Moyen Age : Société, Communes, soulèvements populaires et millénarisme

vendredi 10 février 2023.
 

Ce sujet est évidemment très vaste. Je ne prétends l’aborder ni de façon exhaustive, ni de façon synthétique, seulement l’introduire pour nos lecteurs.

A) Le développement d’une économie de marché et d’une couche sociale de marchands au Moyen Age

A1) Rappel des caractéristiques du mode de production féodal en Europe

- l’économie féodale repose sur l’agriculture qui constitue la principale source d’emploi (environ 80%), de revenus, de valeur de la production. La population vit donc essentiellement en milieu rural (avec un taux de mortalité qui implique globalement une stagnation démographique.

- les richesses de la classes privilégiée (nobles, haut clergé...) repose sur la propriété foncière

- la circulation monétaire est faible d’où une hiérarchie sociale fossilisée et un rapport personnel de propriété, particulièrement entre seigneurs et paysans.

- les mauvaises voies de communication contribuent à un éclatement de marchés locaux et de pouvoirs politiques

- la production non comestible repose essentiellement sur les biens de consommation (textile) ; elle prend la forme d’un artisanat local travaillant surtout en lien avec les activités agricoles.

A2) Economie marchande, bourgeoisie et villes dans la société féodale

Le développement de l’économie marchande provoque du 11ème au 15ème siècles une crise d’adaptation des cadres politiques et sociaux de la féodalité. Le développement de la production artisanale et du commerce s’opère hors des seigneuries rurales : dans les villes, en particulier ports, noeuds de communication, sites de grandes foires.

Ce milieu urbain génère des rapports sociaux plus démocratiques, plus favorables à l’émancipation juridique, sociale et culturelle que les seigneuries rurales. Aussi, l’ensemble des habitants obtient très tôt des chartes par lesquelles les seigneurs reconnaissent aux Communes différents droits individuels et collectifs.

Le développement progressif des forces productives et des échanges donne naissance à la classe sociale des marchands. Du 11ème au 15ème siècle, cette bourgeoisie joue un rôle progressiste car ses intérêts la poussent à défendre et accroître les libertés communales face aux seigneurs et à l’Eglise.

Du 11ème au 15ème siècle, les luttes de classe ont été nombreuses et souvent violentes entre d’une part hiérarchie féodale, d’autre part bourgeoisie (soutenue par les milieux populaires urbains).

Globalement, le processus de transition vers des rapports de production, des rapports sociaux et des pouvoirs politiques pré-capitalistes se réalise essentiellement par le développement de l’économie marchande. Des révolutions bourgeoises et populaires éclatent dans des villes à la vie industrielle et commerciale avancée lorsque la féodalité ne s’avère pas capable de s’adapter à l’évolution historique.

Il s’opère principalement par le développement d’une économie de marché au sein du mode de production féodal puis en lien avec les royautés absolues. Cependant, des soulèvements populaires ont permis des victoires politiques des élites marchandes et financières et ont accéléré ce développement : il s’agit des révolutions bourgeoises.

A3) Couche sociale de marchands et émergence des communes, des cités Etat

Comme nous venons de le voir ci-dessus, le mode de production féodal correspond à une société essentiellement rurale.

Le développement des échanges (foires, marché, routes terrestres et maritimes...), de l’artisanat, d’une économie de marché génère l’accroissement démographique des villes.

Au cours de ce processus d’épanouissement des cités, les couches sociales urbaines, particulièrement les marchands, essaient de construire des administrations locales répondant à leur intérêt économique et politique (entretien des voies de communication, protection des échanges, crédibilité de la monnaie...).

La prospérité urbaine donne donc naissance au phénomène des Communes (élus locaux, monnaie locale...) parfois épaulées par la royauté ou un grand seigneur pour affaiblir un vassal.

Les cités Etats les plus forts apparaissent dans les régions d’Europe jouant un rôle majeur dans l’expansion économique et commerçante.

