois jours et ces quatre nuits, on ne s’était pas reposé un seul instant, les alarmes avaient été continuelles ; à peine avait-on pu manger ; on n’avait pas dormi, on avait toujours combattu. Le quatrième jour, le général napolitain Letizia fit des ouvertures d’armistice, par l’intermédiaire de l’amiral anglais.

Vers une heure, Garibaldi, Menotti, son fils, et le capitaine Misori se rendent au bord de la mer ; ordre avait été donné de suspendre le feu sur tous les points.

Cependant, en passant près de Castelluccio, deux coups de feu partent et les halles sifflent aux oreilles du général.

Au bord de la mer, on attendit l’arrivée du général Letizia, qui pour plus grande sûreté, s’était fait accompagner par le major Cenni, aide de camp de Garibaldi.

Un canot, envoyé par l’amiral anglais, reçut les deux généraux et les officiers qui les accompagnaient.

L’entrevue eut lieu dans la chambre de l’amiral, en présence de celui-ci et des amiraux français, américain, et napolitain.

De cette conférence résulta une trêve de vingt-quatre heures, pendant laquelle les Napolitains pouvaient transporter leurs malades et leurs blessés à bord des vaisseaux et approvisionner le palais royal de vivres.

Cette trêve expirée, les hostilités devaient être reprises ; mais, le lendemain, à onze heures du matin, les Napolitains demandèrent une prolongation de quatre jours, pour que le général Letizia pût se rendre à Naples et conférer avec le roi. A son retour, l’armistice fut prolongé indéfiniment, et le général Letizia repartit de nouveau pour Naples.

C’est à ce second retour que furent signées les conditions définitives de la reddition de Palerme.

Dans la matinée du jour où devait commencer l’évacuation, les Napolitains demandèrent une escorte pour se rendre du palais royal et de la Fiera Vecchia à la mer.

A la Fiera-Vecchia, on leur donna trois guides et un capitaine d’état-major, quatre hommes en tout ; ils étaient de quatre à cinq mille. Au palais royal, on leur donna quatre guides et le major Cenni ; ils étaient quatorze mille hommes.

De l’aveu des officiers supérieurs, napolitains eux-mêmes, ils avaient à Palerme vingt-quatre mille hommes.

Tout était fini, les Napolitains étaient chassés de Palerme, et la Sicile était perdue pour le roi de Naples. Mais aussi se retiraient-ils, comme on dit en termes de capitulation, avec les honneurs de la guerre.

Voyons comment ils avaient mérité ces honneurs. Le 24 mai, c’est-à-dire lorsqu’on avait su que Garibaldi s’approchait de Palerme, on avait affiché, dans les rues de la ville, que pourvu que la population se tînt enfermée chez elle, elle n’avait rien à craindre.

Voila pourquoi, en arrivant à la Fiera-Vecchia, Garibaldi avait trouvé portes et fenêtres fermées.

Nous avons dit à quel moment le bombardement commença ; il dura trois jours ; en un seul jour, deux mille six cents bombes furent lancées sur la ville. Les coups étaient plus particulièrement dirigés sur les monuments publics, les établissements de bienfaisance et les couvents.

Je compte de ma fenêtre trente et un boulets dans le charmant clocheton de la cathédrale de Palerme.

Dix ou douze palais et notamment celui du prince Carini, ambassadeur à Londres, et celui du prince de Goto, sont au ras de terre.

Quinze cents maisons sont défoncées du toit aux caves, et, quand nous sommes arrivés, la plupart brûlaient encore. Tout le quartier situé près de la porte de Castro a été saccagé ; les habitants ont été volés, assassinés ou écrasés.

Une razzia avait été faite de toutes les jeunes filles, qui furent emmenées au palais royal, occupé par quatorze mille hommes ; elles y restèrent dix jours et dix nuits.

Voilà pour l’ensemble ; passons aux détails.

Le capitaine napolitain Scandurra, en voyant tomber un légionnaire de Garibaldi, blessé à l’épaule, enfonce la porte d’un café, y prend une bouteille d’esprit-de-vin, la vide sur le corps du blessé et met le feu à l’alcool. Le légionnaire eût été brûlé vif, si le capitaine Scandurra n’eût reçu à la tête une balle qui le tua raide.

A l’Alberghesca, dont les habitants comptent à peu près huit cents morts, des soldats napolitains, dans la matinée du 27, enfoncent une porte et trouvent une famille composée du père, de la mère et de la fille. Ils tuent le père et la mère ; un caporal s’empare de la jeune fille, nommée Giovannina Splendore, et l’emmène comme part de butin ; le capitaine Prado les rencontre, voit la jeune fille couverte de sang et tout en larmes ; il la prend et la dépose chez le marquis Milo.

La terreur l’avait rendue muette.

