Démocratie : à quand le sursaut ?

dimanche 28 avril 2024.
 

La démocratie est mal en point. Un sursaut civique est nécessaire.

La société est inquiète, les opinions se clivent, la légitimité des institutions s’érode et les majorités se font attendre. La société française n’a pas viré à droite, mais sur la scène politique la droite est archimajoritaire. Du coup, celui qui s’est fait élire en 2017 comme étant « et de droite et de gauche » a décidé d’aller de plus en plus vers la droite, pour disputer à l’extrême droite… la propriété des idées qu’elle a imposées.

Il fut un temps où les États, même de droite, considéraient qu’ils devaient être stratèges et redistributeurs pour être légitimes. Le vent a tourné. Ils ont commencé par expliquer (1975) que la démocratie délibérative ne fonctionnait plus et que la bonne « gouvernance » impliquait de laisser la décision aux compétences. Puis est venu le temps de la « guerre des civilisations », puis celui de la « guerre contre le terrorisme ». Peu à peu « l’état d’urgence » a pris le pas sur l’État de droit, l’identité et l’autorité ont surpassé l’égalité et le libre arbitre, la sécurité des personnes s’est confondue avec l’illusion sécuritaire.

La société s’est habituée au confort de cet ordre de surface. Or, en haut lieu, on se met à penser qu’il faut aller plus loin. De même que le dépistage du criminel potentiel (celui des « populations à risques ») serait la clé de la lutte contre le crime, de même la lutte contre les terroristes devrait désormais passer en amont par la chasse à « l’apologie du terrorisme » – bien sûr camouflée derrière le droit des peuples. À quand le procès à titre posthume des Pères fondateurs américains de 1776 et des constituants français de 1789 qui, à leur suite, rappelaient que « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs »  ?

Ce « maccarthysme à la française », pour citer Edwy Plenel, est intolérable. Il faut donc tenir bon sur le fond : le massacre de la population gazaouie et les violences de la colonisation sont des barbaries que ne légitiment en aucune manière les crimes commis par le Hamas. Mais s’arc-bouter sur les idées n’implique pas les outrances du verbe, la promotion de l’insulte au rang d’argument, la superposition du heurt des idées et de la guerre des camps.

C’est une question de morale politique  ; c’est la leçon que nous laisse le XXème siècle. Et c’est un constat de réalisme démocratique. S’il n’est de victoire durable que par la conquête majoritaire, il n’est pas d’autre choix possible que de marier le refus des compromissions sur les valeurs et l’ampleur des regroupements nécessaires pour les faire prévaloir. Plus l’affrontement sur les idées se fait âpre et plus devrait s’imposer la conviction que l’esprit du rassemblement doit primer sur la tentation du clivage. Surtout entre celles et ceux qui ont vocation à s’entendre.

Roger Martelli

Complément de la rédaction du site :

Egal à lui-même, Roger Martelli nous livre ce jour un texte répondant aux urgences de l’heure.

Ceci dit, il fait retomber une grande partie de la responsabilité des divisions et faiblesses de la gauche sur Jean-Luc Mélenchon sans aborder la logique terriblement destructrice pour notre camp de Patrick Glucksman et Fabien Roussel. Nous ne pouvons être d’accord car ce n’est pas vrai.

Oui, "l’esprit du rassemblement doit primer sur la tentation du clivage" ; cependant, pour ces élections européennes, l’esprit et les propositions pour l’unité ont été portés par Jean-Luc Mélenchon et LFI jusqu’au moment où Fabien Roussel, les Verts et le PS ont prouvé qu’ils allaient sans aucun doute, indépendamment du contexte politique et de l’intérêt du progrès social et démocratique faire campagne pour leur propre liste.

Oui, il ne fallait pas liquider la NUPES sinon à laisser largement le champ libre à Macron et Bardella.

Jacques Serieys


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