Une illustration des périls de la loi sur l’autonomie des universités par Frédéric Sawicki (Professeur de Science Po à Lille 2)

samedi 10 novembre 2007.
 

Voici un courrier qui pourrait bien contribuer à jeter beaucoup d’huile sur le feu qui couve actuellement dans beaucoup d’universités françaises à propos de la loi sur l’autonomie des universités. Le 6 novembre dernier, le directeur de Sciences Po, Richard Descoings, a adressé une lettre aux anciens élèves du prestigieux établissement de la rue Saint-Guillaume. Elle mérite d’être ici reproduite dans son intégralité et se passe presque de commentaires :

Paris, le 6 novembre 2007

Cher X,

Révolution dans le monde de l’Université et des Grandes Ecoles : le Parlement a décidé cet été que c’est de plus en plus par des crédits d’impôts au bénéfice des particuliers et des entreprises que seront financés les établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

Ainsi, 66 % des dons que vous accepteriez de faire à Sciences Po en 2007 seront déductibles du montant de l’impôt sur le revenu que vous paierez en 2008 (dans la limite de 20 % de votre imposition). Et si vous êtes redevable de l’ISF, vous pourrez verser à Sciences Po jusqu’à 50.000 euros au titre de cette imposition.

En somme, vous avez désormais le choix entre verser vos impôts à l’Etat ou bien vous en acquitter, à hauteur des 2/3, par une affectation dont vous décidez vous-même.

Cette révolution financière est aussi une révolution culturelle. Elle me conduit à vous demander de soutenir Sciences Po, à titre personnel, ce que, contrairement aux universités anglaises ou américaines, on n’a pas l’habitude de faire en France. Nous allons être sûrement nombreux à nous concurrencer pour tenter de vous convaincre. Saine émulation !

Alors pourquoi choisir Sciences Po plutôt que les autres ? Et, dans ce cas, à quoi servira votre argent ?

Choisir Sciences Po aujourd’hui, c’est nous juger sur des résultats : l’intégration internationale des études, la diversité sociale du recrutement de nos élèves, la professionnalisation de notre diplôme qui confère désormais le grade de master, la présence de nos chercheurs dans tous les grands débats de société.

Soutenir financièrement Sciences Po aujourd’hui, c’est nous permettre d’être un champion universitaire français dans la compétition internationale. Les idées, le sens de l’innovation, l’énergie, nous les avons, vous le savez. Avec vous, et seulement avec vous, nous réunirons les moyens de réaliser cette ambition.

Vous pouvez plus précisément vous informer sur notre campagne de levée de fonds sur le site : www.construire.sciences-po.fr

Avec toute ma gratitude et l’engagement personnel de mériter votre confiance,

Richard Descoings

Financé depuis 1946 par une Fondation de droit privé (la Fondation nationale des sciences politiques) et par l’Etat, Sciences Po dispose d’une longueur d’avance dans la compétition à laquelle vont désormais se livrer les universités françaises. Son directeur entend bien en profiter.

Malheureusement, les concurrents ne sont pas tous sur la même ligne de départ et l’Etat ne fait rien pour placer les universités en position d’égalité initiale.

Dans ces conditions, il y a fort à parier que l’argent ira à l’argent et que les universités dont les élèves sont pauvres et qui dispensent des enseignements n’intéressant pas les entreprises tombent en déshérence.


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