Tel est le cas pour la Flandre dont l’industrie drapière s’est tournée dès le début du XIIIe siècle vers le commerce à longue distance : Italie, France, Espagne et par l’intermédiaire des marchands italiens, vénitiens ou génois, les pays de l’Adriatique et l’Orient. La forte division du travail ( plus de 30 intervenants différents dans la fabrication d’un drap) permet l’émergence de détenteurs de capitaux maîtrisant de l’achat des matières premières (laine anglaise) à la fabrication puis commercialisation. Le pouvoir économique et social de ces donneurs d’ouvrage leur permet de jouer un rôle politique (échevins). Ainsi, la ville de Douai jouit d’une autonomie municipale très importante dès 1188 (administration, police, justice, pouvoir législatif local, règlementation technique...). Des rapports capitalistes entre des propriétaires de moyens de production et leurs salariés apparaissent déjà. Ainsi, les bans échevinaux fixent les conditions d’embauche et les horaires de travail journalier des salariés, de ceux qui, faute de moyens, doivent louer leur force de travail et dépendent de l’embauche. Des grèves et émeutes éclatent inévitablement tant les intérêts sont contradictoires, par exemple à Douai en janvier 1245.

A4) Les révolutions communales du Moyen Age peuvent être caractérisées comme des pré-révolutions bourgeoises

Une révolution communale se traduit par une lutte sociale et politique victorieuse contre la féodalité, portée par les couches sociales urbaines liées au développement d’une économie de marché et dont des bourgeois constituent l’élément dirigeant. La société s’en trouve suffisamment transformée pour permettre un meilleur développement des rapports de production pré-capitalistes.

Il était une fois... les révolutions

L’Europe occidentale a connu des centaines de révolutions communales de ce type. J’ai pris le temps d’en étudier une pour mon bourg d’Entraygues sur Truyère. En 1278, le comte de Rodez en est nommé haut seigneur par le roi de France. Il se fait construire sur place un grand château, impose le pouvoir politique de son bailli et la police de ses sergents. Un long mouvement de résistance l’oblige à signer en 1292 une charte reconnaissant les "droits antiques" du lieu (liberté d’expression, de réunion, de syndicalisation, rôle des consuls élus...). Des féodaux mordant de plus en plus sur la société locale, une nouvelle lutte de masse éclate 30 ans plus tard...

4 novembre 1292 : Révolution communale et charte d’Entraygues sur Truyère

C’est l’Italie du Nord qui nous donne les exemples de cités Etats les plus intéressants.

Florence au 14ème siècle : république bourgeoise et révolte des ciompi

A5) De la féodalité au pré-capitalisme puis au capitalisme, quelles sont les transformations essentielles dans les rapports sociaux ?

- l’élection d’institutions locales puis nationales au détriment du pouvoir personnel seigneurial puis royal

- la reconnaissance de garanties individuelles et collectives contre l’arbitraire seigneurial et royal.

- des progrès dans le sens des libertés de conscience, d’expression, de religion...

- l’abolition du servage et de la propriété personnelle des seigneurs sur leurs paysans

- l’évolution de la propriété des terres, de la possession féodale conditionnelle à la propriété entière de type antique comme capitaliste avec partage des fiefs seigneuriaux en exploitations paysannes

- la diminution des entraves institutionnelles à la libre activité des artisans, marchands, manufacturiers

- la rationalisation des outils de la vie en collectivité (fiscalité, enseignement, législation...)

- peu à peu viendront aussi la limitation du rôle de l’Eglise dans la vie sociale ( en particulier la fin de son monopole idéologique), l’égalité civile...

Ces transformations n’ont pas été réalisées partout de façon identique et linéaire. Parfois le pouvoir royal a aidé la mise en place de communes pour affaiblir la haute noblesse locale. Souvent des contre-révolutions ont temporairement aboli des progrès préalablement réalisés. Quoi qu’il en soit, les révolutions bourgeoises ont créé de nouveaux rapports de force, engagé des réformes, modifié les pouvoirs en place.

