Attaqué par les colons, le village d’Al-Mughayyer incarne la brutale expansion israélienne en Cisjordanie

dimanche 21 avril 2024.
 

Mi-avril, des centaines de colons israéliens ont pris d’assaut, pendant trois jours, la localité située près de Ramallah. La violence devenue système sert à accaparer les terres palestiniennes en enclavant et en isolant ces communautés étranglées par les colonies. Elle explose depuis le 7 octobre.

Ramallah (Cisjordanie occupée).– Alaa Abou Alia serre les doigts sur le matelas quand le médecin désinfecte ses plaies dans une petite salle du conseil local d’Al-Mughayyer. Le centre médical est à l’étage mais, ces derniers jours, les blessés sont trop nombreux – plus d’une cinquantaine – et, pour beaucoup, trop amochés pour monter.

Le docteur Iyad Naassan en a d’abord soigné directement chez lui, le premier jour des attaques des colons israéliens sur ce village palestinien, puis, avec d’autres soignants, il a fait descendre un lit et des pansements au rez-de-chaussée de ce bâtiment administratif. Le toubib de famille soigne à la chaîne des patients, pour la plupart blessés par balle.

Alaa s’en est pris deux : une dans chaque genou. Elles ont traversé la chair. Va-t-il devoir être opéré ? Le médecin finit le pansement, sans lever la tête : « Espérons que non. On pourra juger après quelques séances de rééducation et une radio. Mais ces balles-là font de sérieux dégâts, elles sont utilisées pour tuer les gros animaux. Ils [les colons] visent sciemment, pour estropier. »

Le 12 avril, dernier jour de la fête musulmane de l’Aïd, quand il a entendu que les colons israéliens attaquaient le village, Alaa est descendu chez sa tante. La maison est en lisière d’Al-Mughayyer, petit bourg planté dans les collines qui, en cette saison, se teintent d’un vert vif tacheté de fleurs jaunes et de coquelicots, au milieu de la Cisjordanie, entre Ramallah, au sud-ouest, et la vallée du Jourdain, en contrebas, à l’est.

L’adolescent a attrapé sa cousine pour l’exfiltrer et s’est retrouvé face à un colon qui a tiré sur lui, « à bout portant », raconte l’adolescent de 15 ans. Il s’est écroulé. Depuis, la peur et la douleur dévorent ses pensées. Par moment, au-delà de son air bravache, on sent que l’enfance n’a pas encore tout à fait pris congé du garçon en jogging. « Je n’arrive pas à dormir. J’ai vu des gens se faire tirer dessus devant moi », marmonne-t-il, le visage fermé.

Pendant trois jours, les colons israéliens ont attaqué Al-Mughayyer, tuant l’un des habitant·es, Jihad Abou Alia, 25 ans. La balle a traversé son crâne, rapporte le secouriste qui a constaté son décès. Quatre autres blessés sont encore en soins intensifs, dans un état critique. D’autres villages aux alentours ont été attaqués ; les colons ont tué trois autres Palestiniens, dont un adolescent de 17 ans ; les militaires, dans des raids séparés, ont tué quatre autres personnes. Le ministère de la santé palestinien rapporte 75 blessés en trois jours.


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