Dans le même quartier, les soldats enfoncent une porte. Ils trouvent le père, la mère, deux enfants, l’un de quatre ans, l’autre de huit mois ; l’enfant de quatre ans était aux pieds de sa mère, l’enfant de huit mois à son sein. Ils tuent le père, mettent le feu à la maison, jettent l’enfant de quatre ans dans les flammes, arrachent l’enfant de huit mois du sein de sa mère, et l’envoient rejoindre son père. La mère, folle de douleur, se jette sur les soldats. Ils la tuent à coups de baïonnette...

Alexandre Dumas

D) 1870-1871 : Garibaldi, l’armée des Vosges et les trois batailles de Dijon

Place du 30 octobre, rue Bossack, avenue du Drapeau, avenue Canzio sont des noms plus ou moins familiers pour les habitants de Dijon. Pourtant les événements et les personnes, tous liés à ce traumatisme national que fut la guerre de 1870 auxquels ils font référence sont largement oubliés. Oublié aussi que la ville a élu député le 8 février 1871 le champion de l’unification italienne, le chef de l’expédition des Milles, le général Giuseppe Garibaldi alors commandant de l’armée des Vosges. L’historiographie a aussi largement négligé le rôle de la région dijonnaise lors de la guerre de 1870-1871. Si Sedan, Reichshoffen, Gravelotte, Bazeilles sont des lieux de bataille toujours bien identifiés, il n’en est pas de même pour Dijon où Allemands et Français se sont affrontés à trois reprises.

L’armée française de 1870 était commandée par des branquignoles réactionnaires

4 août 1870 Wissembourg Première défaite des chefs branquignoles

2 septembre 1870 Napoléon 3 et son armée capitulent à Sedan

La Bourgogne est en effet une région clef dans l’affrontement qui s’amorce après la défaite de Sedan entre les forces allemandes et celles de la jeune IIIe République. Elle constitue un verrou qui commande l’accès à la vallée de la Saône et donc à Lyon mais surtout au bassin de la Loire où Gambetta réorganise l’armée de la République. En clair, si la Bourgogne tombe, disparaît tout espoir de retourner la situation et de prendre enfin l’avantage sur l’Allemagne.

L’oubli dans lesquelles sont tombées les trois batailles de Dijon a des origines éminemment politiques. A l’exception de la première bataille de Dijon en octobre 1870 les deux suivantes sont conduites par l’armée des Vosges, une armée qui au lendemain de l’armistice sent le soufre. Pour la France de l’Ordre moral elle est une abomination puisqu’elle rassemble les volontaires étrangers venus se mettre au service de la République, à l’image de son chef Garibaldi et de ses chemises rouges. Ces révolutionnaires et anticléricaux qui forment une Brigade internationale avant l’heure sont largement calomniés par les proches de Thiers. L’armée des Vosges si elle rassemble de nombreux étrangers compte pourtant dans ses rangs une majorité de Français organisés dans des corps de francs-tireurs. Cette seconde caractéristique est une tare dans la France vaincue puisqu’elle rappelle aux militaires leur incapacité en 1870, humiliation d’autant plus forte que que ces francs-tireurs et étrangers ont obtenu lors de la troisième bataille de Dijon une belle victoire contre les Prussiens. Et ce sont ces militaires qui, après 1870, prennent la plume pour écrire l’histoire de la guerre, négligeant ou minimisant le rôle de l’armée des Vosges et des combats de Bourgogne, tendance toujours perceptible dans l’historiographie française comme le montre la dernière grande synthèse de qualité parue sur la guerre de 1870, celle de Pierre Milza en 2009.

David FRANCOIS

E) Giuseppe Garibaldi (1807-1882) « L’Internationale 
est le soleil de l’avenir  ! »

http://www.humanite.fr/tribunes/giu...

En 1870, le « héros des deux mondes » vole au secours de la IIIe République naissante contre l’impérialisme prussien. Puis le vieux général italien apporte son soutien, cette fois purement politique, à la Commune et au socialisme.

C’est vêtu de l’une de ses chemises rouges qu’il portait lors de l’expédition des Mille et d’un poncho rappelant ses exploits guerriers en Amérique du Sud que Giuseppe Garibaldi se présente, le 13 février 1871, devant l’Assemblée constituante qui siège alors à Bordeaux, invasion prussienne oblige. Sans être candidat il vient d’être élu député à Paris, dans le Bas-Rhin, en Savoie, à Dijon et dans sa ville natale de Nice où un mouvement séparatiste renaît à la faveur de la déconfiture de l’Empire. Il refusera d’en prendre la tête, considérant « comme une infamie de profiter des malheurs de la France pour revendiquer Nice ».