B) Communes et républiques urbaines

Des milliers de mouvements locaux ont réussi à obtenir des droits démocratiques importants de la part de leurs seigneurs. Globalement, plus une région était urbanisée, commerçante avec forte circulation monétaire... plus le simple développement de l’économie de marché capitaliste créait les conditions de révolutions communales réussies.

Comment ce phénomène a-t-il commencé ? Au début du XIème siècle, une reprise économique et démographique se développe en Europe. Cependant, le morcellement en seigneuries rurales autarciques, l’insécurité des voies de communication terrestres... laissent une place de choix aux ports des bords de la Méditerranée, en particulier de l’Italie du Nord.

B1) Florissante Italie du Nord aux 11ème, 12ème et 13ème siècles

Des républiques naissent dans les centres commerciaux avec création de gouvernements autonomes formés par les corporations marchandes. Elles imposent leur suprématie navale aux musulmans jusqu’en Méditerranée orientale, créant un premier capitalisme commercial et financier. Les Croisades accroissent leur rôle et l’importance de leur réseau tout autour de la Méditerranée et même de la Mer Noire.

B2) Le midi occitan aux 12ème et 13ème siècles

Jusqu’au 13ème siècle, les pays du Midi occitan sont très indépendants, prêtant hommage ici ou là selon leurs intérêts (royaumes d’Aragon, de France, d’Angleterre...). En 1134, ils participent à l’élection de l’empereur d’Espagne à Saragosse. En 1166, le Béarn, la Bigorre, Comminges, Foix, Cahors, Rouergue, Gévaudan, Septimanie (Languedoc) et Provence rendent hommage au roi d’Aragon Alphonse II. En 1173, Raymond V de Toulouse, principal seigneur du Midi prête hommage au roi d’Angleterre pour recevoir son appui.

Cette autonomie s’explique par un type de société nettement moins féodal que dans le royaume de France par exemple. Ainsi, il n’existe pratiquement pas de servage des paysans ni de corvées ; leurs possibilités d’ascension sociale sont importantes ; les seigneurs peuvent difficilement vendre des terres sans l’accord du titulaire de la manse. Seulement 5% environ des parcelles ne sont pas des alleux (domaines libres de tout droit féodal).

Les bourgs et villes importantes sont dirigées par des consuls ayant un pouvoir économique (règlementation des marchés...), financier, juridique (droits de justice), et même militaire ; ainsi la Commune de Millau organise des expéditions armées contre des seigneurs des environs.

Le statut social des paysans, la structure politique des villes, l’importante circulation monétaire... font de l’Occitanie avant la Croisade des Albigeois et le génocide des cathares un secteur privilégié de développement de révolutions démocratiques bourgeoises.

B3) 14ème siècle Les révolutions communales affrontent la féodalité (Flandre, Hanse...)

La société féodale reposant sur trois ordres distincts (noblesse, clergé, paysannerie), correspondait à une société agricole décentralisée. A partir de la fin du 13ème siècle, cet équilibre se voit définitivement rompu ; la concurrence entre grands Etats (en particulier France et Angleterre) oblige ceux-ci à unifier la monnaie, à lever des armées permanentes...

Pourquoi l’Etat-nation a-t-il surgi du féodalisme ?

Pour affaiblir les grands féodaux, les rois créent de véritables zones franches indépendantes de la hiérarchie féodale ; les bastides du Sud-Ouest de la France en sont un bon exemple avec leur pouvoir politique et économique local démocratique (consulat, marché, foires, poids et mesures, milice). Pour disposer de ressources financières et de relais administratifs, les royautés s’appuient sur le patriciat (moyenne et haute bourgeoisie) urbain.

