Israël-Palestine : le plan d’assujettissement des Palestiniens se poursuit

dimanche 24 mars 2024.
 

Même ceux qui se sont moqués du ministre des finances, Bezalel Smotrich, participent, ou soutiennent à voix haute et par leur silence, l’usage écrasant de la force par le gouvernement contre les Palestiniens partout dans le monde.

En dépit du faible nombre de sièges que Bezalel Smotrich [Mafdal-Sionisme religieux] devrait remporter, selon les sondages, Israël met déjà en œuvre le plan du ministre des Finances pour soumettre les Palestiniens et va même au-delà des lignes et des frontières que Smotrich a exposées publiquement. Le « plan décisif » de Smotrich, comme il l’a nommé, est la frère jumeau de la réforme judiciaire. Leurs auteurs, partisans et défenseurs proviennent du milieu de plus en plus puissant des colons sionistes religieux [voir sur ce site l’article de James Robins publié le 20 février 2024].

Une majorité d’Israéliens s’oppose à ce coup d’Etat [judiciaire], dont l’essentiel consiste à donner au gouvernement un pouvoir politique illimité et à réduire encore son implication dans la fourniture de services sociaux. Pourtant une plus grande majorité de Juifs israéliens approuvent ouvertement – dans la pratique, tacitement et sur TikTok – la politique de ce gouvernement putschiste telle qu’appliquée à tous les Palestiniens. Le massacre du 7 octobre en a été la cause immédiate. Mais il s’agit essentiellement de la même politique d’assujettissement qu’Israël poursuit depuis au moins 15 ans. Bezalel Smotrich, qui est sans détour, n’a fait que l’articuler avec précision.

Il y a sept ans, au printemps 2017, Smotrich – alors encore député au sein du parti Habayit Hayehudi-Le Foyer juif – avait présenté dans des cercles sionistes religieux fermés son plan pour un Etat de la rivière à la mer, pour un seul peuple [voir Haaretz, 22 mai 2023]. Le peuple juif. Certains en ont conclu que le massacre d’enfants et de femmes palestiniens était inclus dans sa troisième option : une guerre totale contre les Palestiniens qui refusent d’émigrer ou de rester et d’accepter la non-réalisation de leurs droits nationaux dans ce pays.

Dans une réponse aux critiques de son plan dans Haaretz, il a réfuté entièrement l’interprétation extrême donnée à ses propos, et semble-t-il au fait qu’il s’est appuyé sur des messages envoyés par Joshua bin Nun [Josué le prophète successeur de Moïse dans la conduite vers la Terre promise], selon un midrash [exégèse biblique], aux habitants de la terre qu’il s’apprêtait à conquérir, selon la Bible (Haaretz, « I didn’t call for the wholesale killing of all Palestinians » – « Je n’ai pas appelé au massacre de tous les Palestiniens », 4 juin 2017).

Déjà dans un entretien franc qu’il a accordé à Ravit Hecht il y a plus de sept ans (Haaretz, 3 décembre 2016), Smotrich a mentionné Josué et ses lettres. « [N]ous décidons du conflit : je détruis leurs espoirs [des Palestiniens] d’établir un Etat », a-t-il affirmé à Ravit Hecht. Quand elle a posé la question « comment ? », il a répondu : « Lorsque Josué est entré dans le pays, il a envoyé trois lettres à ses habitants : ceux qui veulent accepter [notre domination] accepteront ; ceux qui veulent partir partiront ; ceux qui veulent se battre se battront… Ceux qui veulent partir, et il y en aura, je les aiderai. Quand ils n’auront plus d’espoir ni de perspectives, ils partiront, comme ils sont partis en 1948. »

Ce n’est pas une coïncidence si, depuis le début de la guerre, Smotrich fait partie des membres du gouvernement et des hommes politiques qui ont présenté avec enthousiasme la solution « humaine » pour les non-combattants de Gaza : le transfert volontaire de population. Les frappes aériennes y contribuent. En effet, chaque jour, même des plus braves patriotes de Gaza quittent le territoire, fuyant les horreurs de la destruction et de la mort, s’ils ont l’argent ou les bonnes relations.

Revenons à 2016. Smotrich a déclaré à Ravit Hecht : « Ceux qui ne partent pas accepteront la domination de l’Etat juif, auquel cas ils pourront rester, et quant à ceux qui ne le font pas, nous les combattrons et les détruirons. » A l’époque, le jeune membre de la Knesset s’était concentré sur la Cisjordanie et avait présenté son annexion, l’expansion de la colonisation et l’augmentation du nombre de colons comme l’arme principale du processus d’assujettissement. Aujourd’hui, la défaite et l’assujettissement sont le mot d’ordre s’imposant dans tous les territoires.

La Cisjordanie, qui était déjà coupée en deux, est encore plus fragmentée par les barrages routiers, les points de contrôle et les grillages verrouillés à la sortie des villages et des villes, ainsi que par les nouvelles routes que les colons ont ouvertes. L’administration civile, l’armée et les colons ostensiblement organisés continuent d’expulser les Palestiniens de leurs terres. Les mesures économiques de vengeance, orchestrées par Smotrich, ont appauvri les habitants dans une mesure qu’ils n’avaient pas connue depuis de nombreuses années. Dans le même temps, le gouvernement approuve de plus en plus d’habitations pour les Juifs. La fin de cette guerre sanglante dans la bande de Gaza n’est pas en vue.

En Israël, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, s’est assuré de réduire les allocations gouvernementales à la population arabe avant même la guerre. Et les forces de police sous la conduite de son ami/rival le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et l’opinion publique incendiaire veillent à ce que les citoyens palestiniens israéliens ne puissent même pas exprimer leurs sentiments de douleur et de choc face au sort de leur peuple dans la bande de Gaza.

Le fer de lance de la bataille contre la réforme judiciaire, à savoir Frères et Sœurs d’armes [organisation d’hommes et de femmes issus des diverses unités de l’armée, présente dans les manifestations contre la réforme judiciaire], est le fer de lance de l’écrasement de Gaza et du massacre de ses civils [ces réservistes ont été mobilisés]. Il y a environ un an, des centaines de milliers de manifestant·e·s israéliens, opposés à la réforme, ont contrecarré le renvoi du ministre de la Défense Yoav Gallant, dont l’incompétence professionnelle et l’échec ministériel ont été révélés par les événements du 7 octobre. Aujourd’hui, ils sont absents des manifestations pour la libération des otages.

Même ceux qui se sont moqués de l’anglais et des connaissances économiques de l’actuel ministre des Finances et ministre délégué à la Défense participent ou soutiennent à haute voix ou par leur silence l’usage écrasant de la force par le gouvernement contre les Palestiniens : dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et en Israël même. La plupart des Israéliens ont été choqués par les déclarations sans fard de Smotrich. Elles reflètent franchement l’opinion du gouvernement, selon lesquelles la libération des Israéliens enlevés par le Hamas le 7 octobre n’est pas la question la plus importante. Mais la plupart des Israéliens juifs ne sont pas choqués par le meurtre de plus de 20 000 femmes et enfants dans la bande de Gaza, par la famine croissante et le danger de mort et de déshydratation de ses habitants.

Lorsque cette terrible guerre prendra fin – qui sait quand – la majorité qui s’est opposée à la réforme judiciaire découvrira que cette réforme est presque accomplie. Le contrôle judiciaire est plus faible et plus soumis au régime que jamais, le système scolaire est totalement consensuel et plus lâche que jamais, et les médias se font les porte-parole de l’armée avec un enthousiasme débordant. Une vraie victoire.

Amira Hass

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