La population bordelaise manifeste alors sa gratitude à l’égard « du seul des généraux qui ont lutté pour la France et qui n’ait pas été vaincu » ainsi que le proclamera Victor Hugo. La garde nationale présente les armes au principal artisan de la « victoire de Dijon » dont le fils Riciotti ramène à l’issue de la guerre franco-prussienne de 1870 le seul trophée pris à l’ennemi, le drapeau du 61e régiment de Poméranie. Mais, dans l’Hémicycle, l’accueil est houleux. Les députés de la droite monarchiste et cléricale se déchaînent lorsque Garibaldi refuse d’ôter son célèbre petit chapeau rond, «  les prêtres étant bien autorisés, eux, à garder leur calotte  !  » dit-il, provocateur. Ce seront les seules paroles que «  le héros le plus romantique du siècle  », ainsi que le définira un journaliste anglais, sera autorisé à prononcer. Le président Adolphe Thiers, qui ce jour-là triomphe, s’oppose à ce que l’on donne la parole au prestigieux révolutionnaire qui voulait exhorter la France à poursuivre le combat contre l’impérialisme allemand. Démissionnaire, tout comme Léon Gambetta (qui se mettra au vert pendant la Commune), Giuseppe Garibaldi repart aussitôt pour Marseille où le lendemain il embarque pour son île de Caprera, en Sardaigne. Il ne reviendra jamais plus en France.

Pourtant, quelques jours plus tard il est de nouveau élu député, mais cette fois dans la circonscription d’Alger  ! Une victoire écrasante que cette même droite catholique majoritaire conteste, ne pardonnant pas au franc-maçon Garibaldi, républicain en diable, ses combats contre le pape pour réaliser l’unité italienne. Le prétexte  : le candidat étant étranger, il n’était pas éligible  ! L’argument des plus honteux fait bondir le député Victor Hugo, qui s’exclame  : «  Accablée la France a rencontré la lâcheté de l’Europe. (…) De toutes les puissances aucune ne s’est levée, (…) pas un roi, pas un état, personne  ! un seul homme excepté. (…) Cet homme qu’avait-il  ? Son épée (…) qui avait délivré un peuple et pouvait en sauver un autre. Il l’a pensé, il est venu, il a combattu.  » Abreuvé d’injures à son tour, le poète descend tristement de la tribune et sur un coin de bureau rédige aussitôt sa lettre de démission.

Cette humiliation infligée par cette France «  pilier de la régénération humaine  » pour laquelle «  Peppino  », comme on l’appelle à Nice, avait appelé les Italiens à verser leur sang en 1870 explique-t-elle le refus de Garibaldi de devenir le général en chef de la garde nationale parisienne ainsi qu’en décident, le 15 mars 1871, par un vote unanime les 1 325 délégués des 215 bataillons de fédérés  ? En fait, à soixante-quatre ans, le guérillero à la chemise rouge est usé avant l’âge. Sa dernière aventure militaire dans les froidures du Jura et des Vosges a été particulièrement éprouvante. On a dû aider le vieux soldat perclus de rhumatismes à monter à cheval…

Son biographe, le professeur d’université Alfonso Scirocco, avance une autre explication  : «  En Amérique du Sud, comme en Italie et en France, il a combattu aux ordres de gouvernements dont il reconnaissait la légitimité (…), jamais il ne lui vint à l’esprit de prendre les armes pour la lutte sociale.  » Mais si le militaire, «  avec une immense émotion  », rentre l’épée au fourreau, le politique ne manque pas de continuer à ferrailler, prenant fait et cause pour la Commune et le socialisme. À son vieux complice républicain Mazzini, effrayé par la Commune, il explique que «  ce qui pousse les Parisiens à la guerre, c’est un sentiment de dignité et de justice sociale  ». En septembre 1872, il écrira à l’un de ses amis, Celso Ceretti  : «  L’Internationale est le soleil de l’avenir  !  » Non sans avoir cependant réfuté certaines idées marxistes ou anarchistes et précisé sa conception de l’Internationale qui est pour lui «  la continuation de l’amélioration morale et matérielle de la classe ouvrière, laborieuse et honnête  ».

Garibaldi va aussi pousser ses compagnons d’armes, à commencer par Riciotti, à s’engager aux côtés des communards. C’est un «  garibaldien  », l’ouvrier mécanicien Assi, qui, le 18 mars 1871, à l’Hôtel de Ville de Paris lance à la foule  : «  Au nom du peuple, la Commune de Paris est proclamée  !  » L’histoire des chemises rouges retient aussi le nom d’Almicare Cipriani. Aide de camp de Jules Bergeret, le chef de la garde nationale à Montmartre, il sera condamné à mort puis finalement à la déportation en Nouvelle-Calédonie. De retour en France, il est embauché par Jaurès à l’Humanité comme pigiste. Chaque semaine il se rendait au marché de l’île de la Cité pour y acheter un oiseau en cage. Auquel il rendait aussitôt la liberté, en souvenir de la Commune…

(*) Dernier ouvrage paru  : Une histoire populaire de la Côte d’Azur (1860-1914). Éditions Book e Book.

Philippe JEROME


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