La Flandre connaît au Moyen Age un développement économique presque aussi important que celui de l’Italie du Nord. Cela entraîne des contradictions avec la féodalité. Le 11 juillet 1302, les milices communales flamandes écrasent la chevalerie française de Philippe le Bel. La ville de Gand se révolte en 1335 et surtout de 1379 à 1382, véritable révolution bourgeoise dirigée par Philippe van Artevelde.

En 1328, l’empereur Louis de Bavière échoue complètement dans sa tentative d’imposer sa domination aux cités italiennes.

Le 22 janvier 1358, les bourgeois de Paris se soulèvent sous la conduite de leur prévôt Étienne Marcel. Le dauphin fuit Paris, laisse temporairement la ville aux mains des émeutiers et rassemble une armée qui reprend la capitale le 31 juillet de la même année.

La même année se met en place en Allemagne une organisation typique de la nouvelle puissance bourgeoise : la Hanse, ligue maritime et commerciale groupant près de 200 villes ; Lübeck en est la métropole. Il suffit de savoir que hanse signifie "association de marchands" pour en comprendre la nature.Elle est le résultat, d’une part de la conquête du pouvoir politique dans de nombreuses communes aux 12èm, 13ème et 14ème siècles ( Lübeck en 1158, Rostock, Wismar, Stralsund, Stettin, Dantzig, Elbing). La Hanse disparaît comme puissance politique lors des traités de Cette structure politique originale est évincée par les traités de Westphalie en 1648 qui consacrent définitivement les États-nations.

De 1378 à 1385, l’Europe connaît sa première période révolutionnaire.

Moyen Age : De 1378 à 1385, une période de luttes, révoltes et soulèvements

B4) Le mouvement d’indépendance des villes et communautés suisses aux XIVème et XVème siècles

De 1309 à 1526, la Commune de Genève s’émancipe complètement de la féodalité

C) Les mouvements religieux à caractère millénariste

L’Eglise catholique défend jusqu’au 20ème siècle la position ferme de ses Pères de l’Eglise et de Saint Thomas d’Aquin selon lesquels Dieu assigné sa place à chaque humain à sa naissance : roi, seigneur, serf ou esclave, riche ou pauvre. Le riche doit faire l’aumône mais sans diminuer la capacité de sa famille à tenir son rang assigné par le Ciel. Dans ces conditions, toute expérience sociale différente de la pyramide féodale, toute revendication populaire est considérée comme une hérésie et traitée comme telle, c’est à dire par le sang et le feu.

De plus, elle reste attachée, toujours dans la tradition des Pères, à une vision totalitaire de son rapport à la société, l’augustinisme politique. En 1438, les délégués de l’université de Paris s’y réfèrent auprès du roi de France Charles VII « Ainsi que l’atteste Isidore (de Séville), à l’intérieur de l’Eglise, la puissance séculière ne serait pas nécessaire, si elle ne devait être là pour imposer par la contrainte ce que le clergé ne peut faire triompher par le seul enseignement de la doctrine. »

Dans un tel contexte, tout petit désaccord d’ordre théologique peut évoluer en hérésie.

C1) Le millénarisme fait référence à des textes du corpus chrétien

La cristallisation religieuse des mouvements populaires est facilitée par la référence possible à certains textes du corpus chrétien et biblique comme l’ âge d’or passé (dans lequel tout appartenait à tous) et les Apocalypses. Apocalypse signifie en grec ancien "dévoilement, révélation". Les différentes apocalypses juives et chrétiennes se présentent donc comme la Révélation d’une vérité de Dieu à un prophète. Rédigées durant des périodes d’adversité, d’oppression et de répression, leur forme relève de la prophétie mais elles font des pauvres les élus du royaume de Dieu à venir et appellent souvent à la lutte populaire immédiate.

Ainsi, l’Apocalypse de Jean (également appelé Révélation de Jésus-Christ), dernier texte du Nouveau Testament, Jean se réclame du prophète biblique Ézéchiel et se présente comme intermédiaire de Jésus-Christ » dévoilant « quel est le sens divin de son époque et comment le peuple de Dieu sera bientôt délivré ».

Parmi les Apocalypses à dimension millénariste (doctrine religieuse aspirant à une révolution sociale), voici l’exemple de Saint Irénée C’est pourquoi le Seigneur disait : « Lorsque tu donnes un dîner ou un souper, n’invite pas des riches, ni des amis, des voisins et des parents, de peur qu’eux aussi ne t’invitent à leur tour et qu’ils ne te le rendent ; mais invite des estropiés, des aveugles, des pauvres, et heureux seras-tu de ce qu’ils n’ont pas de quoi te rendre, car cela te sera rendu lors de la résurrection des justes. »

Le texte originel des évangiles contient également un fonds égalitaire, fraternel et universaliste dû à la période révolutionnaire vécue en Palestine à cette époque.

Les évangiles : un religiosité humaniste, morale, égalitaire, révolutionnaire

Société, guérillas et révoltes juives jusqu’à Hérode

C2) Le millénarisme fait référence au christianisme primitif

« L’histoire du christianisme primitif offre de curieux points de contacts avec le mouvement ouvrier moderne.

Comme celui-ci, le christianisme était à l’origine le mouvement des opprimés. Il apparut tout d’abord comme la religion des esclaves et des affranchis, des pauvres et des hommes privés de droits, des peuples subjugués ou dispersés par Rome. Tous deux, le christianisme aussi bien que le socialisme ouvrier, prêchent une délivrance prochaine de la servitude et de la misère (…).

Déjà au moyen-âge le parallélisme des deux phénomènes s’impose lors des premiers soulèvements de paysans opprimés, et notamment, des plébéiens des villes. Ces soulèvements, ainsi, que tous les mouvements des masses au moyen-âge portèrent nécessairement un masque religieux, apparaissaient comme des restaurations du christianisme primitif à la suite d’une corruption envahissante, mais derrière l’exaltation religieuse se cachaient régulièrement de très positifs intérêts mondains.

Cela ressortait d’une manière grandiose dans l’organisation des Taborites de Bohème sous Jean Zizka, de glorieuse mémoire ; mais ce trait persiste à travers tout le moyen-âge, jusqu’à ce qu’il disparaît petit à petit, après la guerre des paysans en Allemagne, pour reparaître chez les ouvriers communistes après 1830.

Les communistes révolutionnaires français, de même que Weitling et ses adhérents, se réclamèrent du christianisme primitif, bien longtemps avant que Renan ait dit : " Si vous voulez vous faire une idée des premières communautés chrétiennes, regardez une section locale de l’Association internationale des travailleurs". »

(Engels, Contributions à l’Histoire du Christianisme primitif)

C3) Mouvements oppositionnels et populaires

La conception du monde véhiculée par la société médiévale baigne dans un univers religieux relevant de la fiction. Aussi, toute opposition se dote d’une cohérence religieuse.

Tel est le cas :

- des célèbres cathares du Midi languedocien (12ème et 13ème siècle) contre lequel l’Eglise lança la terrible croisade des Albigeois

- des béguins et béguines (nom peut-être construit sur al-bigensis albigeois) apparus dès la fin du 12ème siècle autour de la création de maisons d’accueil pour des mendiants et très pauvres. Durant le 13ème siècle, ce mouvement est infiltré, travaillé par les idées sociales du Libre-Esprit et du joachimité Gérard Segarelli. Aussi, en 1311, le concile de Vienne condamne sous l’appellation de bégards les partisans du Libre-Esprit, les apostoliques, les fraticelles et les béguines catholiques.

- des Pastoureaux français (1251 et 1320), mouvement social d’opposition aux privilégiés qui proclame des convictions évangéliques, catholiques et xénophobes avant d’être écrasé militairement par les troupes du roi.

- des Pauperes du Nord de la France et de la vallée du Rhin qui se mobilisent lors des années de disette (1309, 1315) avant de partir en croisade jusqu’à l’Atlantique et la Méditerranée. Comme pour les Pastoureaux, beaucoup finissent pendus.

C4) Joachim de Flore

Parmi les idéologues ayant eu l’impact le plus important citons le moine cistercien Joachim de Flore, né en Calabre (Sud de l’Italie). Sur le fond, il défend des positions opposées à l’augustinisme, par exemple en affirmant que la venue du Christ sur terre n’a apporté nu la Rédemption ni le royaume divin sur terre.

Pour lui, l’histoire humaine passe par trois âges :

- Le premier est l’âge de l’Ancien testament, de la Loi, de la crainte, de la servitude. C’est l’âge du Père.

- le second du Nouveau testament, de la foi, de l’obéissance... C’est l’âge du Fils

- le troisième sera celui de l’Amour, de la liberté, de la joie, de la charité...

« Dans le troisième, que nous attendons prochainement, nous serons sous une grâce plus abondante » Joachim de Flore, Expositio in Apocalypsim.

Pour lui, la rédemption complète des péchés viendra avec le 3ème âge : « La vision (de Daniel) dans laquelle était promise la justice éternelle, et l’abolition de la faute, a été accomplie en partie et non en totalité lors du premier avènement du seigneur ».

Il s’inscrit dans la tradition des prophètes juifs de la Bible qui prêchent contre les rois et la hiérarchie religieuse. Il soutient les "petits" contre les "grands" qu’il accuse être des apostats déguisés. Ses attaques contre l’institution catholique ne manquent pas de clarté.

Il sépare avec soin la véritable Église, qu’il désigne sous le nom de Jérusalem, de celle des méchants, qu’il flétrit du nom consacré de Babylone. Cette Babylone, c’est la Rome anarchique, l’église charnelle, la grande marâtre qui nage sur les eaux. Ce sont les prélats auxquels est confiée la conduite des peuples, et qui pour plaire aux hommes méprisent les ordres de Dieu. À leur suite, marchent les marchands de la terre, qui s’enrichissent en trafiquant du royaume de Dieu. Ce sont les faux prêtres et les hypocrites, qui convoitent les avantages temporels, pour qui toute vertu est dans les joies de la chair, et qui veulent la richesse pour vivre dans les délices. L’Église de Dieu est devenue une maison de commerce. La prise de Jérusalem par Saladin en 1187 est un signe de la justice divine.

Joachim fera de nombreux adeptes au 13ème siècle, particulièrement au sein des Franciscains.

Il prend fermement position contre les croisades affirmant qu’un catholique doit catéchiser par la seule parole.

C5) Fra Dolcino et les Dolciniens

Fra Dolcino fait partie des héritiers idéologiques de Joachim de Flore puis de Gherardo Segarelli .

L’article de Wikipedia le concernant signale quatre axes importants au nombre de ses idées :

- Le refus de la hiérarchie ecclésiastique et le retour aux idéaux originaux de pauvreté et d’humilité.

- Le refus du système féodal

- La libération de toute contrainte et de tout assujettissement.

- L’organisation d’une société égalitaire d’aide et de respect mutuel, mettant en commun les biens et respectant l’égalité des sexes.

De 1300 à 1307, Fra Dolcino dirige un fort mouvement populaire réuni sur ces bases en Italie du Nord. L’Eglise catholique et les grands féodaux rassemblent des troupes pour exterminer les dolciniens. Ceux-ci réagissent par une forme de guérilla et par leur regroupement dans des camps fortifiés (par exemple sur le mont Rubello dans les Alpes pennines, province de Biella).

Après leur capture par l’Église, Fra Dolcino et sa compagne Margherita Boninsegna n’ont pas droit à un procès. Ils sont torturés, Fra Dolcino subit une castration, puis le couple est démembré. Les parties de leurs corps sont ensuite jetées au bûcher par le bourreau. En 1322, une trentaine de disciples de Dolcino sont encore brûlés vifs sur la place du marché de Padoue.

C6) Cola di Rienzo à Rome

Né à Rome au printemps 1313, fils d’un aubergiste et d’une lavandière, il est imprégné par deux sources : d’une part le messianisme joachimite (Joachim de Flore), d’autre part la nostalgie de la République romaine antique.

Bénéficiant de l’appui conjoncturel du vicaire pontifical (représentant du pape à Rome avec compétences civiles et religieuses) Raymond d’Ovieto, il convoque le peuple au Capitole le 21 mai 1347 et l’enflamme par ses discours d’opposition aux patriciens. Il se fait élire tribun et libérateur de la République, chasse de Rome les grandes familles nobles (Orsini, Colonna).

Cola di Rienzo dirige la ville durant sept mois avant que l’Eglise et la noblesse ne le renversent (13 décembre 1347). Le 8 octobre 1354, les Colonna organisent un soulèvement populaire. Capturé par les émeutiers, il est décapité, son cadavre brûlé et ses cendres jetées dans le Tibre.

C7) Les flagellants allemands

Dans un contexte de difficultés économiques endémiques, des artisans urbains (tisserands, cordonniers, forgerons...) et marginaux pratiquent des flagellations rituelles puis tournent leur vindicte contre le haut clergé dès le 13ème siècle. Ce mouvement allemand fut rapidement excommunié par l’Eglise et réprimé par les princes. Cependant, il reprit vigueur lors de toute nouvelle période difficile comme lors de la disette de la Rhénanie en 1296 puis au milieu du 14ème siècle. Des groupes structurés se maintinrent en milieu populaire (artisans, paysans) avec souvent des moines défroqués ou intellectuels hors-la-loi à leur tête.

Comme l’écrit Guy Fourquin, ils transforment leurs groupements en « conspiration permanente contre le clergé. Foncièrement hostiles aux riches, ils avaient recruté de nombreux disciples chez les femmes et au sein des éléments les plus inquiets, les plus désemparés des villes. Pour eux, il était juste de prendre aux riches pour donner aux pauvres... Renforcés par les adeptes du Libre Esprit, eux-mêmes organisés peut-être en société secrète à nombreuses ramifications, mué en ample mouvement messianique, les Flagellants des contrées germaniques se heurtèrent violemment à l’Eglise, s’emparèrent de biens de temporels, brutalisèrent les clercs osant porter la contradiction... Le pape Clément VI témoigne de ce qu’ils devinrent la terreur des gens aisés (d’où le supplice du bûcher pour les "maîtres d’erreur")... Le mouvement persista pourtant, particulièrement en Thuringe (insurrection de Conrad Schmid en 1368) ; ça et là, en Allemagne et en Itale, jusqu’à la fin du 15ème siècle, des groupes de Flagellants, liés ou non à des adeptes du Libre Esprit, allaient réapparaître, se faire poursuivre et parfois brûler. Et l’on notera que la Guerre des Paysans, sous Luther, devait naître près de Nordhausen qui avait été la "capitale" de Conrad Schmid. Evidente est la continuité messianique des mouvements de flagellants du Moyen Age au soulèvement paysan de Thomas Münzer...

C8) Le Soulèvement des Travailleurs en Angleterre

15 juin 1381 : Wat Tyler est assassiné. La révolution populaire de Londres échoue

C9) Le soulèvement des Hussites (1419 à 1434) en Bohême

Hussites et taborites tchèques : révolution médiévale flamboyante

Bibliographie :

* Norman Cohn, Les Fanatiques de l’apocalypse. Courants millénaristes révolutionnaires du XIe au XVIe siècle (The Pursuit of the Millenium), Bruxelles, Aden, collection « Opium du peuple », 2011 (édition originale en 1957), 482 pages, 28 €.

https://dissidences.hypotheses.org/4768

* Guy Fourquin, Les soulèvements populaires au Moyen Age, Presses Universitaires de France 1972


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